Si le charbon survit à la guerre sans armes que se livrent depuis des mois le premier consommateur de la planète et l’un des principaux producteurs mondiaux – la Chine et l’Australie – il n’échappera pas à la désaffection lente et progressive de la Chine qui en avait pourtant fait la ressource essentielle à sa sécurité énergétique.
Sans occulter la part de communication contenue dans les allocutions prononcées lors de grand-messes mondiales très médiatisées, Pékin a néanmoins pris l’engagement à l’occasion du sommet mondial pour le climat initié par le président américain, de réduire la part de charbon à moins de 56 % du mix énergétique primaire du pays dès cette année. La seconde puissance mondiale a déjà abaissé sa consommation de l’énergie fossile à 56,8 % en 2020 alors qu’elle était encore de 68 % dans les années 2010.
L'Administration nationale de l'énergie prévoit de porter l'électricité à 28 % de la consommation d'énergie finale en Chine, contre 27 % en 2020, et à 11 % la part produite à partir d’énergies renouvelables (solaires et éolien) en 2021. Le parc énergétique chinois (y compris les centrales de production combinée de chaleur et d'électricité, ou PCCE) représente environ un tiers de la consommation mondiale de charbon. L’avenir du charbon est donc étroitement lié à l’évolution du système électrique chinois.
« Des efforts extraordinairement importants »
La nouvelle donne s’inscrit dans le cadre des engagements du géant chinois d’atteindre le pic des émissions carbone en 2030 et la neutralité carbone avant 2060. « La Chine s'est engagée à passer du pic de carbone à la neutralité carbone dans un laps de temps beaucoup plus court que ce qui pourrait être nécessaire à de nombreux pays développés. Et cela exige des efforts extraordinairement importants », a souligné dans son discours le président chinois Xi Jinping selon la retranscription qui en a été faite.
« La Chine contrôlera strictement les projets de production d'électricité à partir du charbon, limitera l'augmentation de la consommation de charbon dans la période du 14e plan quinquennal, et la réduira progressivement au cours de la période couvrant le 15e plan quinquennal », a-t-il ajouté.
À l’origine de la moitié de la croissance mondial des énergies renouvelables
D’après Platts Analytics, la Chine serait déjà à l’origine d’environ la moitié de la croissance mondiale de la production d'énergies renouvelables en 2020. « Les décisions politiques concernant la qualité de l'air en Chine auraient déjà contribué à atteindre certains des objectifs promis par la Chine dans le cadre de l'accord de Copenhague de 2010. »
L’an dernier, malgré l'épidémie de Covid-19, les ajouts de capacités renouvelables ont dépassé les 100 GW en grande partie, en raison de la précipitation à achever les projets avant la date limite de suppression progressive des subventions. En raison de l’accélération du déploiement des énergies vertes, le charbon pourrait ainsi ne répondre qu'à 45 % de l'augmentation (+ 8 %) de la demande d'électricité prévue en 2021.
Rebond du charbon en 2021
Pour autant, dans son Global Energy Review 2021, l'Agence internationale de l’énergie estime que la consommation mondiale de charbon va augmenter de 4,5 % en 2021, dont 80 % portée par l’Asie et en particulier de Chine. C’est une hausse supérieure « de 60 % à celle de l’ensemble des énergies renouvelables cumulées », souligne l’Agence.
En 2020, la demande avait été en repli de 4 %, « soit la plus forte baisse depuis la Seconde Guerre mondiale ». Le principal moteur de cette baisse est naturellement la diminution de la demande d'électricité en raison des restrictions sanitaires et du ralentissement économique qui en a résulté. La préférence donnée aux énergies renouvelables sur de nombreux marchés a par ailleurs réduit mécaniquement la place du gaz et du charbon dans le mix électrique. Aussi, souligne l’AIE, « la baisse des prix du gaz a entraîné une substitution importante du charbon, en particulier aux États-Unis et dans l'Union européenne où l'utilisation du charbon pour la production d'électricité a chuté de 20 % et 21 %, respectivement. La pandémie de Covid-19 a également affecté la production industrielle, notamment l'acier et le ciment, réduisant encore la demande de charbon. »
Selon l’AIE, la Chine a été la seule grande économie où la demande de charbon a augmenté en 2020. Et c’est aussi là que devrait s’opérer le rebond en 2021. « La forte croissance économique alimentera la demande d'électricité en 2021, tandis que les mesures de relance post-Covid soutiendront la production d'acier, de ciment et d'autres produits industriels à forte intensité de charbon ».
Charbon : les flux se réorganisent
Économie en sursis
Que ce soit à court, moyen ou long terme, le charbon reste une énergie noire carbone en sursis. Il n’y a guère plus que dans les pays de l’Asie du Sud-est que le bitumeux suscite encore de l’intérêt. Dans une autre analyse, l'Agence internationale de l'énergie estimait le déclin structurel du charbon de 10 à 50 % au cours de la prochaine décennie.
En attendant, du fait de la guerre larvée entre la Chine et l’Australie, la structure des échanges s’est déjà modifiée, l’Afrique du Sud, l'Indonésie, la Russie et la Mongolie se sont assez vite positionnées pour pallier les défaillances du charbon australien.
Tonnage-km plus faible
Mais selon le BIMCO, l’une des principales associations mondiales d’exploitants de flottes, ces repositionnements de flux ne seraient pas forcément une bonne nouvelle pour l’emploi des vraquiers. Soit parce que les tonnages sont moindres et requièrent donc un nombre plus limité de navires. Soit parce que les distances parcourues sont plus courtes (cf. Charbon : les flux se réorganisent).
Si l’Australie a de son côté trouvé de nouveaux intérêts pour son charbon (Inde, Japon, Corée du Sud), ceux-ci ne suppléent pas totalement au déficit des achats chinois et présentent des tonnages-km plus faibles. Le charbon maritime a toujours eu le trajet moyen le plus court parmi les principaux trafics de vrac sec », rappelle le BIMCO.
Adeline Descamps