Le gouvernement débite sa planification énergétique et climatique à la cadence militaire après avoir accumulé du retard sur sa programmation. Elle vient de porter à connaissance la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE-3) qui doit réussir la bascule en moins de dix ans d’une énergie carbonée à 60 % à une décarbonation à 60 %. Dans un même élan, il a publié sa Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) qui, dans sa troisième version, doit tracer le chemin vers une réduction de 50 % des émissions brutes de gaz à effet de serre (GES) en 2030 (par rapport à 1990). Cela suppose d'abattre 126 Mt en moins d'une décennie. Il aura fallu 32 ans (1990-2022) pour venir à bout de 144 Mt... Les transports devront contribuer à cet effort à hauteur de 27 % – ils représentent un tiers du problème (32 % des émissions de GES) –, l'industrie à 68 % et l'énergie à 65 %.
Dans cette perspective, la part des fossiles (pétrole, gaz) devra tomber dans la consommation finale à 42 % en 2030 (contre 60 % en 2022) puis à 30 % en 2035 et à zéro en 2050. Dans six ans, l'électricité devrait donc représenter un tiers du mix énergétique français et les énergies renouvelables (EnR), 23 %. Cinq ans plus tard, les alternatives vertes (nucléaire et EnR) devraient composer un bouquet verdi à 80 %.
Urgence précipitée
Dès sa nomination, le Premier ministre, Michel Barnier, avait promis que la formalisation de ces textes de planification allait « reprendre immédiatement » sur la base des travaux déjà effectués.
Après des mois de retard – initialement promise à l'été 2023 —, et juste avant la Conférence annuelle de l'ONU sur le climat (COP29, du 11-22 novembre), le gouvernement lance la consultation publique ouverte jusqu'au 15 décembre. Les documents soumis présentent notamment une planification des infrastructures énergétiques, des objectifs de production d'énergies renouvelables et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, un calendrier de financement.
Le PPE-3 et la SNBC-3 font suite à un corpus de texte présentés dernièrement. La troisième mouture du Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3) a été publiée la semaine dernière. Il a été conçu à partir de l'hypothèse d'un réchauffement par rapport à l'ère préindustrielle de 4°C en France d'ici à la fin du siècle (contre 1,7°C à ce stade). Il est une des branches du trépied composant la Stratégie française pour l'énergie et le climat (Sfec) avec la PPE et la SNBC.
À l'issue du débat public, la feuille de route énergétique sera présentée au Haut conseil pour le climat (HCC), qui aura à plusieurs reprises pressé le gouvernement pour donner de la « visibilité » aux intentions françaises en matière de décarbonation. Ce calendrier, qui a été contrarié par la dissolution de l'Assemblée nationale dans la foulée des législatives et le long tunnel politique qui a précédé la formation d'un nouveau gouvernement, reporte la présentation finale de la PPE à la fin du premier trimestre 2025. Les décrets d'application devraient donc être publiés dans les mois qui suivront cette échéance.
Tensions budgétaires
Les grandes orientations avaient été dévoilées à l'occasion de la publication du Plan national intégré énergie-climat (Pniec) que la France a envoyé à la commission européenne début juillet. Le gouvernement a aussi levé le voile le 18 octobre sur la carte de déploiement de l'éolien en mer (suite à la vaste consultation publique menée simultanément sur toutes les façades maritimes) qui prévoit une cinquantaine de parcs éoliens sur les trois fronts de mer de l'Hexagone, pour atteindre 18 GW de capacités installées en 2035 et 45 GW en 2050 (contre seulement 1,5 GW actuellement).
Malgré les tensions budgétaires, Olga Givernet, ministre en charge de l'Énergie (portefeuille sorti des griffes de Bercy pour être rattaché à la Transition énergétique), entend maintenir à ce stade trois dispositifs : le leasing social, le bonus écologique pour l'achat d'une voiture moins polluante et la prime à la conversion.
« Pour atteindre nos objectifs énergétiques, nous devons avancer sur deux fronts : réduire nos consommations grâce à la sobriété et à l'efficacité énergétique, tout en développant massivement la production d'énergie décarbonée » a déclaré de façon convenue la ministre de l'Energie lors de la présentation de la PPE le 4 novembre. Puis plus explicite : « il faut que notre mix décarboné soit à moitié pour l'énergie nucléaire, à moitié pour les énergies renouvelables »
Plan d'électrification des usages ?
Quoi qu'il en soit, la mise en œuvre de la transition énergétique « nécessite une progression forte de l'électrification de l'industrie, des transports, des bâtiments » a réagi l'Union française de l'électricité (UFE), en appelant à un « Plan d'électrification des usages », intégrant les enjeux de pouvoir d'achat, de compétitivité et de souveraineté, et « en capitalisant sur [nos] atouts énergétiques et industriels »
« L'investissement écologique est parfois le meilleur rempart contre des dépenses publiques futures », tranche la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui a sans doute en tête les manifestations criantes et cruelles du dérèglement climatique de l'autre côté des Pyrénées, dans l'Espagne voisine.
Adeline Descamps
Nucléaire, hydroélectricité, photovoltaïque, éolien, biocarburants, biogaz : le bouquet final
Selon les données du gouvernement, sur 12 mois, de juillet 2023 à juin 2024, la France a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 4,8 %. C'est le poste énergétique qui a le plus contribué (- 17,9 %) et dans une moindre mesure l'industrie (- 8,7 %). Les transports, tous modes confondus, ont réduit leur empreinte carbone de 3,4 %. En 2023, la baisse des GES avait été de 5,8 % par rapport à 2022.
Pour atteindre ses ambitions en termes de réduction des GES, l'exécutif entend multiplier le photovoltaïque jusqu’à 6 fois la puissance installée en 2022. Il prévoit de lancer le programme de construction d’EPR 2 et de restaurer la disponibilité du parc existant afin d’atteindre un niveau de production d’a minima 360 TWh/an et si possible de 400 TWh/an. Il est attendu une croissance de 40 % par rapport à 2019 l'usage des biocarburants d’ici 2030. D'autres objectifs visent l'hydroélectricité ( + 2,8 GW), l'éolien terrestre (atteindre 1,5 GW de capacité supplémentaire par an), l'éolien en mer (visée : 18 GW de capacités à horizon 2035) et l'hydrogène (déployer 8 GW déployés d’ici 2035) et enfin le biogaz, dont la production pourrait être multipliée par cinq d’ici 2035.
A.D.
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