L’année 2020, toute pandémique qu’elle eût été, avait réservé un traitement à part au port marocain du détroit de Gibraltar. Avec un trafic conteneurisé de 5,7 MEVP, Tanger Med s’était offert, en pleine année de crise, une progression de 20 % par rapport à 2019. Clairement, il avait profité des arbitrages opérés par les armements dans leur réseau et qui consistaient à s’appuyer sur des ports pivots. Le complexe portuaire enregistrait alors son premier exercice plein depuis l’entrée en service en juin 2019 du TC4, implanté sur la zone d’extension Tanger Med 2 et concédé, pour une durée de trente ans, à APM Terminal (groupe Maersk).
Grâce à cette expansion, la porte d’entrée du Royaume pour le conteneur s’est dotée de deux nouveaux terminaux à conteneurs, TC3 et TC4, qui apportent une capacité additionnelle de 6 MEVP (5 + 1 MEVP). Avec les deux terminaux historiques, créés en 2007 et 2008, de 3 MEVP de Tanger Med 1, l’ensemble a été porté à une capacité nominale de 9 MEVP.
Emprise élargie
En 2021, force est de constater que Tanger a encore élargi son emprise, totalisant 7,17 MEVP, en croissance de 24 % par rapport à 2020. L’entrée en service du TC3 en janvier 2021 n’y est pas étrangère. L’investissement de 240 M€ lui apporte une capacité additionnelle de 1 MEVP.
Les quatre installations ont accueilli 10 902 navires (+ 12 %) dont 929 de taille supérieure à 290 m (916 en 2020). Pour rappel, avec son extension, Tanger Med est désormais en mesure de traiter simultanément sept grands porte-conteneurs.
Pas de sortie de route pour les véhicules neufs
Au-delà du seul conteneur, le premier port du Maroc, qui concentre à lui seul la moitié du trafic manutentionné du pays, a totalisé 101 Mt de marchandises l’an dernier, en progression de 25 % par rapport à 2020. Deuxième activité notable, le trafic de véhicules neufs sur ses deux terminaux dédiés est repassé au-dessus des 400 000 unités (429 509), en hausse de 20 % par rapport à 2020, année qui avait accusé une chute de 28 %. Il s’agit donc en partie d’un rattrapage. Tanger reste extrêmement dépendant de l’activité des deux constructeurs français implantés localement, Renault à Tanger et Stellantis à Kenitra.
Le trafic de camions a également franchi la barre des 400 000 unités TIR (407 459) à la faveur d’une croissance de 14 % tirée par « une reprise des exportations industrielles, de la bonne performance de la campagne agricole et des exports agro-industriels », mentionnent les services portuaires.
Les passagers, toujours confinés
Le terminal de vracs liquides a terminé l’année sur un trafic de 8,7 Mt (+ 9 %) tandis que le trafic des vracs solides, bien que marginal (342 804 t, + 13 %) est porté par l’embellie de la conjoncture des bobines d’acier, des pales d’éoliennes et des céréales.
Sans surprise, le passager n’a toujours pas retrouvé son étiage et, en baisse de 14 % avec 587 320, reste l’unique victime collatérale de la crise sanitaire pour le port nord-marocain. Et le seul segment à déplorer ces deux dernières années.
Bataille de Gibraltar
Avantageusement placé sur le chemin du commerce maritime mondial Est-Ouest, Tanger avait gagné en 2020 la bataille du transbordement en Méditerranée, selon les éléments de langage de l'Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA), qui gère le port.
Algésiras, le port espagnol à seulement quelques kilomètres de l’autre côté du détroit de Gibraltar affichait, lui, la stabilité (+ 0,4 %) à 5,1 MEVP. Hub de transbordement historique (85 % des flux totaux), le port andalou ne cache pas une pression concurrentielle accrue depuis l’inauguration en janvier 2021 du TC3, dont la gestion a été confiée à Tanger Alliance (coentreprise entre l’opérateur marocain Marsa Maroc et Eurogate/Contship, ralliés ensuite par Hapag-Lloyd à hauteur de 10 % du capital).
En réaction, l’espagnol multiplie les investissements ferroviaires pour accélérer l’activité hors transbordement. Mais pour l’instant, il subit, son trafic conteneurisé s’est encore replié de 6 % en 2021 (4,8 MEVP) tandis que le transbordement a dévissé de 8 %. La situation a sans doute profité à son jumeau d’en face.
Adeline Descamps