Fonds de dotation maritime : CMA CGM précise les contours, la répartition et sa gestion

CMA CGM et Bpifrance ont annoncé conjointement le lancement opérationnel du fonds de dotation pour la filière maritime française, abondé à hauteur de 200 M€ par le Fonds Énergies de CMA CGM. Ce dernier a déjà engagé 460 M€, soit en abondant au capital d'entreprises soit dans des fonds dédiés. Des investissements fléchés vers les biocarburants, les e-carburants et l'électricité verte notamment.  

Rodolphe Saadé avait indiqué, dans le cadre d’une des tables rondes organisées lors des Assises de l’économie de la mer en novembre 2023, qu’il était dans l’attente du go de l’administration française pour abonder à hauteur de 200 M€ au fonds de dotation pour la filière maritime et portuaire française annoncé par Hervé Berville, le secrétaire d’État à la mer en novembre 2022.

« Nous sommes prêts », avait précisé le président du groupe CMA CGM, ce qui laissait à penser que l'administration française ne l'était pas. Le dirigeant s’était déjà montré disposé à abonder à un fonds vert de l’État si ce dernier devait le créer lorsqu’il avait lancé en septembre 2022 son Fonds Énergies, doté de 1,5 Md€ sur cinq ans, de façon à soutenir la production industrielle de nouvelles énergies décarbonées.

L'engagement de l’État à créer un fonds d'investissement s'inscrit dans le cadre de la démarche France Mer 2030, qui comprend un ensemble de mesures en faveur du maritime, du portuaire et de l’économie bleue. Le dernier étage de ce programme concerne les financements. Hervé Berville avait indiqué qu'une enveloppe de 300 M€ serait engagée avant la fin du quinquennat au bénéfice de la décarbonation de la filière maritime (pêche comprise) et portuaire sous la forme de subventions, prises de participations, garanties publiques…espérant enrôler des fonds privés de façon à avoir un effet de levier de 1 à 3.

Trois enveloppes

CMA CGM, qui a fait l’annonce conjointement à Bpifrance, vient de préciser les contours de sa participation qui sera gérée par la banque publique d'investissement. Le fait ne manquera pas d'alimenter les procès sur la proximité réelle ou supposée du pouvoir du troisième armateur mondial de porte-conteneurs avec le pouvoir en place.

En ce qui concerne la répartition, 130 M€ seront fléchés vers la filière maritime (dont 20 M€ pour la pêche et le retrofit des chalutiers), 50 M€ seront dédiés à l’investissement tandis que 20 M€ iront à la recherche. La banque publique d'investissement devrait gérer directement deux des trois enveloppes et les financements seront répartis entre une part de subventions et d’investissements directs au capital.

La première contribution (130 M€ donc) sera gérée par Bpifrance pour le compte du fonds de dotation, en vue de financer des projets de décarbonation des navires. La seconde (50 M€), souscrite dans un fonds d’investissement géré par Bpifrance Investissement, interviendra en fonds propres et quasi-fonds propres dans des entreprises de la filière engagées dans la décarbonation. Et ce quelle que soit la taille, ETI (entreprises de taille intermédiaire) comprises. Enfin, le dernier appui financier de 20 M€ sera géré en direct par le fonds de dotation pour financer des instituts et des centres de recherche.

Un comité de pilotage de 7 membres

Le comité de pilotage, chargé des « orientations de la doctrine d’intervention », est composé de sept membres issus de la filière maritime et du secteur financier (CORIMER, Armateurs de France, Gican, Cluster Maritime Français, Meet2050, comité national des pêches et Rothschild), tandis que l’instruction technique a été confiée à Bpifrance. « Cette collaboration entre les différentes parties prenantes permettra de garantir une approche globale et équilibrée, a réagi Jean-Philippe Casanova, délégué général d’Armateurs de France pour quelques jours encore. Le soutien financier est crucial pour relever efficacement les défis de décarbonation du secteur », rappelle-t-il.

Les allocations à la recherche, gérées par CMA CGM

Pour certaines des allocations imparties à la recherche, elles seront « supervisées directement » par la direction R&D du groupe CMA CGM, précise le communiqué. « La mise en place de ce fonds de dotation représente une étape importante dans le déploiement de Pulse », ajoute l’armateur marseillais.

Le fonds « énergies » du groupe de transport vise notamment à financer l’innovation dans les domaines de l’électrification, de l’efficacité énergétique et du stockage et capture de carbone (CCS) et à amorcer la pompe à la production à l’échelle industrielle de carburants alternatifs pour sa flotte (biométhane et e-fuels, pour lesquels tout est à faire dans le domaine maritime) et d’énergies renouvelables (photovoltaïques notamment) pour ses assets terrestres (terminaux portuaires entre autres).

Le groupe rappelle à l'envi avoir déjà mis sur la table 15 Md$ pour la décarbonation de ses navires, mentionnant 120 navires en mesure d'être propulsés à partir de carburants bas carbone (GNL et au méthanol) d’ici à 2027. Il a par ailleurs investi plus de 200 M$ sur 10 ans pour améliorer l’efficacité énergétique de ses navires en les équipant de déflecteurs de vent, d'étraves à bulbe et d'hélices, etc.

460 M€ alloués via Pulse

En 18 mois, Pulse a engagé 460 M€ (hors fonds de dotation) pour une vingtaine d’investissements directs ou indirects en abondant dans le capital des entreprises ou dans des fonds dédiés à l’instar de Hy24 qui finance des infrastructures d'hydrogène décarboné, Swen Capital, spécialisé dans les carburants durables, InnoEnergy ou Climate Investment, fonds américain dédié à la décarbonation de l’industrie. Le fonds de CMA CGM a jusqu’à présent orienté ses attributions vers cinq domaines : les biocarburants, les e-carburants, la mobilité électrique, les clean tech et l’électricité verte.

Dans le domaine des biocarburants, le propriétaire d'une flotte de 259 navires est impliqué dans Salamandre aux côtés d'Engie au Havre en vue de produire du biométhane, dans Earthwake, start-up basée dans le Vaucluse qui fabrique du carburant à partir de déchets plastiques, dans Waga Energy, une société de l’Isère spécialisée dans le biométhane à partir de déchets organiques ou encore TreaTech, une entreprise suisse dont l’objet est le gaz renouvelable à partir de déchets industriels municipaux.

En matière de mobilité électrique, la gigafactory de batteries Verkor à Dunkerque, l'usine de batteries lithium recyclées aux États-Unis portée par Ascend Eléments ou encore les bornes de recharges électriques à partir de batteries de seconde vie de la start-up lyonnaise Mob Energy, font partie des dossiers retenus par le fonds du groupe français.

Le groupe compte aussi sur l'électricité verte pour décarboner ses actifs portuaires (grues, chariots, camions). Dans ce domaine, le groupe français semble prioriser la capture et la séquestration carbone (Net Zero, start-up parisienne) et le photovoltaïque (Carbon, qui déploie une gigafactory de panneaux solaires à Fos-sur-Mer).

Adeline Descamps

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