Marseille : du renouvellement dans la gouvernance portuaire et maritime

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Marseille envoie des signaux de renouvellement en périphérie de son port. Il n’est pas vraiment question de changement d’aiguillage mais pas non plus d’un fait anodin dans la mesure où les personnes sur le départ – Jean-Emmanuel Sauvée (Ponant), Marc Reverchon (La Méridionale) et Marie-Hélène Pasquier (UMF) – ont exercé des mandats « incarnant ».

Changement d’ère à Marseille où trois personnalités sur le point de partir (ou parties) – Jean-Emmanuel Sauvée (Ponant, plus d’infos ici), Marc Reverchon (La Méridionale) et Marie-Hélène Pasquier (UMF) – ont écrit des tranches d’histoires de l’entreprise ou de l’institution qu’elles représentent, pour certaines convulsives et éruptives. 

Le passage est planifié de longue date et se fait dans le confort et la douceur pour deux d’entre eux en suivant la trajectoire définie à l’heure où il a fallu évoquer le moment de partir.  À partir du 1er juillet, Marc Reverchon occupera les fonctions de président (plus d’infos iciaprès avoir passé plus de vingt-cinq ans à La Méridionale, la compagnie qui « assure les liaisons maritimes entre la Corse et Marseille depuis 1937, et le service public de continuité territoriale depuis quarante-cinq ans », rappelle le communiqué d’annonce.  

Marc Reverchon 

En tant que président, Marc Reverchon représentera La Méridionale dans des instances officielles (Port de Marseille, Armateurs de France...) et pilotera les projets envrironnementaux. (©NBC)

Entré en 1996 à la Méridionale en qualité de directeur général adjoint, membre du comité exécutif du groupe de logistique STEF-TFE (actionnaire de l’armateur marseillais depuis 2009), il est encore pour quelques mois vice-président et directeur général de la compagnie maritime. Selon un process de transition rodé dans l’entreprise, l’actuel DG délégué depuis quatre ans, Benoît Dehaye (plus d’infos ici), prendra la barre de l’entreprise dont il a déjà dû gérer quelques épisodes compliqués en lien avec cette enfant terrible qu’est la desserte maritime corse. 

L’ex-président de la CCI Marseille Provence, Jacques Pfister, qui avait le goût du détournement des phrases culte des dirigeants politiques, disait de Marc Reverchon qu’il avait recruté dans son équipe : « c’est le meilleur d’entre nous », en référence à son profil capé ayant fréquenté les écoles d’excellence dont il est diplômé (Polytechnique et Ponts et Chaussées). Il lui avait confié toutes les problématiques liées au transport, à la logistique et à la mer dont il est un redoutable connaisseur, ne trahissant pas en cela la réputation des grands corps de l’État. 

Le X-ponts 78, qui a incarné son entreprise au point de se confondre avec elle, a aussi été un des hommes forts du Grand Port maritime de Marseille où il a assuré la direction du développement de 1989 à 1995 du PAM puis l’intérim à la direction générale. Il en présidera ensuite le Conseil de développement pendant près de dix ans à partir de la réforme portuaire jusqu’à la période où Christine Cabau-Woehrel a dirigé le port (aujourd’hui responsable des actifs du groupe CMA CGM, elle rejoint le conseil d’administration de la Méridionale en tant que personne qualifiée, plus d’infos ici). Il exerça aussi la présidence de l’Union maritime et fluviale (UMF) de Marseille-Fos de 2001 à 2009. 

Au temps où la SNCM...

À la tête de La Méridionale, Marc Reverchon aura géré par ricochet les grandes heures agitées de la DSP (délégation de service public) corse et les derniers soubresauts de la SNCM, sa partenaire historique dans la DSP avant son dépôt de bilan sous cette identité en 2016. Le tout en lien avec un arrière-plan politique digne des meilleures séries Netflix. C’était le temps où la SNCM était sous un actionnariat partagé entre Transdev – alors filiale transports de Veolia (Antoine Frérot) et de la Caisse des dépôts (période Augustin de Romanet, Jean-Pierre Jouyet, futur secrétaire général de l’Élysée sous François Hollande, en remplacement de Pierre-René Lemas avec lequel il troquera la présidence CDC) – et l’État (gouvernement Ayrault notamment).

La délégataire inamovible de la DSP était alors aux prises avec des démêlées juridiques (nombreux contentieux avec Corsica Ferries) et sommée par l’UE de rembourser des trop-perçus au titre de la DSP alors que son actionnaire principal avait manifesté sa volonté de quitter le navire.

Affaires politiques 

Déjà à l’époque, les mêmes questions se posaient : la SNCM (à laquelle était liée le sort de La Méridionale) sera-t-elle retenue par la future DSP ? Si oui, le sera-t-elle dans le périmètre actuel sachant que l'Office des Transports Corses n'a plus les moyens de la financer ? etc.

À un moment, pour remplacer Veolia-Transdev dans le capital de la SNCM, il s’est même dit que le groupe Stef-TFE était intéressé et dans le même temps, les élus politiques locaux s’agitaient. Le président de gauche du Conseil général, Jean-Noël Guérini, s'était dit prêt à participer au capital de la SNCM et le sénateur-maire de droite de Marseille, Jean-Claude Gaudin, à ce que la Ville entre au Conseil de surveillance en tant qu’administrateur indépendant, comme la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie l'y autorisait.  

Marc Reverchon aura navigué dans ces eaux agitées, fidèle à sa réputation de dirigeant impavide et impassible.

Marie-Hélène Pasquier

Léa Poriquet-Ventura (à gauche) et Marie-Hélène Pasquier. Passage de témoin le 3 mai.

À l’UMF se prépare un autre passage de témoin. Marie-Hélène Pasquier, qui porte l’Union Maritime et Fluviale Marseille-Fos (UMF) depuis janvier 1996 après avoir piloté le Syndicat des transitaires de Marseille (STM), s’effacera à compter du 3 mai pour faire place à Léa Loriquet-Ventura. 

« J’ai démarré ma carrière en 1981 à la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille (CCIMP) comme responsable du Centre supérieur des transports internationaux (Bac + 5), dont je suis diplômée et que j'ai fait évoluer vers une spécialisation en logistique internationale. La fusion entre le STM et l’UMF m’a donné la chance de prendre la tête de cette structure renforcée », résume-t-elle aujourd’hui. 

Comme partout en France, les UMF, qui fédèrent la vaste communauté des métiers portuaires et maritimes, sont des instances particulièrement attentives aux affaires des ports. De la réputation et attractivité de ces derniers dépendent directement leurs conditions d’exercice de leurs métiers et d’exploitation de leur activité. Parfois, elles jouent aussi le rôle de poil à gratter. L’UMF à Marseille exerce volontiers ce rôle quand il le faut pour peser sur les chantiers stratégiques et les grandes décisions d’infrastructures. Elle en a fait montre à plusieurs reprises.

La contribution au Grand projet stratégique de l'UMF Marseille Fos 

Lobbying d’influence 

Parmi ses faits d’armes, elle s’attribue « deux ou trois choses » mais a pourtant imprimé un mouvement qui a contribué à la restauration des fondamentaux d’un port phocéen à la respectabilité défaite par des années d’instabilité sociale. Avec son obsession de « l’objectif client » (ou plus précisément de faire revenir le client), son marketing actif et sans compter ses miles, elle a sillonné l’Europe et les salons pour évangéliser le marché sur les atouts de la place portuaire Marseille-Fos. Une mission assignée à l’association créée à cet effet Via Marseille Fos dont elle revendique la paternité du nom.  

En matière d’influence, il faut reconnaître que l’UMF sait plutôt bien faire. Elle est en grande partie responsable – grâce à un lobbying déployé auprès des instances européennes – de l’inscription de Marseille dans le corridor RTE-T Mer du Nord/Méditerranée qui a permis une liaison ferroviaire directe entre Marseille-Fos et la Suisse romande. Les parts de marché que Marseille peut conquérir se situent précisément sur l’axe rhodanien, sur le trafic depuis et vers Anvers et Rotterdam. 

En partenariat avec Haropa – Port du Havre et l’opérateur de transport combiné Naviland Cargo (filiale de SNCF Logistics), une navette ferroviaire a ainsi été mise en service il y a deux ans vers la Suisse Romande (terminal de Chavornay) avec une consolidation des flux en région Franche Comté/Bourgogne (terminal de Dijon-Gevrey en Bourgogne).

Pour offrir la possibilité de transférer les marchandises sur les trains depuis Valence, Barcelone ou Marseille, l’un des deux principaux chantiers à réaliser demeure le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise par le sud (CFAL), un autre dossier sur lequel s’acharne l’interprofession depuis des années.  

Quand les destins fluviaux de Marseille-Fos et du Havre sont liés ...

Positionner Marseille comme « hub de la transition écologique au niveau européen »

Léa Loriquet-Ventura, qui prendra officiellement le relais le 4 mai, connaît tout ces dossiers. Au sein du cabinet Arcturus où elle a travaillé trois ans (octobre 2017- février 2021), elle a accompagné l’organisation sur certains sujets. « Léa Loriquet-Ventura a été recrutée à l’issue d’une processus pointu et précis », indique Jean-Claude Sarremejeanne, l’actuel président de l’UMF. 

Juriste de formation (cursus universitaire en droit, à l’Université Paris II, Master 2 en Droit et contentieux de l’UE, Master spécialisé en Droit et Management International d’HEC Paris), la nouvelle « déléguée générale » de l’UMF (et non plus « secrétaire général ») a travaillé à la fois dans le privé et le public (Secrétariat général des affaires européennes ; département concurrence et affaires publiques du cabinet d’avocats Kramer Levin Naftalis & Frankel ; consultante chez Arcturus en charge du du monde maritime et du transport multimodal). 

Depuis février, elle a rejoint l’organisation professionnelle et entend « réarmer l’UMF » sur certains sujets, à commencer par la formation et l’emploi. « Nous devons devenir un acteur incontournable de l’emploi maritime sur la place, jouer un rôle fondamental sur ce sujet ». À l’étude, la mise en place d’une plateforme numérique qui répertoriera l’ensemble des besoins et des offres ainsi que l’organisation d’événements dédiés.  

Elle met aussi le cap sur la transition écologique. L’UMF a déjà déposé auprès de l’INPI (Institut national de la propriété intellectuelle) la marque Greenterland® (contraction de « green » et d’« hinterland »). « On est en train d’élaborer un livre blanc pour positionner Marseille comme hub de la transition écologique au niveau européen ».  

Dernier chantier prioritaire auquel elle veut s’atteler : la communication interne vers les adhérents avec la mise en œuvre d’outils à leur disposition et vers l’extérieur (milieux politiques et institutionnels). De façon à reste un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics.

Hervé Gastinel (Ponant), Benoît Dehaye (La Méridionale), Léa Loriquet (UMF) ouvrent donc un nouveau chapitre. La continuité dans le changement, comme il se dit toujours dans ces circonstances.   

Adeline Descamps

 

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