Céréales : les premiers navires chargés de grains ukrainiens ont touché les ports nord-européens

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L’un des terminaux céréaliers Euro-Silo à Gand a accueilli les premiers vraquiers en provenance d’Ukraine. Au cours des huit premiers mois de cette année, les volumes y ont chuté de 60 % par rapport à la même période en 2021. L’arrivée des vraquiers en Europe ne va pas apaiser les tensions alors que Moscou dénonce un détournement du pacte céréalier signé avec Kiev. Les autorités ukrainiennes viennent de leur côté d’autoriser les marins à quitter le pays « malgré les restrictions imposées en temps de guerre ».

Les premiers navires chargés de céréales en provenance de l’Ukraine ont touché un des ports nord-européens il y a quelques jours. Après des mois de blocus, un vraquier s’est amarré le 9 septembre à Sifferdok l’un des deux grands terminaux céréaliers (avec Rodenhuizedok) exploités par l’opérateur Euro-Silo à Gand. La majeure partie de ces grains est destinée au marché européen.

Le Zhe Hai 505 avait quitté le port d'Odessa avec 30 000 t de colza à bord. Le port belge, qui appartient au réseau North Sea Port issu de la fusion avec les néerlandais Terneuzen et Flessingue, espère ainsi relancer le trafic de céréales en provenance de la mer Noire. Au cours des huit premiers mois de cette année, les volumes y ont chuté de 60 % par rapport à la même période en 2021. En année normale, ce trafic représente autour de 1,5 Mt (2021) et jusqu'à 2,1 Mt (2019). Euro-Silo traite annuellement 4,5 Mt de céréales, semences et produits dérivés, dont 25 à 30 % d'Ukraine, en fonction des récoltes.

Le retour des grains ukrainiens en Europe a été permise par la signature d’un accord entre Kiev et Moscou le 22 juin, sous l’égide de l’ONU et avec la Turquie en médiation, pour permettre les exportations en toute sécurité de céréales en mer Noire au départ des ports d’Odessa, Yuzhnyi et Chornomorsk, moyennant un allégement des entraves aux expéditions de grains et d'engrais russes. Le texte, qui a constitué la seule avancée diplomatique entre Moscou et Kiev en plus de six mois de guerre, doit contribuer à la baisse des prix alimentaires mondiaux, qui se sont enflammés, en augmentant l'offre de céréales et d'oléagineux.

1,5 Mt de céréales en 13 jours en septembre

Le rythme des exportations de céréales de l'Ukraine devrait donc s’accélérer en septembre. En principe du moins. Les volumes restent encore bien inférieurs aux niveaux de la saison dernière, selon les données du ministère ukrainien de l'Agriculture publiées la semaine dernière. L’Ukraine a exporté 1,5 Mt de céréales au cours des 13 premiers jours de septembre, soit 34 % de moins que les 2,3 Mt enregistrés sur la même période il y a un an. 

Pour la saison 2022/23 (juillet-juin), les volumes embarqués pour l’étranger ont totalisé 5,8 Mt jusqu'à présent, dont majoritairement du maïs (3,4 Mt) et du blé (1,83 Mt). En dépit de tous les efforts pour sortir du pays les grains vitaux à de nombreux pays en voie de développement, menacés de famine et confrontés à une hausse vertigineuse des prix, les flux exportés restent deux fois moins élevés (10,9 Mt) que pour la saison précédente à la même période.

Pertes de terres agricoles au profit des Russes

D’après les données du ministère ukrainien des Infrastructures, 134 navires totalisant 3,1 Mt de divers produits agricoles ont pu quitter, grâce à la mise en oeuvre des couloirs maritimes sécurisés, les trois ports parties prenantes de l’accord sur les céréales. Quant à la récolte en cours, elle est estimée autour de 50 Mt de céréales contre un record de 86 Mt en 2021. Kiev l’impute à la perte de terres arrachées par les forces russes et à de rendements céréaliers plus faibles.

L’arrivée des vraquiers dans les ports du nord peut alimenter le malaise actuel sur la pérennité du pacte céréalier signé entre les deux belligérants. Le président Vladimir Poutine a fait savoir qu’il souhaitait en rediscuter les termes. L’homme fort du Kremlin soutient qu’il permettait de livrer des céréales, des engrais et d'autres denrées alimentaires à l'Union européenne et à la Turquie plutôt qu'aux pays pauvres. Il estime en outre que les contreparties dont devait bénéficier la Russie – notamment sur les engrais –, n’étaient pas mises en œuvre. Les observateurs de l’ONU craignent que le protocole ne s'effiloche ou qu’il ne soit renouvelé par Moscou au-delà du premier terme envisagé, en novembre.

Selon les données du Centre de coordination conjoint (Joint Coordination Center en anglais, JCC), basé à Istanbul, et chargé de la mise en œuvre de l'accord, 30 % des volumes jusqu’à présent exportés, y compris ceux destinés à la Turquie ou acheminés via ce pays, avaient les « pays à revenu faible ou moyen inférieur » pour destinations.

Kiev espère exporter 60 Mt dans les huit à neuf moins, avait indiqué en juillet le conseiller économique présidentiel Oleg Ustenko, tout en précisant que ces exportations pourraient prendre jusqu'à 24 mois si les ports ne fonctionnent pas correctement.

Les marins ukrainiens autorisés à quitter le pays

Pour donner toutes les chances aux corridors céréaliers, les autorités ukrainiennes ont confirmé dans la semaine du 9 septembre qu’elles allaient autoriser les marins à quitter le pays « malgré les restrictions imposées en temps de guerre ». En principe, les hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans n'ont pas le droit de quitter le pays, réquisitionnés par la guerre.

Dans la foulée de la signature de l’accord en juillet, les exploitants de navires avaient alerté sur le fait qu'il serait difficile de trouver suffisamment de marins pour armer les quelque 80 navires bloqués dans les ports ukrainiens depuis le début de l'invasion russe en février. Cette mesure, annoncée fin août par le Premier ministre Denys Shmyhal, a été promulguée par son cabinet et fait l’objet de la publication d’un décret.

Les marins ukrainiens représentent 4 % de l'effectif mondial total de 1,89 million de marins, selon les données de la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) dans un rapport conjoint avec le Bimco publié en 2021.

Le statut des marins russes à bord des navires qui entrent dans les ports ukrainiens reste à clarifier. L’octroi de leurs visas dépend du ministère ukrainien des Affaires étrangères.

Adeline Descamps

 

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