François Pinault aurait trouvé son nouveau capitaine pour diriger la compagnie de croisière de luxe dont il est actionnaire majoritaire depuis 2015. Une information confirmée par plusieurs sources mais démentie par Jean-Emmanuel Sauvée, le cofondateur de l’entreprise qui a quitté la direction générale de la société marseillaise en octobre pour prendre la présidence du conseil de surveillance.
Artémis, la holding de la famille Pinault, aurait trouvé son nouveau capitaine pour barrer la Compagnie du Ponant en la personne de Hervé Gastinel (Ena, Essec, IEP-Paris, Paris-I), ancien patron de Terreal (2000-2015) et du constructeur de yachts et voiliers Beneteau (2015-2019). Il devrait prendre la direction générale de la compagnie française de croisières de luxe et succéder ainsi à Jean-Emmanuel Sauvée, président et cofondateur de la société qui a vu le jour en 1988 à Marseille créée par une dizaine d'officiers de la marine marchande.
L’information, qui devrait être officialisée mi-mars à l’arrivée du nouveau dirigeant, est démentie par Jean-Emmanuel Sauvée mais d’après nos sources, le profil retenu est bien celui de ce dirigeant connaisseur de la chose maritime. Investisseur au sein de la société One Sea Investment, Hervé Gastinel intervient depuis octobre 2020 comme consultant associé d’EIM, société de conseil spécialisée dans le management de transition. Son dirigeant Thierry Tomasov a confirmé pour sa part qu’Hervé Gastinel prenait le large.
Ponant : Jean-Emmanuel Sauvée quitte la salle des machines
Moment choisi déroutant
Depuis octobre, un directoire élargi composé des membres du comité exécutif et de représentants d’Artémis, assure la transition à la barre de la compagnie. L’annonce par François Pinault, président du fonds Artémis, du départ de Jean-Emmanuel Sauvée de la salle des machines, avait saisi à la fois en interne et dans l’environnement maritime. Même s’il avait été convenu dès la prise de contrôle par Artémis en 2015, qu’il lâcherait l’opérationnel pour se substituer à François Pinault à la présidence du conseil de surveillance.
C’est le moment choisi pour le faire qui avait dérouté alors que les opérateurs de la croisière, confinés depuis près d’un an, sont relégués au rang d’observateurs impuissants d’une épidémie qui n’en finit plus.
« Ponant se bat aujourd’hui pour sa survie. Dans ce contexte inédit, Artémis a décidé de jouer pleinement son rôle d’actionnaire en renforçant son soutien financier de manière significative au cours des prochains mois pour passer ce cap difficile et aborder sereinement la sortie de crise », avait expliqué François Pinault dans un courrier adressé aux salariés de Ponant pour justifier sa décision le 2 octobre. L’information avait fini par sortir des murs de l’entreprise et être éventée dans la presse.
Un « 3e homme » externe à l'entreprise
Dès cette annonce, le recrutement d’un « 3e homme », externe à l'une des deux entreprises, avait été enclenché. Il avait alors été convenu que la nouvelle recrue serait copilotée, pour le passage de relais, par Jean-Emmanuel Sauvée, par ailleurs président d’Armateurs de France depuis avril 2020 pour deux ans.
Énarque, diplômé de sciences politiques, Hervé Gastinel a exercé plusieurs missions au sein de l’Inspection générale des finances (1993-1997) avant de passer au privé. Il a été directeur de la stratégie de Saint-Gobain, accompagnant la cession de la filiale du groupe français à des fonds d’investissement, avant de fonder et diriger Terreal (fabricant européen de tuiles cuites et de briques) dans les années 2000. Il assurera ensuite la direction générale du groupe vendéen de la plaisance. Sous sa direction, le groupe nautique aura procédé à quelques opérations de croissance externe en Europe de l’Est, pris position sur le marché des boat-clubs (nouveau concept de location de bateaux) et accéléré le numérique.
Timing stratégique
Le nouveau dirigeant hérite de la barre à un moment stratégique pour la société. Outre le contexte très dur pour le jeune secteur de la croisière que le Covid a fauché en pleine croissance, le seul croisiériste de luxe naviguant sous pavillon français arrive au bout d’un programme d’expansion de sa flotte.
Depuis 2019, Ponant étoffe sa flotte suivant un tempo très cadencé. De trois navires en 2013, elle en aura douze cette année, dont six unités dans la gamme « racée » des Explorers, des yachts d’expédition de 131 m de long et de 92 cabines dont les deux dernières unités ont été livrées récemment. De son programme de renouvellement de flotte, il ne reste plus à livrer que le Commandant Charcot, brise-glace de croisière d’un genre très particulier de 150 m avec 135 cabines, bénéficiant d'une motorisation hybride avec la plus grande autonomie possible à ce jour sur batteries électriques et consommant exclusivement du GNL.
Vague scélérate
Ponant et Vard, filiale norvégienne de Fincantieri et chantier de prédilection de Ponant, ont signé pour deux yachts d'expédition supplémentaires de 230 passagers, dont la livraison avait été fixée en 2022 à une époque « antécovidienne ». Inspirés de la gamme Explorers, les navires équipés de batteries sont destinés à être exploités dans les zones du Pacifique Sud pour la marque Paul Gauguin Cruises, compagnie acquise en août 2019 par Ponant, portant ainsi à trois le nombre de navires de la marque.
Une belle vague scélérate à gérer pour le nouvel arrivant à la tête de cette compagnie que l’actionnaire aime présenter comme l’une des rares compagnies s’inscrivant encore dans « la grande tradition française de la navigation maritime » et pour laquelle il aurait déboursé 400 M€.
Information exclusive de Nathalie Bureau du Colombier - Adeline Descamps