Il y a désormais trois voix pour commenter les trafics portuaires du port d’Anvers, qui n’est plus seul depuis sa fusion avec le second port belge, Zeebbruge. Celle de Dirk De Fauw, maire de la ville de Bruges et vice-président d’Antwerp-Bruges s’est jointe à celle des deux chroniqueurs habituels des flux et reflux du premier port belge : Annick De Ridder, échevine de la ville d'Anvers (et présidente du conseil d'administration de l’établissement portuaire unique) et Jacques Vandermeiren, ex-CEO d’Anvers et dorénavant de l’ensemble.
Pour ses premières données en tant qu’entité unique, Anvers-Zeeburgge n’est pas parvenu à enrayer la baisse du trafic-roi pour le second port européen. La déprime du conteneur n’est plus passagère. Elle prend les formes d’une longue dépression mais reste conjoncturelle. Antwerp-Bruges paie chèrement son statut de hub pour les trois principales alliances maritimes, victime donc de la valse des escales au profit des ports voisins, dont Le Havre a d’ailleurs profité en 2021.
Repli confirmé pour le conteneur
Abonné à la croissance sans rupture depuis 2014, le segment conteneurisé avait enregistré une croissance de 5,1 % à l’issue du premier semestre 2021 avant de ralentir (+ 2,8 %, 9,1 MEVP au troisième trimestre 2021) et achever l’exercice 2021 sur un statu quo avec 12,02 MEVP, en baisse de 0,1 %. A l’issue des six premiers mois de cette année, le conteneur affichait un repli de 9,8 % en tonnage et de 6,3 % en EVP par rapport au premier semestre en 2021.
L’exploitation des terminaux est compliquée par les retards des navires et par le nombre élevé de callsize compte tenu des volumes élevés de marchandises importées. Aux perturbations affectant le segment au niveau mondial, les deux ports belges ont également pâti de la chute du trafic avec la Russie qui a dévissé de 39 % en raison du conflit en Ukraine et des sanctions (c’est vrai aussi pour le vrac avec les échanges d’engrais en repli de 15,4 %).
Un trafic global en faible hausse
Avec 147,2 Mt, le trafic global de Anvers et Zeebrugge fusionné affiche une légère croissance, de 1,3 %, par rapport à la même période l’année dernière. Hors conteneur, les trafics se portent bien mieux, notamment les vracs. Que ce soit pour les marchandises sèches (+ 17,9 %) que pour les vracs liquides (+16,3). Le vrac est principalement porté par la dynamique autour du charbon. « Alors que 933 000 t ont été traitées en 2021, le trafic s'élève déjà, au terme du premier semestre de 2022, à 1,56 Mt en raison de la forte augmentation des prix du gaz et de la réduction des livraisons de gaz de la Russie », indique l’autorité portuaire.
Les vracs liquides sont eux tirés par la « croissance substantielle » de l'essence, du naphte et des gaz énergétiques. Un étonnement : alors que le trafic de diesel et de fuel est en baisse constante depuis 2019, il a augmenté de 6,8 % au cours du premier semestre de cette année. Les dérivés du pétrole et de produits chimiques ont également augmenté de 9,4 et 9,8 %, respectivement.
Mais à Anvers, comme dans d’autres ports où le trafic de GNL est un pilier, le palliatif au gaz russe connaît une forte croissance (+ 55,3 %) avec 8,4 Mt, les pays européens s'affairent à reconstituer leurs stocks de gaz en prévision de l'hiver prochain.
Conventionnel en forme
Sur une dynamique de croissance, déjà observable au premier trimestre, le conventionnel a confirmé au cours du deuxième trimestre si bien qu’il finit le semestre sur un bel élan de 21,8 %, son niveau le plus élevé depuis 2011. « Les importations d'acier, prédominant dans ce segment, en provenance de Russie, interdites en vertu des sanctions, ont été remplacées par des importations en provenance d'autres pays », justifie l’autorité portuaire.
En hausse également (+ 9 %), le ro-ro vers le Royaume-Uni et l'Irlande – ses destinations historiques – enregistrent, avec respectivement 3,8 et 0,6 Mt, une croissance de 6,8 % et 47 % par rapport aux six premiers mois de 2021, base particulièrement faible. En revanche, dans une conjoncture difficile pour la construction automobile pénalisée par le prix et la pénurie de composants, le nombre de voitures neuves et d'occasion affiche une légère croissance de 2,5 % et de 1,7 %, tandis que le nombre de remorques a diminué de 19 %.
Sur le passager, au cours du premier semestre de 2022, Zeebrugge a vu son trafic de croisières reprendre un peu d’allant avec 53 escales et un taux d’occupation de quelque 65 %.
Investir
Les trois « voix » ne manqueront pas, dans leurs commentaires, de témoigner de toute leur confiance « en tant que port unifié » dans le potentiel du nouvel ensemble pour « renforcer considérablement [notre] position comme l'une des principales portes d'entrée en Europe » (Jacques Vandermeiren), « faire face à la concurrence internationale et à développer durablement notre port en tant que moteur de l'économie flamande » (Annick De Ridder) et pour « concilier les intérêts économiques avec la mobilité et la qualité de vie de toute la région » (Dirk De Fauw).
Quant aux défaillances du conteneur, elles illustrent, selon la présidente du conseil d'administration de Port of Antwerp-Bruges, la nécessité d’investir. L’Autorité portuaire d'Anvers et PSA Antwerp, qui gère le MPET avec MSC, ont lancé en début d’année les travaux sur le premier terminal à marée de conteneurs mis en service en 1990 à Anvers pour accueillir les plus grands conteneurs dans de meilleures conditions nautiques. Pour réaliser cet approfondissement, le linéaire de quai actuel, d'une longueur de près de 1 200 m, doit être complètement démoli. Il sera équipé dans le même temps de l’électrification à quai.
En attendant, le port flamand vient de battre un record. Le MSC Diletta y a fait escale avec un tirant d'eau de 15,90 m. Le porte-conteneurs de 23 782 EVP est exploité sur le service Lion/AE6, commun à Maersk et MSC dans le cadre de l’alliance 2M. La ligne, essentiellement alimentée par des tonnages de grande capacité de MSC, est l'un des six services que les deux leaders mondiaux proposent conjointement entre Asie et Europe du Nord.
Adeline Descamps