Ces quelques sujets environnementaux qui appellent la vigilance des armateurs

 

Focalisées sur les premières réglementations destinées à soutenir les objectifs de réduction des gaz à effet de serre de l'OMI, les compagnies de transport maritime pourraient passer à côté d’autres obstacles réglementaires à échéance plus proche. Dans une nouvelle publication, DNV GL pointe les « endroits » où le transport maritime peut s'attendre à être touché par de nouvelles exigences. Des normes locales plus strictes et une complexité accrue, promet le bureau de classification.

L’ampleur du défi est tel qu’il sature l’espace. Il reste une poignée de décennies à l’industrie pour développer, tester et mettre à l'échelle les technologies qui permettront de rendre neutre le transport maritime international. Les premières réglementations destinées à soutenir les objectifs de réduction des gaz à effet de serre de l'OMI sont à une échéance de 10 ans. À cet horizon, le secteur devra avoir réduit de 40 % la quantité de CO2 émise par volume transporté par rapport à 2008 et de 50 % les émissions globales de la flotte mondiale. Il vient à peine de digérer la réglementation sur les eaux de ballast et la norme IMO2020 plafonnant la teneur en soufre dans les carburants marins à moins de 0,5 %.

Or, rappelle la société de la classification DNV GL, dans une étude qu’elle vient de publier, le transport maritime sera concerné dans les années à venir par bien d’autres règles environnementales, certes moins tapageuses, plus discrètes, mais tout aussi exigeantes.

OMI : Les dessous d’une bataille autour du CO2

CO2, ennemi public n°1

La pandémie a bouleversé l’agenda de l’OMI sur le sujet du CO2. Mais avant que le virus ne s’en prenne au monde, les débats étaient déjà bien avancés et animés. Le MEPC75, qui devait se tenir du 30 mars au 3 avril, avait pour mission de valider les moyens qui permettront au shipping de ses conformer aux objectifs à atteindre avant 2050.

Des deux approches plaidées au sein de l’OMI, la 74e session du Comité de la protection du milieu marin (MEPC) avait tranché en faveur de celle qui défendait des objectifs obligatoires à atteindre par étapes (dite « goal based ») mais en laissant aux armateurs le choix des armes pour y parvenir. L’autre approche, écartée, défendait la limitation de vitesse (proposition française notamment) ou la régulation de la puissance des navires (Japon, Norvège, International Chamber of Shipping, Bimco). C’est donc une nouvelle bataille entre propositions « goal based » qui devait se jouer avant que le virus planétaire ne sévisse.

Le « Green deal » pourrait faire payer le carbone au transport maritime

Une taxation carbone

En conditionnant ses prêts aux États membres pour qu’ils financent leur plan de relance, l’UE a émis une grande condition : faire du vert. À peine élue à la tête de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen, avait repris langue sur les questions climatiques en annonçant des objectifs resserrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union, qui doivent désormais être de l’ordre de 50 à 55 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030, contre 40 % aujourd’hui.

C’est dire que l’Europe, avec son nouveau Parlement et sa nouvelle Commission plus verte, a ajouté de la pression politique à l’endroit de l’organisation internationale (l'OMI) chargée de réglementer le transport, invitée à accélérer. Les deux assemblées ne font plus mystère de leur volonté d'inclure le transport maritime dans le système européen d'échanges de quotas d'émission, autrement dit la taxation carbone. « Cela ne manquera pas d'ajouter des difficultés aux discussions naissantes sur les mesures fondées sur le marché à l'OMI, indique la société norvégienne. Elle fait référence au fait que certaines parties prenantes considèrent qu’un des éléments clés pour développer des carburants alternatifs commercialement viables est d'imposer des mesures fondées sur le marché. 

Le parlement européen veut inclure le transport maritime dans son marché carbone

Des scrubbers réglementés

En termes de pollution de l'air, DNV GL attire aussi l’attention sur des restrictions régionales supplémentaires qui sont susceptibles d'apparaître. Il fait notamment allusion à l’acceptabilité très variable des scrubbers. L'utilisation de ces dispositifs en boucle ouverte, qui rejettent des eaux chargées de sulfures, est d’ores et déjà limitée, voire interdite, dans certaines eaux et certains ports.

« Le débat est ouvert à l'OMI et pourrait être tranché en 2021 même si l'issue reste très incertaine. Il existe déjà des limites de rejet dans les réglementations existantes de l'OMI, mais les avis des États membres sur l'adéquation de celles-ci divergent largement. Indépendamment de toute décision de l'OMI en la matière, les pays continueront à être libres d'imposer les réglementations supplémentaires qu'ils souhaitent dans leurs propres eaux côtières. »

OMI : Les scrubbers animent les séances

©DNV GL

De nouvelles zones ECA

L’OMI planche par ailleurs, depuis quelques années déjà, sur la faisabilité de création de zones d’émissions contrôlées, notamment en Méditerranée. La France défend d’ailleurs, avec quelques autres pays riverains de la grande bleue, le principe d’une zone plafonnant le taux de soufre dans les carburants marins à 0,1 %, comme ce qui est en vigueur depuis 2015 en Baltique, mer du Nord, Manche et en Amérique du Nord. Mais Paris veut aller au-delà pour cibler d’autres polluants responsables de la pollution de l’air, comme les oxydes d'azote (NOx) et les particules fines et ultra fine PM10.

« Une proposition de zone ECA pour la Méditerranée sera bientôt soumise à l'OMI. Il s'agira, du moins dans un premier temps, d’une zone portant uniquement sur le contrôle du soufre, avec une limite de 0,1 %. La proposition pourrait entrer en vigueur en 2024, sous réserve de l'accord de l'OMI. »

Bien que cela ne fasse pas partie de la proposition initiale, DNV ne serait pas surpris qu’une proposition de conformité aux normes NOx de niveau III soit faite à un stade ultérieur, avec une date cible d'entrée en vigueur éventuelle dès 2026. « Même si les exigences de la troisième phase pour les NOx entrent en vigueur dans la Baltique et la mer du Nord en 2021, l’UE est consciente qu’elles seront trop lentes à prendre effet car elles ne s'appliquent qu'aux nouveaux navires. »

Vers la création d'une zone Eca Med(iterranée) ?

Microplastique, propreté de la coque, bruit sous-marin

Outre gaz à effet de serre et émissions atmosphériques, le bureau de certification s’attend aussi à ce que, dans le sillage de la mise en œuvre de la convention sur la gestion des eaux de ballast, se fasse jour la nécessité de s'attaquer également aux espèces exotiques envahissantes qui s’accrochent à la coque. « L'OMI a commencé à revoir la directive existante sur les encrassements biologiques. Nous espérons que ces travaux aboutiront à terme (très probablement avant 2025) à des réglementations obligatoires, notamment sous la forme d'une exigence de propreté de la coque. »

La pollution plastique, fléau mondial, appelle aussi une action de plus en plus urgente. « L'OMI a convenu que toutes les actions devraient être achevées d'ici 2025. Nous ne nous attendons pas à un impact direct significatif sur les navires car il existe une interdiction absolue de déverser des déchets, y compris des plastiques, dans l'océan, indique Eirik Nyhus, le directeur Environment chez DV GL. Cependant, des questions subsistent concernant les eaux grises comme source potentielle de microplastiques. La question des navires, en tant que source importante, n’est pas tranchée. Mais toute réglementation établie pour y répondre aurait un impact potentiellement important sur au moins certains segments du transport maritime. »

Les trois voies qui mènent à la décarbonation du transport maritime

Le bruit sous-marin est aussi à l'ordre du jour de l'organisation qui régit le transport maritime. « Les orientations  ont été publiées en 2014 et certains pays ont été particulièrement actifs dans la réalisation d'études et le renforcement des connaissances. Bien que l'OMI en soit actuellement au stade des études, des propositions de contrôle au moins spécifiques à une zone donnée pourraient être présentées par les États membres. il pourrait s’agir de réduction de la vitesse (une vitesse plus faible signifierait moins de bruit, NDLR) voire des normes d'émission sonore. »

Enfin, Eirik Nyhus relève une tendance croissante à l'établissement de réglementations locales dans le monde entier, que ce soit dans les régions ou les ports. « Celles-ci répondent généralement aux préoccupations locales. La politique et les réglementations internationales sont souvent peu prises en compte dans les processus décisionnels locaux/nationaux malgré l'impact qu'elles peuvent avoir sur le transport maritime international ». Or, le terrain de jeu est international, rappelle le norvégien. « Si l'apparition de réglementations locales est dans de nombreux cas compréhensible, nous préférerions de loin que l'OMI soit l'arbitre principal dans ce processus

Adeline Descamps

 

 

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