Alan Heng, PDG de Pavilion Energy, société singapourienne d’avitaillement de navires, très investi dans le GNL (notamment avec MOL et TotalEnergy), a révélé à Reuters ce qui se dit à bas mots mais que les armateurs ne veulent pas ébruiter. Les prix du gaz sont à un tel niveau – 35 à 40 $ par million d'unités thermiques britanniques (MMBtu) – que les porte-conteneurs à double motorisation avec le GNL ont basculé vers le fuel… à plus ou moins forte teneur en soufre (705 $ à Singapour pour le fuel à moins de 0,5 % de teneur en soufre VLSFO et 376 $ pour le fuel lourd HFO).
Une fois que les prix du GNL « reviendront à un niveau de prix plus normal, l'engouement pour le GNL comme combustible de soute reviendra », veut croire Alan Heng, qui s’exprimait dans une conférence tenue lors de la Semaine internationale de l'énergie de Singapour. « Au cours du dernier trimestre, avec les prix élevés du GNL, nous avons observé, dans les carnets de commande, que les intérêts pour la propulsion à l'ammoniac était en train de gagner du terrain », a également indiqué le dirigeant.
Pavilion Energy attend, pour sa part, la livraison du Brassavola, le navire de soutage de GNL, propriété de Mitsui O.S.K Lines (MOL), qui devrait être opérationnel au premier trimestre 2023. Il s'agira alors du plus grand souteur (12 000 m3) en service à Singapour, premier centre mondial d’avitaillement des navires avec plus de 50 Mt par an, tous carburants confondus. Singapour a effectué 24 opérations d’avitaillement de navire à navire (ship-to-ship) et plus de 40 opérateurs en biocarburants en 2021.
Prix du gaz en baisse
Hapag-Lloyd, qui a converti un seul de ses porte-conteneurs existants au GNL, l’ex-Sajir devenu Brussels Express, a confirmé que « pour l’instant, il naviguait au fuel ». Le cinquième armateur mondial doit recevoir son premier navire neuf au GNL à partir du deuxième trimestre 2023.
CMA CGM, qui possède le plus grand nombre de porte-conteneurs au GNL en service (vingt-neuf) et en commande (77 seront en opération d’ici quatre ans) et qui a sécurisé ses approvisionnements par des contrats d’achats de long terme, a indiqué que ses cuves étaient « principalement » remplies de GNL.
Les prix mondiaux du gaz flambent depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les arrêts répétés de livraisons de gaz à l'Europe par Gazprom. Si l’afflux de gaz naturel en Europe a récemment fait chuter les prix du gaz sur le marché européen, sous la barre des 100 € le MWh, une première depuis juin, le TTF a franchi les 300 €/MWh ces derniers mois. Bien qu’en repli, les prix du gaz naturel en Europe évoluent toutefois à des niveaux toujours élevés, en hausse de 40 % depuis le début de l'année et loin de la moyenne de 46 € en 2021.
Adeline Descamps