Après des années noires, les professionnels de l'assurance transport renouent avec la croissance. De quoi redonner de l'aplomb à une filière qui cherche à remettre Paris et la France au cœur du marché mondial de l’assurance transport et à promouvoir l’offre hexagonale, que l'on dit réputée pour son savoir-faire en analyse des risques et en règlements de sinistres.
Faut-il faire la corrélation entre le regain de dynamisme de l’assurance transport et la démarche collective de promotion à l’international Paris MAT ? Les professionnels du secteur le soulignent sans l’affirmer directement. Le marché français de l’assurance transport retrouve des couleurs en 2018 après quelques années où la « place de Paris » devait constater la dérive progressive et continue de ses encaissements. Tant et si bien qu’elle a laissé quelques plumes dans le classement mondial alors qu’elle occupait encore le 5e rang il y a quelques années derrière la très influente Grande-Bretagne, la Scandinavie, le Japon et l’Allemagne.
Chaque année, le rendez-vous annuel des professionnels de la filière (agents, assureurs, courtiers, souscripteurs, avocats, experts…), organisé par le Cesam (Comité d’études et de services des assureurs maritimes et transports), donne lieu à la présentation par la Fédération française des sociétés d’assurance (FFA) des données qui consolident l’ensemble des contrats par toutes les compagnies d’assurance opérant dans les domaines du transport maritime, aérien et spatial. Un arrêt sur image partiel, en attendant une publication plus détaillée un peu plus tard dans l'année, mais qui permet « de voir comment les différentes composantes du marché réussissent à évoluer à l’intérieur d’un environnement de plus en plus mondialisé et dans lequel le poids de l’Europe a tendance à se restreindre. Heureusement, nous n’avons pas à rougir cette année », confie Christophe Graber, président du Comité maritime et transport de la FFA et CEO de la compagnie La Réunion aérienne et spatiale.
2,1 Md€ de cotisations
« Toutes polices confondues, les cotisations se sont élevées à 2,107 Md€ en 2018, dont 1,6 Md€ pour le maritime (635,2 M€ pour les corps de navires à + 2,7 % et 963,7 M€ pour les marchandises à + 3,3 %) et 442,9 M€ pour l’aérien (+ 18 %). Le portefeuille est en outre bien diversifié, avec 45,7 % de marchandises transportées, un tiers pour les corps maritimes et 21 % pour l’aviation (3,2 % pour le spatial) », poursuit-il.
L’an dernier, le marché était en baisse de 4 à 5 %, imputant les « choses » aux effets de change, de nombreuses affaires étant souscrites en dollars, extrêmement volatils ces dernières années (entre 2015 et 2018, le taux de change est passé de -10,3 % à -3,2 % puis + 13,8 % et - 4,5 %). Cette année, alors que le marché est toujours tributaire de ces « pondérateurs », la dynamique de croissance a repris son cours haussier à + 5 % (et + 3 % à change constant). Cela étant dit, l’assurance transport française ne représente toujours que quelques pourcents des encaissements mondiaux (28,5 Md$ en 2017, données 2018 pas disponibles), et restituée dans le panorama du marché français de l’assurance des dommages de biens et de responsabilité (56 Md€), elle ne pèse que 4,1 %.
Paris MAT, quelles avancées ?
Les indicateurs macroéconomiques – le renchérissement des primes dépend étroitement de l’environnement économique et du volume et de la valeur des échanges de marchandises – offrent « des perspectives d’évolution encore bonnes même si un ralentissement est annoncé ». Les professionnels s’appuient notamment sur les données de la Banque mondiale, qui tablent sur une croissance de 4,2 % en 2019 dans les pays émergents et de 2 % dans les économies consolidées (plus faible dans la zone euro, à 1,6 %).
L’OMC établit pour sa part que la croissance du transport de marchandises devrait croître de 3 % en 2019 (après + 2,6 % en 2018). Mais avec des risques qui deviennent une « sinistralité » ordinaire : « il faut s’attendre à des turbulences assez importantes du fait de la montée des tensions commerciales et d’un accroissement des incertitudes (prix combustible, taux de change). La veille, à l’occasion d’un débat d’ouverture, les intervenants parlaient même de « choc d’incertitudes ». L'an dernier, les mêmes risques faisaient déjà planer les doutes sur l'année projetée.
Quant à la mobilisation collective Paris MAT pour « reprendre son destin en main », « a bien progressé », indique le président du courtier Eyssautier, Mathieu Berrurier, un des principaux animateurs de l’initiative, officialisée en 2017. « Nous disposons désormais d’outils marketing pour la promotion, avons travaillé sur le logo et nos visuels (avec la Tour Eiffel dans le A, Ndlr), avons créé des commissions pour plancher sur diverses problématiques. Charge désormais à chacun des 3 000 acteurs qui font partie de notre environnement de se l’approprier », explique le représentant des courtiers, qui furent les premiers à tirer la sonnette d’alarme face à la rétrogradation internationale de la filière.
Zonage des risques de guerre
« Grâce aux travaux réalisés au sein des comités, nous avons notamment élaboré une nouvelle offre des risques de guerre "facultés", rénové les modèles de conventions spéciales "risques de guerre", créé un zonage des risques de guerre, mis à jour les clauses additionnelles et élaboré un document à propos de la nouvelle réglementation IMO 2020... », ajoute Mathieu Daubin. Le président du GAREX (Groupement d’assurances de risques exceptionnels) note que la manière particulière – « à la française » – d’appréhender des risques a retenu l’attention de prospects grecs, où la filière s’est déplacée à deux reprises. La France a dans son code de l’assurance, contrairement à d’autres pays, des dispositions précises concernant spécifiquement le transport maritime, et auxquelles les polices peuvent se référer.
En 2019, la filière entend poursuivre ses visites dans des marchés captifs pour l'offre hexagonale. « Nous prévoyons en 2019 des déplacements et/ou participations à des salons au Maroc, en Suisse, en Afrique… Nous voulons aussi mieux faire connaître nos métiers auprès de jeunes étudiants. On étudie la possibilité d’avoir un stand au salon de l’Étudiant ainsi que des actions ciblées auprès des cabinets de recrutement et écoles qui nous intéressent ».
Enfin, la grande affaire de 2019 restera d’inscrire l’événement, qui s’appelle désormais « Le rendez-vous Paris MAT », dans le cadre d’une « maritime week », annoncée à bas mots par un des participants. « L’idée a fait son chemin et a rallié tous ceux à qui on l’a proposé ». En feraient partie Armateurs de France, le Cluster maritime français, l’AMRAE (Association Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise), la Chambre arbitrale maritime de Paris, et d’autres qui gravitent dans l’orbite de la filière.
A.D