Bourse maritime agricole : qui veut du blé français ?

Article réservé aux abonnés

Les répercussions de la guerre en Ukraine chamboulent encore les flux de céréales. Depuis que Moscou a trouvé la parade aux sanctions bancaires, la Russie donne le tempo. Au détriment des céréales françaises. Trop chères...

La campagne 2022-2023 avait démarré en fanfare. Le conflit entre les deux grands producteurs de blé que sont la Russie et l'Ukraine a produit l'effet d'un chien dans un jeu de quilles. Il a d'abord fallu plusieurs mois de négociations pour obtenir que l'Ukraine puisse sortir ses céréales à travers des ports bombardés et une mer Noire transformée en champ de mines.

Quant à la Russie, si les sanctions occidentales ne portaient pas sur les denrées alimentaires, l'exclusion du système des transactions internationales Swift a rendu inopérante la possibilité pour les acheteurs de payer les cargaisons commandées.

Des parades efficaces

En quelques mois, des parades ont été trouvées. La Russie est parvenue fin 2022 à déjouer les contraintes des sanctions internationales et, grâce à l'ingénierie financière, a mis en place ses propres circuits bancaires.

Le premier producteur de la planète utilise désormais son blé comme une arme, alimentaire cette fois mais aussi menaçante que l'arme nucléaire qu'agitait Vladimir Poutine dans les premiers temps de son offensive.

Des céréales françaises plus chères de 35 $/t

Le Kremlin fixe ses propres prix, très en deçà de ceux proposés par les pays d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord, corrélés aux marchés à terme de Chicago et du MATIF. Ce qui se traduit par un surcoût de 35 $/t pour les céréales françaises (270 $/t) comparées à celles de Russie (235 $/t), et même de 20 $/t de plus par rapport à celles de Bulgarie et Roumanie.

« Les ventes à l'international en blé sorti France se résument à quasi zéro », regrette Frédéric Guillemin, directeur du pôle blés chez Soufflet Négoce – Invivo, présent à la Bourse des produits agricoles qu'organise chaque année le port de La Rochelle.

Déferlante de céréales ukrainiennes à l'Est

Les récoltes ont démarré dans le sud de la France ces derniers jours, elles seront lancées dans le Nord dans trois semaines « et on n'a toujours pas de demande. On ne peut pas donner nos céréales à 230 $/t. Alors on courbe l'échine et on attend des jours meilleurs. »

Quant au blé ukrainien, il trouve son chemin dans le corridor tracé à la sortie de ses ports. Les navires chargés sont vérifiés, à l'aller comme au retour, lors de leur passage par la Turquie. Mais surtout, les céréales ont trouvé d'autres voies, terrestres cette fois, par rail et surtout par camions, et fluviales via le Danube.

La formidable solidarité polonaise s'est aussi traduite par des achats massifs de céréales ukrainiennes. Roumanie et Bulgarie en ont pris aussi leur part pour les expédier via leurs ports sur la mer Noire.

Brexit sur le plan de la politique commerciale

Mais la déferlante des grains ukrainiens dans l'est de l'Union européenne a aussi généré une crise en avril. Contre l'avis de l'UE, qui a levé les droits de douanes sur les produits agricoles ukrainiens dès l'invasion russe, Pologne, Hongrie et Slovaquie leur ont successivement fermé leurs frontières au printemps.

Les prix des céréales des pays de l'Est s'effondraient et les agriculteurs ne disposaient plus de silos pour leurs propres produits. Sous la pression de l'UE, les flux ont ensuite été rétablis et, pour dégager leurs propres stockages, les efforts se sont accrus pour les exporter.

L'Espagne infidèle

Parmi les destinations, l'Espagne, confrontée à une sécheresse désastreuse, a dû s'approvisionner à l'extérieur. Et à faire des infidélités à son fournisseur habituel, la France, pour s'approvisionner en Bulgarie et Roumanie. « Mais aujourd'hui », note Frédéric Guillemin, « il y a tellement de marchandises qui arrivent dans les ports de la Méditerranée espagnole qu'il faut quelques semaines d'attente avant de décharger les panamax. »

Il imagine même que cette avalanche de céréales pourrait bientôt remonter jusqu'à la Belgique et aux Pays-Bas, là encore clients habituels de la France. « Les céréales françaises sont hors jeu... »

Logistique délicate

Pour la France, cela génère une situation compliquée. Alors que s'annonce une belle moisson, de 10 à 15 % supérieure à la moyenne quinquennale, les blés vont avoir du mal à trouver la sortie. « Cela présage une logistique délicate sur juillet et août », s'inquiète Frédéric Guillemin. « D'ici le 20 juillet, les silos seront pleins, cela va entraîner des difficultés pour faire les allotements, les sélections et les mélanges que demandent les clients. »

La prochaine campagne, qui démarre au 1er juillet, sera probablement atypique, comme le souligne Vincent Poudevigne, DG du Groupe SICA Atlantique. « On s'attend à des sorties en accordéon, avec des arrivées massives et des sorties massives » et le calme plat entre elles.

Myriam Guillemaud Silenko

 

Port

Shipping

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15