Il s’agit d’un serpent de mer… ou plutôt de fleuve puisque la revendication est portée par les acteurs du transport fluvial depuis un certain temps : la mutualisation des THC. Ces « terminal handling charges » (frais de manutention sur le terminal), facturées par le manutentionnaire au transporteur maritime, incluent le chargement du conteneur sur la remorque routière, mais pas sur la barge, qui requiert souvent l’utilisation d’un matériel de manutention spécifique. Les opérateurs de manutention exploitant les terminaux maritimes facturent donc des frais supplémentaires.
En déplacement à Arles, dans les Bouches-du-Rhône, le 1er mars, le ministre délégué aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, a annoncé « la fin au 1er avril des surcoûts de manutention pour le transport fluvial dans les terminaux portuaires du Havre et de Fos-Marseille pour l’ensemble des flux conteneurs acheminés par l’armateur CMA-CGM. »
L’exemple de Dunkerque et des ports du Benelux
Cette annonce fait suite à une mission conduite en 2021 par le préfet François Philizot, ancien délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, dont le but était de supprimer ce surcoût qui grève le développement du transport fluvial de conteneurs. Mission de négociation puisque l’État n’a jamais voulu légiférer sur cette question pour faciliter le report modal : les gouvernements successifs ont toujours estimé qu’elle relève des négociations commerciales entre acteurs économiques, et non de la réglementation.
À Anvers ou Rotterdam, les THC intègrent le chargement sur barge fluviale aussi bien que sur châssis routier. Pour se conformer à l’usage en vigueur chez ses grands voisins, le port de Dunkerque a tenté une expérimentation de plusieurs mois avant de la pérenniser à partir de 2016 : les THC y ont été mutualisées entre les différents modes terrestres.
Un exemple à suivre ?
Dans le port du nord, cela a été rendu possible par deux circonstances. D’une part, l’exploitant du terminal à conteneurs est une filiale de la CMA-CGM, qui se trouve être aussi la principale compagnie maritime qui le dessert. D’autre part, le volume de conteneurs au terminal des Flandres n’était que de 300 000 EVP à l’époque et la part modale du fluvial inférieure à 3 %, ce qui rendait la mutualisation des THC peu douloureuse financièrement pour les usagers du mode routier. Le port de Dunkerque attribue à cette mesure une partie de l’augmentation de la part modale du fluvial, qui atteint désormais 8 %.
À Marseille ou au Havre, la mutualisation des THC est rendue plus difficile par la multiplicité des acteurs ainsi que par les volumes plus importants en jeu. Le surcoût de manutention pour le fluvial est estimé, selon les acteurs, à 40 ou 50 € par boîte. Dans une note publiée par l’Institut Montaigne en janvier 2021, Pierre Sallenave estimait que le surcoût induit par la mutualisation des THC serait, pour un chargeur optant uniquement pour la route, en moyenne de 7 € par conteneur.
L’annonce du 1er mars a été saluée par les transporteurs fluviaux. Didier Léandri, président d’E2F (Entreprises fluviales de France) qui les représente, y voit « un caractère décisif pour le développement fluvial de la filière conteneurs.» Afin de donner son plein effet à cette pratique, prévient-il, « il conviendra que l’ensemble des transporteurs qui escalent dans les ports français suivent le mouvement et que la pratique s’ancre sur le long terme. »
Étienne Berrier