Seine-Nord : quelles retombées pour les ports ?

Article réservé aux abonnés

Avec l’ouverture du canal Seine-Nord en 2030, la liaison Seine-Escaut à grand gabarit deviendra réalité. Un nouvel axe fluvial qui devrait davantage profiter au vrac qu’aux conteneurs selon les acteurs portuaires, qu’ils se situent au nord ou au sud du futur canal.

Il se disait dans le port cauchois : « on a passé des années à lutter contre Seine-Nord pendant que les ports du Nord préparaient l’arrivée du canal ». Ces considérations n’ont désormais plus cours, avec le lancement effectif des travaux du canal. « Les tergiversations du passé sont derrières nous, les travaux sont désormais lancés et il n’y aura pas de retour en arrière, a ainsi assuré Thomas Doublic, chef du département du transport fluvial du ministère chargé des transports. La perspective, c’est l’ouverture de Seine-Nord en 2030. »

Le représentant de l’État intervenait, aux côtés de représentants des ports de Normandie, du Nord de la France et de Belgique. dans le cadre d’une conférence sur le canal Seine-Nord en ouverture de Riverdating, le rendez-vous européen des acteurs du transport fluvial et de la logistique multimodale qui s’est tenu au Havre le 30 novembre. 

La concrétisation de Seine-Nord en 2030 est perspective à laquelle tous les ports se préparent, notamment Le Havre avec l’accès fluvial direct à Port 2000, la fameuse chatière au sujet de laquelle l’enquête publique a démarré le 1er décembre, avec l’objectif d’une livraison des travaux en 2025.

Indéniable intérêt pour les vracs

Un canal pour quels trafics ? Pour Haropa, les avantages apportés par Seine-Nord devraient surtout concerner le vrac, l’intérêt d’une utilisation pour les conteneurs étant limité par la possibilité d’empiler seulement deux piles de boîtes à bord des bateaux, alors que le chargement peut en atteindre quatre entre Le Havre et Gennevilliers. « Pour le vrac, la massification jouera à plein, avec par exemple un gain de compétitivité pour les transports de céréales à destination de Rouen en vue de leur exportation maritime », explique Antoine Berbain.

Le directeur général délégué de Haropa Port pointe aussi l’intérêt de Seine-Escaut pour les matériaux de construction : « L’Île-de-France continuera à construire beaucoup dans les années à venir. La logistique voie d’eau y est très bien organisée, et l’on tient à y garder un réseau de centrales à béton bord à voie d’eau, y compris au cœur de l’agglomération. Seine-Nord permettra de créer de nouveaux flux d’approvisionnement en granulats de puis le Nord de la France, en particulier le Calaisis, et aussi depuis la Belgique. »

À l’autre bout de l’axe Seine-Escaut, c’est aussi sur les vracs que reposent les espoirs fondés sur la nouvelle liaison fluviale. North Sea Port, qui regroupe depuis 2018 les ports flamand de Gand et les néerlandais de Terneuse et Flessingue, accorde déjà une importance prédominante au fluvial pour ses trafics terrestres, avec une part modale de 60 % contre 30 % pour la route. L’objectif est de diminuer à 25 % la part de la route. Et la liaison Seine-Escaut constitue pour cela une opportunité selon Isabelle Van Vooren, directrice du port : « Nous réalisont 60 Mt en navigation intérieure, dont 2,2 Mt en direction de la France. Nous espérons augmenter ce tonnage, en particulier dans les vracs, car pour les conteneurs notre activité est surtout celle d’un hub de transbordement pour les ports d’Anvers et Rotterdam. »

La hauteur des ponts en question

Très attaché au fluvial qui achemine 30 % de ses conteneurs, Anvers a « quelques réserves », intervient le responsable des relations internationales, Philippe Le Petit : « Sur le territoire flamand, Seine-Escaut passe par la Lys. Mais une meilleure connexion de la Lys avec Zeebrugge n’a pas été prévue. L’Escaut supérieur n’a pas non plus été pris en compte. Le transport de conteneurs est confronté aux goulets d’étranglement que constitue la hauteur libre de seulement 5,25 m sous les ponts entre le nouveau canal et la Lys mitoyenne. »

Le représentant du port de l’estuaire de l’Escaut, qui voit lui aussi davantage d’intérêt pour les vracs, se dit « modérément positif pour les conteneurs, parce que le Nord de la France reste proche du port d’Anvers, donc la route restera compétitive. Ce sont donc Le Havre et Dunkerque qui verront davantage de conteneurs grâce à Seine-Nord. »

De la valeur ajoutée le long du canal 

La création de plateformes multimodales le long du futur canal est aussi en question. « Quelle va être l’implication des compagnies maritimes ? S’interroge ainsi Philippe Petit. Vont-elles permettre l’installation de dépôts de conteneurs vides sur les terminaux intérieurs ? »

« Sans activité économique le long du canal, ce ne sera qu’un axe de transit pour les flux des ports de la mer du Nord, tranche le directeur des Ports de Lille, Alain Lefebvre. On prend souvent en exemple le canal Albert, qui va avoir 100 ans et passe ses ponts à 9 m. La chance de Seine-Nord, c’est de partir d’une feuille blanche. »

S’il ignore le potentiel de flux qu’il pourra tirer de la future liaison, il estime, lui aussi, que des trafics fluviaux de matériaux de construction devraient se créer : « Les granulats de Lille viennent surtout du bassin du Tournaisis, distant d’une vingtaine de kilomètres par la route mais de 120 km en fluvial, donc tout se fait aujourd’hui par la route. »

Coopérations portuaires transfrontalières 

Au port de Dunkerque aussi, déjà connecté à l’Escaut à grand gabarit, on pousse Seine-Nord à miser sur l’activité logistique, vecteur de valeur ajoutée. Ce que le port des Hauts de France a mis en oeuvre avec le développement de ses plateformes, explique le directeur général du port, Maurice Georges. « Les logisticiens belges investissent déjà à Dunkerque, ils le feront demain sur Seine-Nord. C’est à cette échelle européenne qu’il faut réfléchir. »

Isabelle Van Vooren l’a bien en tête, cette échelle européenne : « Depuis cinq ans, avec la fusion des ports, nous avons appris à créer des liens transfrontaliers tant au niveau logistique qu’institutionnel. Nous avons ainsi développé des projets d’infrastructures qui n’auraient pas abouti ou moins vite : par exemple un réseau ferroviaire transfrontalier, un réseau d’hydrogène, ou encore l’écluse de Terneuse. Il faut initier, de la même façon, des partenariats entre les ports le long de l’itinéraire Seine-Escaut, de sorte qu’ils travaillent ensemble et non l’un contre l’autre. »

Étienne Berrier

Port

Logistique

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15