Quel est le véritable impact des frais de détention et de surestaries sur les chargeurs ? La question est régulièrement posée sans trouver de réponses prêtes-à-l’emploi ou du moins variables selon les contextes. Ils seront toujours trop élevés pour ceux qui doivent s'en acquitter mais mieux tolérés quand les entreprises gagnent parallèlement de l’argent.
Qu’en advient-il dans le contexte actuel de dépression de la demande de conteneurs à l'échelle mondiale mais d'inflation de l'offre ? La situation a été analysée à l’occasion d’une rencontre (en visioconférence) où sont intervenus des représentants de Drewry, S&P Global et ContainerxChange.
Les frais de surestaries et de détention moyens s'inscrivent à ce stade de l’année en retrait de 25 % par rapport à la même période de l’an dernier et de 14 % par rapport à 2020, selon le rapport annuel de ContainerxChange.
Cependant, dans 11 ports, ils restent encore supérieurs à ceux observés durant l'année prépandémique. Anvers, Jebel Ali, Ningbo, Port Kelang, Rotterdam, Shenzen, Singapour, Tianjin, Xiamen, Hong Kong et Guangzhou résistent à la désinflation.
Fardeau financier
« De multiples facteurs contribuent à l'incapacité de ces ports à revenir à la normale. L'augmentation significative des prix de l'énergie, associée à la hausse des coûts de la main-d'œuvre et à l'escalade des dépenses foncières et des frais portuaires, a joué un rôle », énumère Chantal McRoberts, consultante pour la société britannique Drewry.
« En outre, la mise en œuvre de nouvelles réglementations, notamment celles relatives à la transition énergétique dans les ports de l'UE, a alourdi le fardeau financier. L'introduction de règles exigeant le dédouanement individuel des cargaisons, qui ne sont plus regroupées sous un seul connaissement, s'est avérée chronophage, comme on l'a vu dans le cas de Rotterdam », ajoute-t-elle.
Christian Roeloffs, cofondateur et PDG de Xeneta, est manifestement empreint d’une grande foi dans le marché. Pourtant, les taux de fret ne semblent pas encore avoir touché le fond. Chaque jour qui passe, la probabilité d'une reprise rapide de la demande s'amenuit. Le calendrier glisse de plus en plus. Alors que les transporteurs misaient sur une reprise en fin d’année, ils ne l’attendent désormais plus avant le Nouvel an lunaire.
« Nos clients s'attendent à une saison de pointe importante avec une augmentation substantielle des volumes et des prix, ainsi qu'à un risque de congestion et de frais associés », soutient néanmoins le PDG de Xeneta, dont l’indice fret est établi à partir des taux de fret communiqués par les principaux chargeurs (plus de 280 millions de taux contractuels de fret aérien et maritime couvrant quelque 160 000 routes).
Quand le compteur commence à tourner ?
Pour l’expert, une surveillance accrue est un facteur clé pour prévenir les frais d'immobilisation, « en avertissant votre agent ou le transporteur routier au moindre problème détecté, par exemple si un conteneur est oublié au terminal ».
Solution à portée de tous mais efficace ? « Idéalement, les surestaries et la détention devraient être régis dans le cadre d’un marché libre. Le nombre de jours libres et les frais devraient être négociables entre les parties et les transporteurs. Toutefois, ce qu'il faut peut-être réglementer, c'est la transparence sur le compteur, le moment où les frais commencent à être facturés, insiste-t-il.
Charge de la preuve
La demande d’un horodatage clair et la charge de la preuve en cas de congestion, lorsqu'un conteneur ne peut pas être enlevé, font partie des demandes des chargeurs depuis plusieurs années.
Ce dernier point a été en partie clarifié outre-Atlantique dans le cadre de la réforme sur la législation du transport maritime, plus favorable aux chargeurs en ayant inversé la charge de la preuve et en facilité leurs démarches devant les juridictions pour abus. Ce seul fait a engendré le dépôt de quelque 200 plaintes, indiquait la Federal maritime commission (FMC), l’autorité de régulation du transport maritime, dans son dernier relevé fin janvier.
700 000 $ remboursés
La Commission estime à 700 000 $ le total dû par les transporteurs à leurs clients depuis juin.
En avril 2023, avant même la décision officielle de la FMC, Maersk, MSC, HMM et Hapag-Lloyd ont envisagé de renoncer aux suppléments D&D les week-end et les jours fériés lorsque les terminaux sont fermés. De même, le port de Houston a cessé de facturer des frais de stockage des conteneurs d'importation lorsque les portes du terminal étaient fermées, mais a augmenté de 32 % les tarifs journaliers dans des « positions spécifiques » à partir du 1er mai.
Les régulateurs américains n'en ont pas terminé avec ces pratiques. « Avant la pandémie, les compagnies maritimes donnaient la priorité à la génération de revenus en fonction du poids de la cargaison et de la disponibilité de l'équipement lorsqu'elles devaient arbitrer l’occupation des sites. La FMC est attendue sur ce point d'autant plus qu'une part importante des exportations américaines entre dans les catégories des cargaisons à faible revenu et volumineuses », indique le rapport annuel de Drewry.
2008 $ par conteneur et par jour
Pour autant, les ports américains se classent toujours au premier rang pour les frais D&D et ceux d'Amérique du Nord restent les plus chers au monde. New York, Oakland et Los Angeles occupent les trois premières places dans cette liste de ports coûteux.
Mais la moyenne des frais a néanmoins diminué de 25 % (2008 $ par conteneur et par jour contre 2 692 $ en 2022). Dans le classement, Los Angeles et Long Beach sont dépassés par un voisin, Oakland. Le port, qui a fait office de refuge à la congestion des deux premières portes d'entrée américaines, a pu remplir les caisses.
Adeline Descamps