La France débite sa planification énergétique et climatique à la cadence militaire après avoir accumulé du retard sur sa programmation. Elle vient de porter à connaissance sa politique énergétique française (Programmation pluriannuelle de l'énergie, PPE) sur les dix années à venir ainsi que la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Dès sa nomination, le Premier ministre, Michel Barnier, avait promis que la formalisation de ces textes de planification allait « reprendre immédiatement » sur la base des travaux déjà effectués.
Après des mois de retard – initialement promise à l'été 2023 —, et juste avant la Conférence annuelle de l'ONU sur le climat (COP29, du 11-22 novembre), le gouvernement lance la consultation publique de sa PPE jusqu'au 15 décembre. Les documents soumis présentent notamment une planification des infrastructures énergétiques, des objectifs de production d'énergies renouvelables et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, un calendrier de financement, afin de sortir le pays du tout-fossile et d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.
Ils font suite à un corpus de texte présentés dernièrement. La troisième mouture du Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3) a été publiée la semaine dernière. Il a été conçu à partir de l'hypothèse d'un réchauffement par rapport à l'ère préindustrielle de 4°C en France d'ici à la fin du siècle (contre 1,7°C à ce stade). Il est une des branches du trépied composant la Stratégie française pour l'énergie et le climat (Sfec) avec la PPE et la SNBC, dont il est attendu une réduction de 50 % des émissions brutes de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Dans cette perspective, la part des fossiles (pétrole, gaz) devra tomber dans sa consommation finale à 42 % en 2030 (contre 60 % en 2022) puis à 30 % en 2035 et à zéro en 2050.
La feuille de route énergétique sera ensuite présentée au Haut conseil pour le climat (HCC), qui aura à plusieurs reprises pressé le gouvernement pour donner de la « visibilité » aux intentions françaises en matière de décarbonation. Ce calendrier, qui a été contrarié par la dissolution de l'assembée nationale dans la foulée des législatives et le long tunnel politique qui a précédé la formation d'un nouveau gouvernement, porte la présentation finale de la PPE à la fin du premier trimestre 2025. Les décrets d'application devraient donc être publiés dans les mois qui suivront cette échéance.
Tensions budgétaires
Ce paquet avait été précédé par la publication du Plan national intégré énergie-climat (Pniec) que la France a envoyé à la commission européenne début juillet. Le gouvernement a aussi levé le voile le 18 octobre sur la carte de déploiement de l'éolien en mer (suite à la vaste consultation publique menée simultanément sur toutes les façades maritimes) qui prévoit une cinquantaine de parcs éoliens sur les trois fronts de mer de l'Hexagone, pour atteindre 18 GW de capacités installées en 2035 et 45 GW en 2050 (contre seulement 1,5 GW actuellement).
Malgré les tensions budgétaires, Olga Givernet, ministre en charge de l'Énergie (portefeuille sorti des griffes de Bercy pour être rattaché à la Transition énergétique), entend maintenir à ce stade trois dispositifs : le leasing social, le bonus écologique pour l'achat d'une voiture moins polluante et la prime à la conversion.
« Pour atteindre nos objectifs énergétiques, nous devons avancer sur deux fronts : réduire nos consommations grâce à la sobriété et à l'efficacité énergétique, tout en développant massivement la production d'énergie décarbonée » a déclaré sans surprise la ministre de l'Energie lors de la présentation de la PPE le 4 novembre. Puis plus explicite : « il faut que notre mix décarboné soit à moitié pour l'énergie nucléaire, à moitié pour les énergies renouvelables »
Plan d'électrification des usages
Quoi qu'il en soit, la mise en œuvre de la transition énergétique « nécessite une progression forte de l'électrification de l'industrie, des transports, des bâtiments » a déjà réagi l'Union française de l'électricité (UFE), en appelant à un « Plan d'électrification des usages », intégrant les enjeux de pouvoir d'achat, de compétitivité et de souveraineté, et « en capitalisant sur nos atouts énergétiques et industriels »
Pour être dans les clous de ses objectifs, la part de la consommation d'électricité (essentiellement décarbonée en France en raison de son nucléaire) dans la consommation finale énergétique du pays devra passer de 27 % (2022) à 34 % en 2030 et 39 % en 2035. Parallèlement, il est attendu une réduction de 30 % en 2030 de la consommation d'énergie par rapport à 2012 et de 50 % en 2050.
« L'investissement écologique est parfois le meilleur rempart contre des dépenses publiques futures » parait convaincu la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui a sans doute en tête les manifestations criantes et cruelles du dérèglement climatique de l'autre côté des Pyrénées, dans l'Espagne voisine.
Adeline Descamps
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