Les contours du périmètre de Catherine Vautrin au sein de son domaine étendu à l'intitulé qui avait interrogé lors de son annonce – ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation –, ont été précisés dans un décret paru au Journal officiel le 10 octobre. Le pôle de l’ex-ministre du Travail, de la Santé et de la solidarité – un attelage tout autant baroque –, a sous sa tutelle les Transports, charge confiée au président LR du Département de l'Essonne François Durovray, et le duo Mer/Pêche, dont le délégataire est le maire UDI (Union des démocrates et indépendants) de Lorient Fabrice Loher. Deux ministères délégués qui sortent du giron de la Transition écologique et de la cohésion du territoire.
Depuis 2007, la charge des Transports est confiée à de vastes ministères, dont les dénominations ont varié, mais tous avec un prisme écologique. Quant aux affaires maritimes, elles ont été, sous la Ve république, majoritairement réservées à des secrétariats d’État et diluées dans un vaste portefeuille aux attributions multiples, tantôt le transport et le tourisme, tantôt le développement durable, voire la pêche, l'urbanisme et le logement...
De nombreuses intersections
Première indication : le décret porte la signature de la macroniste Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, de l'UDI des Hauts-de-France Valérie Létard, une proche de Jean-Louis Borloo, au Logement et à la Rénovation urbaine, et de François-Noël Buffet à l’outre-Mer. Il faut en déduire que les prérogatives vont s’exercer plus que conjointement. Certaines politiques et orientations vont devoir se concerter étroitement (artificialisation des sols, prévention des risques, étalement urbain, décarbonation et électrification des transports, réglementation technique des véhicules routiers, certificats d'économie d'énergie en tant qu'elle concerne les transports pour n'en citer que quelques-uns).
Si seules trois paraphes sont apposés en bas du texte officiel, le ministère orienté à 360° recouvre tellement de domaines qu’il va empiéter sur les champs d’action de bien d’autres maroquins, à en juger par l’article 1 en quête d’un point. « Le ministère est responsable des politiques de développement et d'aménagement de l'ensemble du territoire national, de la ruralité, de la cohésion économique et sociale des territoires, notamment ruraux, de leur attractivité et de leur développement économique et des mobilités, des transports et de leurs infrastructures, ainsi que la mer, le littoral et la pêche maritime ».
Une collaboration nécessairement transversale
À la croisée d’une floppée de compétences, le pôle va avoir besoin du concours ou de l’aval du ministre du camp présidentiel Laurent Saint-Martin en charge du Budget et des Comptes publics (pour toutes les questions de finances locales), de celui de la Fonction publique (politiques spécifiques à l’égard des collectivités territoriales, simplification et de la transformation de l'action publique, entre autres) mais aussi du locataire du quai d’Orsay (élaboration des orientations nationales de coopération européenne).
Dans le domaine des transports, les questions sociales, y compris dans le domaine maritime, seront coadministrées avec le ministre du Travail et de l'Emploi Astrid Panosyan-Bouvet, ex-PS et marconiste de la première heure à la fibre sociale-démocrate. La réglementation et le contrôle des activités de pêche maritime devront s’envisager avec la titulaire LR de l'Agriculture Annie Chevenard. Tout comme l'accessibilité des transports, qui relève aussi du champ d’action du ministre des Solidarités et de l'Autonomie. Quant aux politiques économiques et industrielles du secteur de l'équipement et des transports, l’imprimatur de Bercy sera requis.
À la croisée de la mer et de la terre
Pour ce qui relève des « mobilités, des transports et de leurs infrastructures » selon la dénomination complète, ce périmètre englobe le rail, la route, les transports publics, les voies navigables, l’aviation civile, les applications satellitaires et météorologiques, les mobilités nationales, l’organisation des transports pour la défense.
Les emplois liés au transport maritime entrent aussi dans ce cadre tout comme les politiques en matière d’intermodalité ferroviaire et fluviale, tant attendues, et la desserte des ports, dont la stratégie implique les politiques en matière de transport de marchandises et de logistique à terre. Le ministre des Transports « met en œuvre la politique en matière de ports, de transports maritimes, de marine marchande et de réglementation sociale dans le domaine maritime », formule l’article IV au titre des mobilités, des transports et de leurs infrastructures.
L’article VI concerne la mer à proprement parler (et le VII, la pêche maritime). Là encore, le rayon d’action est d'amplitude en dehors des fonctions opérationnelles classiques (suivi de l'action de l'État en mer ; politique du tourisme sur le littoral et en mer ; sécurité de la navigation ; recherche et sauvetage ; planification de l'espace en mer…). Plusieurs charges sous l'autorité de Fabrice Loher devront être conduits avec le ministre de la Transition écologique, notamment la politique relative aux énergies marines renouvelables, à la gestion des ressources maritimes, à la protection des milieux marins et à la gestion des zones côtières.
Pour ce qui a trait à la géopolitique maritime, le nouveau ministre, qui doit œuvrer à l'élaboration « d’une stratégie géographique d'influence maritime de la France », pourra difficilement l'envisager sans l'ingérence de Matignon et la main de l’Élysée. Le domaine public maritime en particulier et les orientations économiques maritimes en général, y compris la construction et la réparation, relèvent aussi de sa sphère mais sous le regard avisé de Bercy.
L'attractivité des métiers du secteur, qui peine à recruter en raison d'un déficit d’image lié en partie aux longs services embarqués et la desserte des ports maritimes par le transport maritime font par ailleurs partie de ses compétences. La présidence du comité interministériel de la mer (CIMer) lui revient
Des administrations centrales en partage
Le ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation a autorité sur l’organisation de l'administration centrale des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer, soit pas moins de 9 directions générales, celles du développement durable, de l'énergie et du climat, des infrastructures, des transports et des mobilités, de l'aviation civile, de l'aménagement et du logement, de la pré. Certaines sont en cotutelle avec Agnès Pannier-Runacher et Valérie Létard.
La Direction générale des Affaires maritimes, de la Pêche et de l’Aquaculture DGAmpa), pilotée par l’ancien délégué général d’Armateurs de France, Éric Banel, reste une affaire à deux têtes Mer/Agriculture. Le commissariat général au développement durable suppose par ailleurs une triple autorité, Transition écologique/Transition énergétique/Mer. Catherine Vautrin dispose également du secrétariat général de la mer et de la direction générale des Outre-mer.
Au sein d’un gouvernement penchant clairement à droite mais avec des nuances de bleu azur et cobalt, la cogestion va devoir s’exprimer en dehors de la phraséologie classique.
Adeline Descamps
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Le cabinet du ministre des Transports se structure progressivement
Le journal officiel en date du 15 octobre porte une annonce sur le cabinet de François Durovray, ministre délégué chargé des Transports, dont la direction se structure progressivement avec l'arrivée de deux directeurs adjoints : Jean Gouadain en tant que conseiller transport aérien (effectif depuis le 2 octobre) et Louis de Crevoisier, conseiller en financement et innovation (à compter du 3 octobre). Paul Giovachini intervient depuis le 1er octobre en tant que conseiller mobilités routières et actives, ports et transport fluvial.
Annoncé par le média Acteurs publics le 24 septembre, Katayoune Panahi a été choisie par François Durovray comme directrice de cabinet. Depuis son départ de SNCF immobilier il y a un an, elle assurait son mandat de présidente de l'Association des utilisateurs de La Défense et n'en est pas à sa première expérience des cabinets ministériels.
A.D.