La CGT Ports et Docks n'a manifestement pas été entendue. Après la première série de trois jours de perturbations sociales, opérées en mode perlé (quatre heures par jour les 5 et 9 février avec un point culminant de 24 h le 7 février), la fédération nationale relance son appel à mobilisation pour trois jours supplémentaires, dont le premier, dès le 16 février pour 24 heures. Cette manifestation sera suivie par deux autres temps durs, les 22 et 27 février, à nouveau de 24 h. Pour le 27 février, le schéma « ports morts » (comprendre : blocage), déjà éprouvé par le passé, sera réinstitué.
La précédente vague, début février, avait été particulièrement suivie dans les grands ports maritimes de Marseille, du Havre et de Rouen (150 dockers en grève sur 210 dans le premier port céréalier européen) mais aussi dans de plus petits, comme à Lorient (tous les dockers à l’arrêt, grutiers et mécaniciens principalement) ou à Brest (une centaine d’ouvriers concernés).
« L'attente a assez duré », interpelle le syndicat, renvoyant le gouvernement à ses « engagements » dans le cadre notamment de la loi sur la réforme des retraites. La CGT attend toujours une reconnaissance de la pénibilité au travail pour obtenir une meilleure retraite anticipée, alors que la réforme devenue loi les oblige à faire deux ans de plus (à 60 ans pour eux) tout en étant soumis au régime des horaires décalés et des astreintes, font-ils valoir.
Les dockers souhaitent également que le gouvernement investisse 10 Md€ dans les infrastructures portuaires « pour pérenniser l'avenir des places portuaires » françaises.
Quatrième mouvement depuis novembre
« Le gouvernement doit tenir parole et engager un processus de négociations avec la fédération, qui a proposé des solutions pour sortir de cette crise et répondre aux attentes légitimes des ouvriers dockers et travailleurs portuaires », indique dans son communiqué la fédération, qui prévient d’ores et déjà qu’en cas de non-réponse de la part du gouvernement, l’appel à la mobilisation sera renouvelé.
Les trois journées qui s’annoncent représenteront le quatrième mouvement social depuis novembre.
TLF réagit
« Depuis huit jours, les grèves des travailleurs portuaires affectent les principaux ports français, notamment Le Havre, Marseille-Fos, Rouen, Bordeaux et Nantes Saint-Nazaire », s’impatiente aussi L’Union des Entreprises de Transport et de Logistique de France (Union TLF), dont les membres subissent les « conséquences opérationnelles ».
« Elles surviennent à un moment critique, dans un contexte d'arrivées massives de navires dans les ports européens dues aux récents événements en mer Rouge et à la suite des blocages liés aux mouvements des agriculteurs », rappelle l’organisation professionnelle représentant les intérêts des métiers du transport et de la logistique.
La récupération des marchandises à l’import est retardée, ce qui n’est pas neutre pour la supply chain en termes de désorganisation des transporteurs routiers et de perte d’activité pour les modes massifiés (train et fleuve), se doivent de rappeler les professionnels,
« Les désorganisations en cours menacent directement la rentabilité de nos entreprises situées dans chaque place portuaire française, dans un contexte de concurrence accrue avec les autres ports européens. La destruction potentielle d'emplois liés aux activités portuaires et logistiques est une préoccupation réelle », prévient Joël Glusman, le président de TLF Overseas (commissionnaires de transport maritime et aérien, représentants en douane, 85 % des flux de marchandises maritimes conteneurisés, 90 % des flux aériens en freighters et plus de 85 % des opérations douanières).
Surestaries, franchise et stationnement à quai
Au niveau du port de Marseille-Fos, le système de réservation s’engorge de plus en plus. Il faut aujourd’hui plus de cinq jours à un transporteur pour pouvoir obtenir un rendez-vous qui se prend habituellement dans la journée, indiquent-ils.
François Daniel, délégué général d’Union TLF Overseas, avait déjà alerté, lors de la journée du 7 février, sur le risque induit de dépassement de temps de franchise et de facturation des frais de stationnement à quai.
Les chargeurs, clients des commissionnaires, sont échaudés sur ce point : durant la pandémie, les délais allongés pour la récupération des marchandises aux terminaux ont coûté cher en frais de détention et surestaries ainsi qu’en stationnement à quai.
L’extension des temps de franchise et la suspension des frais d’annulation de rendez-vous sur les terminaux portuaires, en cas de mouvement sociaux, font partie des revendications du syndicat.
« Un plan d’urgence concerté »
Les professionnels assurent aussi que les flux logistiques ont commencé à se détourner vers les autres ports européens comme Anvers, Gênes, Rotterdam ou Barcelone. Ce qui n’est vérifiable à ce stade mais que les algorithmes de suivi des conteneurs pourront rapidement confirmer.
Face à ces perspectives brouillées dans les jours à venir, TLF appelle à des mesures structurelles « afin d’éviter ces crises régulières dans les ports français », notamment au travers d’un « plan d’urgence concerté » en cas de mouvements sociaux.
Dans l'immédiat, l’extension des temps de franchise pour contenir les surcoûts, l’ouverture des terminaux pendant les nuits ou les week-ends, la mise en place de moyens supplémentaires (matériels, personnels) et la levée des interdictions de circulation les prochains week-ends (récupération) font partie des quelques propositions avancées par l’organisation professionnelle.
Le mot « réquisition » n’est pas prononcée mais l’Union TLF demande formellement à l’État d’assurer la libre circulation des marchandises et des personnes sur les domaines portuaires, comme le droit européen l’y assigne.
Adeline Descamps
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