Golden Week : le passage du gué

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Sans les blank sailing annoncés en prévision de la baisse attendue de la demande avant et après la Golden Week du 1er au 7 octobre, l'augmentation de la capacité offerte sur la route entre l’Asie et les côtes nord-américaines serait réelle. Or, la planète étant logée à la même enseigne de la récession, ils sont peu nombreux à croire au maintien des taux de fret à un niveau élevé. À moins que les transporteurs ne s'engagent à nouveau à réduire la capacité

Les taux de fret vont-ils se maintenir à un niveau élevé après la Golden Week, cette semaine de jours fériés accordés par l’État chinois qui a lieu cette année du 1er au 7 octobre ? Après avoir successivement reconduit mois après mois les blank sailing  pour s’ajuster à la faiblesse de la demande, les opérateurs de la ligne régulière ont dû restaurer en catastrophe la plupart des voyages qu’ils avaient pourtant notifiés comme « annulés », repris des services suspendus voire même lancé de nouveaux services et organisé de traversées supplémentaires ad hoc sur les deux grandes routes Est-Ouest.

Avaient-ils péché par excès de prudence ? Quoi qu’il en soit, l’introduction de capacités supplémentaires n’a manifestement pas contrarié les taux de fret spot qui se sont envolés en août entre Asie et les côtes américaines. Le SCFI (Shanghai containerized freight index), composé des taux spot pour les conteneurs au départ de la Chine, a atteint le 28 août son plus haut niveau depuis septembre 2012, à 1 263,26 $.

Les liaisons entre Shanghai et les côtes américaines sont à l'origine de cette poussée, relève le Bimco, l’organisation internationale des armateurs et exploitants de fret. Depuis fin avril, les tarifs vers la côte Ouest des États-Unis ont augmenté de 143,4 %, pour atteindre 3 639 $/EVP, le niveau le plus élevé depuis au moins 2010. Les tarifs spot vers la côte est des États-Unis ont augmenté de 60,6 %, à 4 207 $/EVP.

Les taux de fret vers l'Europe ont également enregistré une embellie, avec une hausse de 42 % par rapport à son niveau le plus bas de la mi-avril (2 058 $/EVP), note pour sa part Alphaliner. Les taux spot entre Shanghai et Los Angeles ou Long Beach dépassent donc désormais largement ceux pratiqués entre l'Asie et l'Europe, bien que le temps de navigation soit plus court.

La discipline des armateurs prépare le secteur à une année incroyablement rentable

500 000 EVP sur le marché en septembre

Alphaliner estime que la capacité hebdomadaire offerte entre l'Asie et l'Amérique du Nord pourrait dépasser 500 000 EVP pour la toute première fois en septembre, grâce notamment au lancement par MSC d’un service supplémentaire appelé Santana. La capacité actuelle sur la route transpacifique est en hausse de 26 % par rapport au mois de mai et même de 6,7 % par rapport au 1er septembre 2019, souligne le spécialiste des lignes maritimes.

Une tendance similaire peut être observée entre Asie et Europe du Nord, bien qu'avec un retard par rapport à l’autre ligne Est-Ouest. La capacité nominale hebdomadaire moyenne entre l'Asie et l'Europe est passée de 340 000 à 400 000 EVP entre mai et septembre (+ 17,6 %), soit à peine 4 % de moins que l'année dernière.

L’organisation internationale des armateurs et exploitants de fret, le Bimco, soutient que les taux de fret vont baisser, une fois la Golden Week passée, à moins que les transporteurs, qui ont montré ces derniers mois qu’ils maîtrisaient l'art d'ajuster leur offre à la demande sans baisser leur prix, retirent à nouveau du marché des navires pour éviter la surcapacité.

Pic instantanée de la demande

« Septembre devrait être un mois très fort pour les transporteurs, avec un pic dans la demande de fret, car les exportateurs chinois expédieront davantage de marchandises avant la Golden Week », explique Alphaliner. Pour s’aligner, Maersk et MSC, partenaires de 2M, vont positionner des mégamax à l’instar des MSC Erica de 19 437 EVP ou des sisterships Marchen et Maribo Maersk de 18 340 EVP sur le service saisonnier Asie-Europe AE-55/Griffin, lequel était jusqu'à présent assuré avec un tonnage de 14 000 EVP. Mais dans la perspective d’une demande saisonnière, les membres des principales alliances ont officiellement annoncé une nouvelle série de blank sailing entre l'Asie et l'Europe en octobre. Au total, l’équivalent de 2 MEVP devrait être retranché de l’offre, selon Alphaliner.

C’est reparti pour les blank sailing

MSC a d’ores et déjà annoncé qu’il ne rétablirait pas ses services « blockbuster », Dragon (Asie-Méditerranée, AE-20 pour Maersk) et Swan (Asie-Europe du Nord, AE-2 pour Maersk) et supprimerait certaines traversées sur ses produits Griffin (aliasAE-55) et Albatross à partir du 28 septembre et jusqu’au 12 octobre depuis l'Asie vers l'Europe du Nord et entre le 11 et 23 novembre depuis l'Europe du Nord vers l'Asie. Maersk et MSC annuleront notamment le 3 octobre la navigation du Murcia Maersk de 20 568 EVP exploité sur le service AE-5 / Albatros.

THE Alliance (HMM, Hapag-Lloyd, ONE et Yang Ming) envisage de supprimer cinq voyages en octobre sur son service FE4 entre l'Asie et l'Europe du Nord. Elle fera également l’impasse sur une traversée de chacune de ses boucles FE2 et FE3 tandis qu’aucune des lignes Asie-Méditerranée ne proposera un départ de Chine au cours de la semaine du 5 octobre.

Ocean Alliance (CMA CGM, Cosco/OOCL, Evergreen), souvent plus tardive que ses deux homologues dans les annonces, n'a pas encore officiellement présenté son programme mais dans ses dernières notes aux clients, elle mentionnait trois départs annulés sur des services Asie-Europe du Nord. « Un quatrième départ sera annulé car le service CES, exploité par Evergreen (alias NEU7), n'offrira que deux départs en trois semaines avec un intervalle de dix jours », précise Alphaliner.

Blank sailing et profits : le sujet clivant

Nouvelle manière de gérer la crise

Quoi qu’il en soit, les transporteurs sont attendus au tournant, soupçonnés par certains de retirer artificiellement de la capacité pour faire monter les prix. Une conjecture de surcroît renforcée par la présentation de résultats financiers fort rentables. D’autres y voient les effets pervers de l’organisation du transport maritime de conteneurs en grandes alliances qui confinerait à l’entente commerciale.

Les consultants d’Alphaliner préfèrent voir dans cette « discipline collective » les signes d’une certaine sagesse. « Les effets désastreux des précédentes guerres tarifaires et le désordre opérationnel qui a suivi la faillite du transporteur coréen Hanjin en 2016 n'ont pas été oubliés ». Que les opérateurs de la ligne régulière ne se soient pas jetés dans une mortifère guerre des prix est en effet une manière toute nouvelle de gérer la crise.

Adeline Descamps

 

 

 

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