Le manque de porte-conteneurs serait-il patent au point de ne pas pouvoir assurer la totalité des services inscrits au programme des alliances ? Alphaliner le croit. Le spécialiste de la ligne régulière estime que quatorze boucles océaniques manquent actuellement de la moitié (ou plus) du nombre de navires requis pour assurer une fréquence hebdomadaire fixe. Il considère même que cinq rotations sont en défaut de la totalité de leurs unités si bien qu’elles pourraient être carrément suspendues.
Les livraisons des commandes (records) passées en 2021 – 555 porte-conteneurs selon VesselsValue –, n’apporteront pas un soulagement au marché avant 2023 (310 porte-conteneurs livrés) et 2024 (252) alors que 166 navires totalisant 1 MEVP devraient étoffer l’offre cette année. Au cours des trois prochaines années, en revanche, l’équivalent de 5,77 MEVP vont déferler sur le marché sans certitude que le choc d’offre ne vienne se fracasser sur un choc de la demande compte tenu du retournement de marché accéléré par les tensions inflationnistes. Le pire ennemi de la consommation.
En attendant, les transporteurs pallient la carence « en ajoutant des escales supplémentaires ad hoc sur d'autres boucles ou en déployant des navires avec des itinéraires très flexibles. Cette flexibilité accrue se fait toutefois souvent au détriment de la régularité », relève Alphaliner, qui a recensé 28 navires de 1 100 à 14 000 EVP effectuant des extra en dehors des programmes entre l’Asie et la côte ouest des États-Unis, ce qui représente une capacité totale de 117 500 EVP. Vingt-quatre autres unités de 1 700 à 11 900 EVP (152 600 EVP) sont exploitées en extra-loaders depuis l’Asie vers la côte Est des États-Unis.
Service « fantôme »
Le plus grand service « fantôme » (comprendre : sans aucun navire assigné) est le MEA3 d’Ocean Alliance entre l’Asie et le Moyen-Orient, assuré par CMA CGM (commercialisé sous la marque CIMEX5), Cosco (MEX2), OOCL (ME3) et Evergreen (CEO).
ONE a fini par déserter la rotation pour lui préférer le MEA5 qui a su préserver sa flotte complète de sept navires de 9 500 à 21 200 EVP. En cause, la concentration des moyens sur les routes lucratives transpacifique ou Asie-Europe. La desserte du Moyen-Orient est particulièrement pénalisée mais la pénurie de navires affecte en réalité la plupart des voies de navigation. Sur le transatlantique, Cosco et ONE n'ont actuellement que trois navires de 2 360 à 4 250 EVP dans leur service commun EMA (Méditerranée orientale – côté est-américaine), qui devrait en principe tourner avec six unités de 4 250 EVP. Les deux transporteurs manquent également de six navires pour leur service Afrique occidentale WAX /SW2, exploité conjointement avec Gold Star Line et ZIM.
MSC doit aussi réorganiser certains de ses services autonomes entre Asie et Amérique du Nord pour pallier le manque en dépit de ses multiples acquisitions des derniers mois et ses 678 porte-conteneurs. Le Puma exploité entre la Chine du Sud et la Californie – plus précisément la connexion directe entre la baie de Dachan et Shekou et Long Beach – bascule sur le Sentosa, qui opère entre l'Asie du Sud-Est et la côte ouest-américaine. Lancé en octobre dernier comme ligne supplémentaire sur le trafic Asie - Amérique du Nord, le Sentosa peut également être considéré comme suspendu.
Coup de ciseau
La compagnie israélienne, cotée à la bourse de New York, a subi pour sa part le coup de ciseau. Le numéro dix mondial de la ligne régulière a lancé plusieurs nouvelles rotations – ZIM Med Premium (ZMP) entre Asie et la Méditerranée orientale et ZIM North Pacific Service (ZNP) entre l'Asie et Vancouver – pour compenser la fin de certains accords passés avec l’alliance 2M. Bien qu'elle ait été très active sur le marché de l'affrètement, elle n'a pu lancer ses trois nouvelles boucles Est-Ouest qu'en déshabillant deux autres services.
Adeline Descamps