[Édition spéciale vrac sec] La Chine veut s’affranchir de ses dépendances en minerai de fer

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La demande de minerai de fer dépend majoritairement de la Chine dont la faim d’acier n’est pas inextinguible. Les politiques de neutralité carbone et la volonté de réduire son exposition à certains pays fournisseurs ne sont pas sans impacts sur le transport maritime.

Le début d’année 2021 a plutôt souri à l’enfant terrible du transport maritime, les exportateurs s’empressant de vendre pour profiter de l’affermissent du prix du minerai de fer qui a atteint des niveaux qu’on n’avait plus vus en 2010. Au cours des cinq dernières années, le prix a pu descendre jusqu’à 38 $ la tonne. A leur acmé cette année, ils ont dépassé les 170 $/t, dont les capesize ont rapidement tiré parti. Traditionnellement, les premières semaines de l’année ne sont pas favorables au minerai de fer en grande partie en raison de facteurs météorologiques extrêmes en Australie (cyclones) et au Brésil (pluies intenses).

Les expéditions de février sont de ce fait plus faibles en février qu’en janvier, 2021 n’échappant pas à la règle. Les exportations des principaux producteurs – Rio Tinto, BHP, Vale, Fortescue Metals Group et Roy – ont chuté de 11,2% en glissement mensuel en février mais ont augmenté de 3,3% en annuel, selon le logiciel de flux commerciaux de S&P Global Platts, cFlow. Le mois de mars a également démarré sur une note plus faible alors que ce mois correspond généra- lement à une forte augmentation des exportations lorsque les conditions météorologiques s’amé- liorent et que les principaux groupes miniers rétablissent leurs capacités de production.

Nautralité carbone

Quoi qu’il en soit, la demande de minerai de fer dépend majoritairement de la Chine, dont la faim d’acier n’est cependant pas inextinguible. Si la demande chinoise devrait rester robuste en 2021 dans la mesure où les industries à forte intensité d’acier comme la construction et l’industrie manufacturière restent bien orientées, il n’en va pas de même à plus long terme. « Les engagements de la Chine à atteindre le pic des émissions de carbone d’ici 2030, et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, ne pourra pas se faire sans la contribution de l’industrie sidérurgique énergivore », indique Peter Sand, analyste en charge des trans- ports maritimes au sein du Bimco.

La principale ville chinoise productrice d’acier, Tangshan, a déjà imposé des restrictions sur la production d’acier l’an dernier pour lutter contre la pollution atmosphérique. Sept sidérurgistes ont ainsi réduit leur production de 50 % entre le 20 mars et le 30 juin 2020, et de 30% entre le 1er juillet et la fin de l’année. Certains experts estiment que les conditions du marché resteront néanmoins favorables aux producteurs de minerai de fer car certaines politiques de décarbonation nécessitant une grande quantité d’acier et de plus grande qualité.

« La Chine commence à assainir son industrie sidérurgique en plafonnant l’acier à forte teneur en carbone ce qui stimulera la demande de minerai de fer de qualité supérieure. Une production d’acier plus faible en Chine pourrait soutenir des marges plus élevées des aciéries. Jusqu’ici, le minerai de fer n’est pas impacté par la brouille entre la Chine et l’Australie. Mais si le Brésil devait suppléer l’Australie, le transport maritime en serait gagnant. Cela pourrait finalement faire grimper les prix du minerai de fer », soutiennent certains d’entre eux.

181,5 Mt importées en deux mois

Pour l’heure, selon les douanes chinoises, le pays a importé 181,5 Mt de minerai au cours des deux premiers mois de 2021, soit une hausse 4,7 Mt par rapport à l’année dernière. Malgré la pandé- mie, les importations chinoises de minerai de fer avaient terminé l’année 2020 à 1,17 milliard de tonnes, le plus haut niveau annuel jamais atteint, se concrétisant par 5 851 chargements de capesize (200 000 tpl).

Et malgré la performance plus faible en février des exportations de l’Australie et du Brésil – la Chine s’achalande à 85 % en Australie et au Brésil pour le minerai de fer via les ports australien de Port Hedland et de Rio Tinto –, les stocks portuaires de minerai de fer en Chine ont encore augmenté de 6 Mt depuis le début de l’année pour atteindre 127,7 Mt selon les données de la CEIC (qui fournit des données et indicateurs sur les secteurs industriels).

Avantage au Brésil

Au cours des deux premiers mois de 2021, les exportations brésiliennes de minerai de fer se sont élevées à 53 Mt, tirées vers le haut (+ 9,1%) grâce à la Chine qui a absorbé à elle seule 35,2 Mt du total brésilien exporté. Les volumes, en hausse de 15,2% par rapport à la même période de l’année dernière, contrastent avec des exportations en légère baisse vers tous les autres pays (- 1,2 %, à 17,8 Mt). La part des exportations brésiliennes de minerai de fer destinées à la Chine s’est déjà renforcée en 2020, représentant 72,6% du total de ses expéditions mondiales.

Jusqu’ici, rien n’indique non plus que la perturbation du commerce du charbon entre la Chine et l’Australie se soit étendue au minerai de fer. Les exportations australiennes vers la Chine ont ainsi augmenté de 3,4 % au cours des deux premiers mois pour atteindre 111,6 Mt.

Mais au regard du critère tonnage/km, les exportations brésiliennes sont plus profitables au trans- port maritime car les distances sont plus longues que celles de l’Australie (en 2020, 2 711 milliards de tonnes-milles contre 2 627 milliards pour l’Australie).

Manœuvres en Afrique

Les investissements réalisés par la Chine dans les mines de fer africaines suggèrent que Pékin n’est pas tout à fait prêt à renoncer au minerai de fer mais qu’il s’affaire à s’affranchir de certaines dépen- dances. « La mine de Simandou en Guinée semble destinée à devenir un nouveau tapis roulant avec des navires spécialement commandés dans le cadre de contrats à long terme. Cela ajouterait de la demande en tonnes-milles si elle remplace le minerai de fer australien, mais lui nuirait si les exportations brési- liennes étaient en baisse » illustre Peter Sand. Ce n’est qu’un exemple. Plusieurs accords récemment signés viennent appuyer le trait. La brouille vis-à-vis de l’Australie n’y est sans doute pas étrangère même si Pékin n’a pas sanctionné cette ressource clé contrai- rement au charbon.

Se passer de l’Australie

Un consortium de trois entreprises chinoises (Metallurgical Corp of China, China International Water and Electric Corp et Hunan Heyday Solar Corp.) a signé le 30 mars un protocole d’accord avec l’Algerian National Iron and Steel Co en vue d’exploiter le minerai de fer de Gara Djebilet dans l’ouest de l’Algérie, a rapporté Xinhua. Selon le média chinois, la République du Congo aurait également signé deux accords miniers avec la société chinoise Sangha Mining pour exploiter le minerai de fer sur des permis que le gouvernement congolais a notamment retirés à des entreprises minières australiennes l’année dernière.

Avec un investissement d’environ 10 Md$, Sangha prévoit de commencer les exportations en 2023 et de produire à terme plus de 100 Mt de minerai de fer par an. Le projet de mine de fer New Tonkolili Iron Ore, financé par la Chine en Sierra Leone, a effectué fin janvier ses premières exportations vers le continent asiatique. Le projet, qui comprend l’exploitation d’un gisement minier (potentiel de 12,8 Mdt de minerai de fer) et des infrastructures ferroviaires et portuaires, a été lancé mi-2010.

La première phase a consisté à développer les infrastructures, à reconstruire le port de Pepel et 74 km de che- min de fer, ainsi que réaliser 126 km de nou- velles voies, à laquelle a participé China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC). China Railway Materials Commercial Corporation (CRMCC) y a investi 167,8 M£. Shandong Iron and Steel Group (SISG), qui a versé son écot au financement global à hauteur 1,5 Md$, doit absorber jusqu’à 10 Mt par an de minerai de fer à des prix réduits.

Adeline Descamps

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