En 2020, alors que le monde était empli d’incertitudes en raison d’une épidémie dont on ne connaissait pas alors le pouvoir de nuisances, Ceva faisait part de ses certitudes quant au potentiel du marché africain. À l’occasion d’une prise de participation majoritaire dans le capital d’un prestataire de logistique, AMI Worldwide, présent dans douze pays d’Afrique orientale et australe, la filiale du groupe CMA CGM avait annoncé « un plan d’expansion en trois volets » pour renforcer sa présence sur le marché africain, qui « représentera une part significative du chiffre d'affaires d'ici 2025 ». Il ne sera pas donné de précisions sur la hauteur de « cette part significative ». Avec cette opération, l’ex-commissionnaire suisse, francisé et basé à Marseille, avait ainsi étendu sa couverture géographique, étoffé ses capacités avec 19 entrepôts, soit 135 000 m2, et une flotte de 1 500 camions.
Il poursuit aujourd’hui son ancrage sur le continent africain avec l'acquisition, auprès du groupe M+R Spedag, une entreprise familiale de transport et de logistique dont le siège est en Suisse , de sa filiale Spedag Interfreight. L’entreprise (400 personnes, chiffre d’affaires non dévoilé) est particulièrement implantée en Afrique de l’Est – 24 sites au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie, au Rwanda et au Sud-Soudan –, sur les marchés des énergies (pétrole, gaz, etc.), des matières premières, des infrastructures et des opérations de secours. Ceva Logistics est désormais présente dans 44 pays d'Afrique.
Des passerelles maritimes
« Spedag Interfreight ouvrira de nouvelles opportunités en Afrique de l'Est. Par exemple, le Kenya fait office de passerelle maritime clé pour l'Afrique de l'Est. Grâce à un récent projet d'expansion et de modernisation, le port de Mombasa devrait transporter plus de 1,7 MEVP en 2023. L'autorité portuaire kényane prévoit que le port traitera 47 Mt de marchandises d'ici 2032, soit une augmentation de 57 % par rapport aux niveaux actuels », anticipe l’entreprise dirigée par Mathieu Friedberg.
Depuis son acquisition par CMA CGM, Ceva (400 000 t de fret aérien et 2,8 Mt en terrestre), pour lequel l’armateur français avait déboursé 1,7 Md$, a vu son périmètre d’activités considérablement s’élargir et sa couverture mondiale s’étendre largement.
Aidé par la conjoncture, l’armateur marseillais de porte-conteneurs et numéro trois mondial de la ligne régulière dispose des ressources financières pour muscler sa composante logistique, maillon essentiel dans sa stratégie de transport door to door. Et il y a mis les moyens.
Muscler la logistique
Ainsi, il a récemment versé dans son escarcelle les activités d’e-commerce et de logistique contractuelle du grossiste américain en matériel informatique Ingram Micro. Avec le rachat de Commerce &Lifecycle Services (1,7 Md$ de chiffre d’affaires, 11 500 salariés et 59 entrepôts), présent aux États-Unis, en Asie-Pacifique et en Europe, CMA CGM a propulsé, selon ses déclarations, sa filiale à la quatrième place mondiale de la logistique contractuelle.
Ensemble, Ceva et CLS totaliseront 1 100 sites dans 160 pays, soit 90 000 emplois. Le 3PL français se renforce ainsi dans les secteurs de la high tech, de la distribution et de la mode.
CMA CGM a en outre signé en janvier un accord pour acquérir 51 % de Colis Privé, acteur de poids en France dans la livraison du dernier kilomètre. L’armateur vient par ailleurs de sortir de l’impasse le spécialiste de la logistique automobile Gefco et des solutions multimodales, gêné par son actionnaire Russian Railways, concerné par les sanctions européennes suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
L’ensemble vient parachever l’édifice Ceva.
Un redressement progressif
Depuis plusieurs exercices trimestriels, le redressement de la Ceva est lent mais continu. Le chiffre d’affaires du segment « logistique contractuelle » est passé de 2,15 à 3,39 Md$ en un an et le bénéfice avant impôts, intérêts et amortissement (Ebitda) de 172 à 250 M$. « Malgré un contexte inflationniste, qui pèse sur les opérations et leur profitabilité, Ceva a su mitiger ces impacts grâce à son dynamisme commercial dans le secteur Consumer et Retail et en particulier le e-commerce », soulignait le communiqué du groupe lors de la publication des résultats du premier trimestre de l’année. Néanmoins, la marge d’Ebitda reste faible (8 %) et a encore perdu 0,6 point, après avoir cédé 0,2 % point sur l’ensemble de l’année.
Adeline Descamps
