Les vracs en France ne sont pas une grande affaire. Les statistiques consolidées de l’administration française n’existant pas, la seule année de référence dont nous disposons est celle de 2017. À cette date, les vracs dans les ports français totalisaient 75 Mt soit 21 % des trafics. Pour comparaison, l’Espagne avoisinait les 100 Mt tandis que l’Italie flirtait avec les 60 Mt. La part entre les tonnages entrants et sortants était à l’avantage de premiers (54 Mt). Il s’agissait à 60,7 % de minerais de fer et de charbon tandis que les céréales dominaient à 61,4 % les flux sortants.
Comme dans la plupart des pays, les vracs secs dépendent en France d’une double nature. D’un côté, les besoins d’approvisionnement des industries, notamment la sidérurgie. De l’autre, les volumes entrants et sortants liés aux filières agricoles nationales qui pèsent en France mais aussi en Europe de l’Ouest.
Sur la partie industrielle, la première place revient au port des Hauts-de-France, Dunkerque. Le bas- sin nordiste étant le premier pôle d’industries lourdes de France, le GPM voit transiter sur ses quais les minerais de fer, de cuivre, de manganèse et de charbon. Les données portuaires de 2020 (18,2 Mt) témoignent d’un ralentissement d’activité (- 22 %) mais elles restent biaisées par la crise en lien avec la crise sanitaire. Seul un des trois hauts-fourneaux a produit l’an dernier, conséquence d’un marché de la construction automobile en berne. L’acier a reculé de 34 % (8,7 %) et le charbon de 28 % (3,6 Mt). Les petits vracs n’ont pas non plus résisté, à 2,6 Mt (- 13 %).
Sidérurgie sur l’eau
Héritier de la sidérurgie sur l’eau comme Dunkerque, Fos est l’autre pôle français sous la bannière d’ArcelorMittal. Les statistiques du Grand Port maritime de Marseille Fos n’indiquent qu’un trafic général pour ses vracs industriels de 6,3 Mt en recul de 24 % l’an dernier. Il s’agit notamment du fer et du charbon. En revanche, il n’y a plus d’alumine pour Gardanne. Il provient maintenant d’Allemagne par voie terrestre.
Si dans la plupart des ports français, la ferraille est un objet d’exportation, à Bayonne l’aciérie Celsa en fait rentrer et en retour, export des billettes pour 0,7 Mt par le port de l’Adour. On notera encore dans les trafics de vracs non agricoles, du sable (Nantes Saint-Nazaire, Lorient), du ciment et du clinker ici et là.
Agrobusiness français
Avec l’acier et le pétrole, l’agriculture est le troi- sième pilier de l’élan des années 1960. Le développement des grandes cultures d’exportation et la croissance de l’élevage ont apporté un socle conséquent aux ports français, quelle que soit leur taille.
Aujourd’hui, la situation est moins favorable. La concurrence des pays de la mer Noire pour les céréales et les aléas climatiques pèsent selon les années sur la performance céréalière. Les bonnes et les mauvaises récoltes (non alignées sur les années civiles) créent un va-et-vient dans les performances des ports.
Rouen domine le panorama français avec 8,8 Mt en 2020 devant le pôle charentais (La Rochelle 3,7 Mt et Tonnay Charente 0,5 Mt). Les céréales sont ailleurs des figures familières : Dunkerque (3,3 Mt), Caen (0,4 Mt), Nantes Saint-Nazaire (0,8 Mt), Les Sables-d’Olonne (0,6 Mt), Bordeaux (0,6 Mt), Bayonne (0,4 Mt), Port La Nouvelle (1,5 Mt), Marseille (0,6 Mt).
Concurrence et déconsommation
Qui dit grandes cultures, dit engrais et donc, les principaux ports céréaliers sont aussi des lieux d’entrée des fertilisants. Bien que l’avènement relatif de l’agriculture raison- née réduise la demande, cela survient aussi dans un contexte de baisse de l’industrie nationale. Quant à l’élevage, il entraîne des importations d’aliments pour animaux, sur- tout dans le Grand Ouest qui concentre la plupart des sites de production.
La concurrence internationale et la déconsommation nationale de viande ne sont pas favorables mais les ports de la filière gardent néan- moins des volumes très conséquents : Nantes Saint-Nazaire (2,1 Mt), Lorient (0,8 Mt), Brest (0,8 Mt), Saint-Malo (0,1 Mt), Saint-Brieuc (0,2 Mt) et La Rochelle (0,2 Mt). Parfois confondus dans les statistiques, se trouvent aussi les entrées d’oléagineux pour les biocarburants.
Entre changement climatique, évolution des consommations et politique agricole commune, l’avenir de l’agriculture française n’est pas facile à fixer. À la certitude de la régularité se substituera inévitablement une plus grande volatilité. Le port agricole de demain sera plus un port de commerce multiproduits qu’un port de transit ronronnant sur son hinterland.
Paul Tourret, ISEMAR