Nouvelle illustration de l’impréparation du Royaume-Uni à moins d’une cinquantaine de jours de la sortie officielle de l’Union européenne ? Le gouvernement britannique a annulé ce week-end un des trois contrats attribués en fin d’année dernière. Eurotunnel intente un procès. Le maire de Calais est furieux. Ostende répète que le port n'est pas prêt...
Le secteur maritime a réagi avec surprise et, il faut le concéder, avec beaucoup d’amusement à l’annonce du week-end du gouvernement britannique d’annuler son contrat de 13,8 M£, attribué fin décembre à Seaborne Freight, en vue de s’assurer des liaisons maritimes supplémentaires pour pallier tout éventuel engorgement des ports britanniques, une fois le Royaume-Uni sorti de l’UE en cas de non accord entre les deux parties. Le dossier n’en est pas à son premier rebondissement. Ce contrat avait déjà créé la polémique au moment de son attribution car la compagnie en question, retenue pour exploiter un service Ramsgate - Ostende à partir de fin mars, n’a ni navires, ni personnel, et de fait, vite qualifiée de « fantôme ».
« Suite à la décision du bailleur de fonds de Seaborne Freight, Arklow Shipping, de se retirer de l'accord, il est devenu évident que Seaborne n'atteindrait pas ses exigences contractuelles avec le gouvernement. Nous avons donc décidé de mettre fin à notre accord », a justifié un porte-parole du ministère britannique des Transports (DfT).
« Due diligence »
La nouvelle reste étonnante à double titre. Non seulement, parce ce contrat, dont le ministre des Transports Chris Grayling a répété à plusieurs reprises qu'il avait fait l'objet d'une « due diligence », en anglais dans le texte, en somme attribué en toute connaissance de cause et après avoir soigneusement contrôlé l’entreprise, fut rapidement déchiré. Mais surtout, la prétendue seule compagnie britannique à avoir bénéficié de ces contrats d’urgence – les autres étant la danoise DFDS et la française Brittany Ferries* - dépend en fait du soutien logistique d'un armateur familial exploitant une flotte, basé en … Irlande, Arklow Shipping.
Or, Arklow Shipping nie avoir jamais eu d'accord avec Seaborne, avec laquelle les échanges sont restés à l’état de discussions. Il affirme par ailleurs ne pas avoir eu de contact avec le DfT ou avec les ports concernés, a rapporté Seatrade Maritime News.
Appels à démission
La révélation accable encore un peu plus le ministre des Transports, qui doit déjà faire face à des appels à la démission en raison de sa gestion des contrats d'urgence pour les ferries. En effet, le président du Port de Calais, Jean-Marc Puissesseu, a accusé le ministre britannique d'être « absolument irrespectueux » après avoir discuté avec Calais de sa préparation pour Brexit sans laisser entendre qu'il envisageait de réduire le trafic. « Le ministre des transports britannique n'est plus le bienvenu à Calais », aurait-il déclaré.
De même, l'affirmation de DfT selon laquelle il examinerait actuellement d'autres options que Ramsgate ne concorde pas avec les propos tenus par l’édile de la ville belge, Bart Tommelein, pour qui il est « impossible » pour Ostende d'être prêt à temps. Après avoir menacé d’une action en justice contre le gouvernement britannique, Eurotunnel, furieux de ne pas s'être vu offrir un contrat, a mis sa menace à exécution en quelques heures ce 11 février. Le concessionnaire jusqu'en 2086 de l'infrastructure du tunnel sous la Manche en conteste la légalité, une éventualité que le gouvernement britannique aurait prévu en provisionnant 800 M£ pour couvrir les frais juridiques.
--- Robert Jaques (Londres) ---
* En décembre 2018, le gouvernement annonce que Royaume-Uni va allouer une enveloppe de 120 M£, dont 46,6 M£ à Brittany Ferries ; 42,5 M£ à DFDS ; 13,8 M£ à Seaborne Freight