Comme nous l’avions annoncé la semaine dernière, François Pinault, le fondateur de gérant d’Artemis, propriétaire de la compagnie de croisière Ponant, a confirmé l’arrivée d’Hervé Gastinel (53 ans) à la tête de la société basée à Marseille. François Pinault conserve finalement la main sur le conseil de surveillance de Ponant.
Comme nous l’avions annoncé dans notre édition quotidienne du 5 mars, la compagnie Ponant a confirmé l’arrivée d’Hervé Gastinel, à compter du 29 mars prochain, à la barre de la société marseillaise, que Artémis, la holding de la famille Pinault, avait acquise en 2015 pour renforcer son portefeuille d'investissement dans le luxe. Pour les oublieux, Artémis contrôle notamment le groupe Kering (anciennement Pinault-Printemps-La Redoute), la maison de vente aux enchères Christie's et les vignobles de Château-Grillet et de Château Latour.
Avec « ce joyau de la navigation maritime française », François Pinault faisait ainsi son entrée dans le cercle fermé des armateurs, « chaperonné » par son fondateur historique au parcours de navigant, Jean-Emmanuel Sauvée, alors pérennisé dans sa fonction. L’ex-officier sur les navires de Brittany Ferries, Bourbon et CMA CGM avait créé en 1988, aux côtés d’autres officiers, cette compagnie de croisière hissant le drapeau tricolore, dans la pure tradition de la marine marchande et avec les codes du raffinement français pour des destinations « sur les traces des grands explorateurs » avec des petits navires à la sobriété énergétique.
François Pinault organise « la suite » chez Ponant
François Pinault garde la présidence du conseil de surveillance
« Ponant ouvre ainsi un deuxième chapitre de son développement. Au cours des cinq dernières années, la compagnie a significativement changé d’échelle en doublant sa flotte », indique le communiqué envoyé ce 8 mars aux rédactions. En effet, de trois navires en 2013, Ponant en comptera bientôt 13, dont les six yachts d’expédition de la gamme Explorer et le très inattendu brise-glace de croisière, le Commandant Charcot, à la motorisation électrique et GNL, qui « sera livré dans quelques mois ».
« Hervé Gastinel est un véritable passionné de navigation qui dispose de toutes les compétences pour transformer cette belle entreprise et pour faciliter la reprise de l’activité. Après une année difficile, les prochains mois seront déterminants pour accélérer le développement de Ponant au cours des exercices à venir », commente François Pinault dans le communiqué. Le président du conseil de surveillance de Ponant salue dans le même temps « le créateur visionnaire qu’est Jean Emmanuel Sauvée » dont on comprend qu’il n’y aura plus de place pour lui au sein de l’entreprise.
Il était prévu, il y a quelques mois encore, que Jean-Emmanuel Sauvée, lâchant l’opérationnel, prendrait place à la tête de l’instance de gouvernance décidant de la stratégie. François Pinault gardera donc, pour un temps encore, la main sur le conseil de surveillance. Le fondateur de Ponant reste, lui, président d’Armateurs de France, mandat qu’il exerce depuis avril 2020 et pour deux ans. Rien n’y contrevient dans les statuts de l’organisation professionnelle.
Ponant : Jean-Emmanuel Sauvée quitte la salle des machines
Ena, Sciences Po, Dauphine
« Élevé près de l’eau par une mère bretonne, professeur de philosophie, et un père méditerranéen, ingénieur dans la construction navale, Hervé Gastinel est un authentique passionné de la mer et des bateaux. Ancien élève-officier chef de quart, propriétaire d’un voilier bien connu des circuits de régate et navigateur hauturier confirmé, il a dirigé de 2015 à 2019 le groupe Beneteau, leader mondial des bateaux de plaisance, qu’il a porté de 970 M€ à plus de 1,3 milliard de chiffre d’affaires », est-il présenté dans le communiqué.
Énarque, diplômé de sciences politiques (gestion publique), de l’ESSEC, de finance à Dauphine, le nouveau dirigeant a exercé plusieurs missions au sein de l’Inspection générale des finances (1993-1997), puis auprès du président du Sénat, chargé de l’économie, des finances et des nouvelles technologies, avant de passer au privé.
Il a été directeur de la stratégie de Saint-Gobain (trois ans), puis a fondé et dirigé Terreal (15 ans, entre 2000 et 2015), le fabricant européen de tuiles cuites et briques, en fusionnant plusieurs sociétés au sein du groupe Saint-Gobain. Il en orientera le développement à l’international, notamment en Espagne, en Italie, aux États-Unis et en Asie, avant d’en être évincé dans des conditions que le Comité central d'entreprise avait présentées comme « sidérantes du point de vue industriel ».
Hervé Gastinel pilotera ensuite (quatre ans, entre 2015 et 2019) le constructeur de yachts et voiliers Beneteau. Depuis octobre dernier, investisseur au sein de la société One Sea Investment, il intervenait comme consultant associé d’EIM, société de conseil spécialisée dans le management de transition, dont il reste par ailleurs senior advisor.
Loïck Peyron et Nicolas Hénard en témoins
Étonnamment, le communiqué intègre quelques témoignages de notoriétés du monde de la mer : « Il est passionné par la mer et les marins mais aussi par l’innovation et le développement durable, deux enjeux essentiels pour le transport maritime de demain », dit à juste titre Loïck Peyron. Tous les navires de Ponant sont « clean ship » (recyclage, traitement innovant des eaux usées et des déchets afin de limiter les rejets en mer, système de détection des hauts fonds par sonar, réduction d’émissions de gaz, politique d’achats durables, éclairage LED, etc.) et depuis janvier 2019, un an donc avant la mise en œuvre de la réglementation OMI sur la teneur en soufre des carburants marins, toute la flotte « carbure » avec un carburant à 0,1 % maximum de soufre.
« La caisse à outils de l’ENA avec le pragmatisme du skippeur », résume pour sa part le président de la Fédération Française de Voile Nicolas Hénard. Le principal intéressé a lui hâte de « contribuer à la relance et au développement international de Ponant, dans un secteur en pleine transformation ». Le nouveau président arrive en effet à un moment où il faut barrer stratégiquement et négocier cette paradoxale épreuve qu’est la crise de croissance.
Adeline Descamps