La situation s’envenime rapidement le long de la côte ouest-américaine depuis que les négociations contractuelles sont bloquées entre l’International Longshore and Warehouse Union (ILWU), qui représente les intérêts de plus de 22 000 travailleurs dans les ports de la côte ouest-américaine, et la Pacific Maritime Association (PMA), dont sont membres 70 transporteurs opérant aux États-Unis.
Les pourparlers en vigueur depuis plus d’un an – la convention collective a expiré depuis le 1er juillet 2022 –, sont dans la dernière ligne droite mais ont achoppé sur les questions salariales.
En avril, un compromis avait été trouvé sur les avantages sociaux et l'automatisation. Par voie de presse, la PMA fait savoir aujourd'hui qu’elle ne pouvait accéder aux dernières demandes (augmentation des salaires) portées par le syndicat des dockers « alors que les employés à temps plein gagnent en moyenne 200 000 $ par an ».
Débrayages ciblés
Depuis le 2 juin, les dockers syndiqués opèrent des actions ciblées sur certaines opérations (arrimage des conteneurs) ou ne se présentent pas aux terminaux.
Les employeurs affirment que l'ILWU « n'a pas pourvu 260 des 900 emplois dans les ports de Los Angeles et de Long Beach le 7 juin ». Les débrayages dans les deux principales portes d’entrée américaine n'ont toutefois concerné que certains terminaux. En revanche, Oakland a suspendu toutes ses opérations, contraignant le port à la fermeture.
Des mouvements annonciateurs de futures perturbations s’observent déjà. À Los Angeles, le MSC Jeongmin, tracé par MarineTraffic, a quitté le port d'Oakland le 31 mai, a patienté au large de Los Angeles pendant une journée avant que son traitement à quai soit reprogrammé plus tard dans la journée. Les CMA CGN Lyra est à quai depuis le 31 mai tandis que le CMA CGM Amerigo Vespucci (13 000 EVP) est finalement arrivé à Oakland après un voyage de 3 jours et 22 heures en provenance de Los Angeles où il était depuis le 1er juin.
52 navires en direction de Long Beach et Los Angeles
À Los Angeles et Long Beach, jusqu'à 28 navires doivent arriver cette semaine. « Nous avons 52 navires en route depuis l'Asie vers Los Angeles et Long Beach, avec une capacité totale de 470 000 EVP », a précisé Gene Seroka, directeur général du port de Los Angeles, à l'occasion d'une réunion du conseil d'administration qui s’est tenue la semaine dernière.
Seattle, dans l'État de Washington, a suspendu ses opérations de conteneurs depuis le 9 juin, selon un communiqué de la PMA qui fait état d’interruptions de travail et de ralentissements ciblés plusieurs jours de suite si bien que les dockers ont été renvoyés par la direction du port en raison d'une « faible productivité ».
Les opérateurs d’un terminal peuvent « licencier » des employés pour un quart de travail sans que cela ne les empêchent de revenir le jour suivant.
Selon les systèmes d’authentification des navires, six porte-conteneurs sont actuellement à l'ancre près du port et cinq, dont des unités de MSC, Maersk et APL à quai.
Approche de la haute saison
En fin de semaine, La Chambre de commerce des États-Unis a rejoint la National Retail Federation (Fédération nationale du commerce de détail), et la National Association of Manufacturers (fabricants), dans leur demande auprès de l’administration portuaire d'un médiateur pour débloquer la situation. Tous s’inquiètent à l'approche de la haute saison alors qu'ils sont censés constituer les stocks en amont de la rentrée scolaire et des vacances, une période qui s'étend de juillet à octobre.
« Le président américain Joe Biden a encouragé les deux parties à poursuivre les négociations collectives », a déclaré un porte-parole de la Maison Blanche.
Le président Biden, de nouveau sollicité sur les quais
Le président Biden est connu pour ses charges virulentes contre les transporteurs. Les chargeurs ont en effet trouvé un allié de circonstance avec l’arrivée au pouvoir du président démocrate Joe Biden. À peine élu, Joe Biden s'est lancé dans une véritable traque aux positions dominantes dans tous les pans de l’économie américaine, estimant que le transport maritime « oligopolistique » entrait dans ce cadre.
Il s’en est suivi la réforme de l’Ocean Shipping, votée en juin 2022 qui permet désormais aux importateurs et exportateurs de requérir plus facilement contre les transporteurs, notamment à propos des frais de détention et des surestaries, tandis que la FMC a vu son budget doublé et ses moyens renforcés de façon à intervenir contre les pratiques commerciales jugées déloyales.
Si le médiateur ne parvient pas à trouver un accord entre les deux parties, le président Biden pourra invoquer une loi fédérale, la loi Taft-Hartley pour obliger les dockers à reprendre le cours de leurs activités.
Trafics confisqués par l'Est
Alors que les ports américains du Golfe et de la côte Est ont servi de refuges aux perturbations liées à la congestion l’an dernier, la situation risque d’encourager de nouveaux mouvements de transferts.
Los Angeles et Long Beach avaient pourtant récupéré une partie des volumes confisqués par les ports de l’Est selon les dernières données publiées par Descartes.
La comparaison entre les cinq premiers ports de la côte Ouest et ceux de la côte est et du Golfe en mai 2023 par rapport à avril 2023 indique ainsi que le volume total de conteneurs à l'importation a augmenté de 41,5 % à l'Ouest et diminué de 42,8 % côté Est
En mai, les conteneurs entrants aux États-Unis ont augmenté de 3,8 % par rapport à avril 2023 pour atteindre près de 2,1 MEVP selon Descartes. Ils sont en baisse de 20 % par rapport à mai 2022, année hors catégorie, et en hausse de de 0,5 % par rapport à mai 2019. La Chine a représenté 37,2 % des importations totales.
Succès des GRI
Les taux de fret de conteneurs de l'Asie de l'Est et de la Chine vers les deux côtes américaines ont commencé à réagir à l’enlisement de la situation suite à la mise en œuvre des augmentations générales de taux (GRI).
Selon Freightos, marché de fret, le succès des GRI pourrait être une réaction, à l'Ouest, à la reprise des conflits sociaux à l'Ouest et/ou, à l'Est, aux surtaxes pour les porte-conteneurs transitant par le canal de Panama, où des restrictions de tirant d'eau sont en vigueur en raison des faibles niveaux dus à la sécheresse.
Adeline Descamps