Marseille Fos : l’opérateur du terminal minéralier placé en redressement judiciaire

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En procédure de sauvegarde depuis juin, Carfos, filiale française du manutentionnaire belge Sea-Invest, a été placée en redressement judiciaire. La société, qui exploite le terminal minéralier du port de Marseille Fos, est emblématique des effets collatéraux induits par les mutations portuaires en cours.

Après avoir été placée en procédure de sauvegarde en juin par le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, Carfos, la filiale du groupe belge Sea-invest qui exploite le terminal minéralier de Fos-sur-Mer (TMF) est passé en redressement judiciaire. La société a encaissé plusieurs exercices d'exploitation en perte, ayant ainsi accumulé plus de 10 M€ de dette pour un fonds de roulement de 2,5 M€ et un chiffre d’affaires de 26,2 M€. Mais elle ne présente pas un état de cessation de paiement à ce stade. Sa situation doit être abordée au cours d'une réunion programmée le 16 décembre avec toutes les parties prenantes, à savoir la direction de Carfos, autorité portuaire de Marseille Fos, le syndicat des dockers et les administrations de l’État.

Premières victimes des transitions portuaires

Les changements de process industriels découlant de la transition énergétique en cours, qui condamnent des trafics structurants de ciment, de sable, de minerai de fer, de charbon…, devraient se traduire par d’autres flux. Avec le développement des combustibles renouvelables et les filières de revalorisation des déchets sont attendus des volumes de biomasse, de ferraille recyclée ou coproduits. Mais ces relais de croissance tardent à se concrétiser, freinés par des contraintes réglementaires ou des problématiques d'investissement.

En attendant, les vracs solides, aux flux qui fleurent bon l’industrie d’un autre temps, trinquent dans tous les ports après avoir servi de rentes pendant des décennies. Et les opérateurs des terminaux aussi. En quelques années, Carfos a ainsi perdu le charbon pour la centrale GazelEnergie de Gardanne et la bauxite pour Alteo. « On nous avait promis des compensations aux 700 000 tonnes de charbon déchargées sur le port de Fos en Darse 1, il n’en a rien été, détaillait un communiqué des dockers et employés portuaires du Golfe de Fos publié en septembre dernier alors qu'ils redoutaient de voir liquider Carfos (le terminal multivrac de Caronte, le deuxième opéré localement par Sea-Invest, n’est pas concerné par les difficultés du TMF). « Pire, le trafic de l’alumine, en remplacement de la bauxite, n’est pas traité sur les bassins Ouest, faute d’installation pour accueillir cette nouvelle activité [l'alumine entre par le terminal Med Europe dans les bassins Est dans l'attente d'un nouveau bâtiment de 12 000 m2 en construction à l'Ouest, NDLR]. La situation d’ArcelorMittal a fait perdre aux salariés de Somarsid plus de la moitié de leurs journées de travail avec la baisse de 50 % des imports de minerais et les exports de coils », déplorait le texte à l'intitulé exprimant un fort ressentiment : « Non à la transition écologique punitive ». 

Des volumes définitivement condamnés

Au lendemain de la reprise du site d'Alteo de Gardanne à la barre du tribunal de commerce de Marseille en 2021, le groupe familial United Mining Supply International, son nouvel actionnaire, a décidé de substituer la bauxite importée par de l’hydrate d’alumine en provenance d’Europe et d’Amérique du Sud. De façon provisoire, le nouveau propriétaire s’est positionné sur les bassins Est du port, en centre-ville, où se trouvait le seul hangar disponible pour stocker la poudre blanche hyper volatile, le temps de construire à Fos un entrepôt de 10 000 m2. Il pourra alors recevoir des navires avec des chargements de 50 000 t une fois mis en service en 2025. La société sera amodiataire de Carfos sur 2 des 65 ha du terminal minéralier.

L'emploi de biomasse à la centrale de Gardanne de GazelEnergie ne sera pas non plus de nature à pallier les 700 000 t du charbon condamné. En attendant, la centrale est à l’arrêt même si sa reprise est annoncée.

À ses plus belles heures, ArcelorMittal, client poids-lourd du port avec 60 à 65 % du trafic global des vracs solides, importait 9 Mt de minerai de fer et de charbon pour produire près de 5 Mt d’acier. La substitution par des ferrailles se matérialisera par un trafic maritime d’à peine 1 Mt. Les effets collatéraux se sont déjà manifestés dont témoigne la restructuration de Somarsid, le manutentionnaire du sidérurgiste. En attendant, chez ArcelorMittal Méditerranée, c’est la baisse de régime pour un certain temps.

Des mouvements pas neutres pour les trafics portuaires

L’an dernier, Marseille Fos a accusé réception d’un trafic de vracs solides en chute de 24 %, à 8,7 Mt. Avec 5,8 Mt échangés, les entrées de matières premières d’ArcelorMittal ont touché leur point bas (- 22 % par rapport à 2022, soit - 1,7 Mt), payant chèrement la mise à l’arrêt du haut fourneau n°1 alors que la demande européenne d’acier s’est émoussée.

Dans ce contexte, les attentes sont fortes quant aux investissements portés par le groupe allemand Knauf, un des géants mondiaux de l'extraction de gypse (42 500 collaborateurs, 320 usines, 15,6 Md€ de CA), qui a repris la main en 2020 sur un projet d'usine de plaques de plâtre à Fos-sur-Mer, annoncé initialement par la société suisse Building Material Group (passée dans le giron de l’Allemand). À plein régime, le site, installée bord à quai sur le môle central, devrait importer 300 000 t de gypse depuis ses sites en Espagne et au Maroc, visant une production annuelle de 30 millions de m2 de plaques. Résultant d’un investissement de 80 M€, le site de Fos-sur-Mer a été inauguré en octobre après deux ans et demi de construction.

Adeline Descamps

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