Christophe Cheyroux est le représentant d’Haropa en Grande Chine, où il dirige également l’entreprise Far East Consulting, société de conseil spécialisée dans la finance, fiscalité, fusions et acquisitions (M&A). Il revient sur les impacts de l’épidémie en Chine. Après la crise sanitaire et celle de la production s’annonce celle de la demande, explique-t-il.
Comment a été vécue la crise sanitaire en Chine ?
Christophe Cheyroux : Le pays avait déjà connu la crise du SRAS en 2003, encore bien présente dans les esprits. Elle avait provoqué un véritable choc, en particulier en Chine du sud et à Hong Kong. Les habitants ont donc déjà des notions de base sur les virus et leur transmission. Ils ont acquis des réflexes de protection quasi-naturels qui sont de nouveau utilisés pour cette nouvelle épidémie du COVID-19.
De quelle manière et dans quelle proportion le transport maritime chinois a-t-il été affecté par cette crise ?
C.C. : Même si le nombre de lignes est resté le même, il y a eu moins de rotations. Surtout les porte-conteneurs étaient moins chargés car l'acheminement était confronté à une double difficulté : les camions ne pouvaient pas atteindre les ports à cause des restrictions de transport entre les différentes provinces chinoises et parce que beaucoup de chauffeurs étaient en quarantaine et donc absents. Ces faits conjugués ont évidemment impacté à la baisse les volumes de trafic. Pour promouvoir le retour des services, les autorités portuaires ont réduit les droits de port.
Comment évaluez-vous le préjudice pour les ports chinois et plus largement pour son commerce extérieur ?
C.C. : Après la crise sanitaire en janvier et février et les mesures qui s'en sont suivies pour éviter la propagation de la maladie, la Chine a fait face à une crise de production du fait des usines fermées. Aujourd’hui, on considère que 70 % des usines sont rouvertes, mais elles ne fonctionnent pas encore au maximum de leurs capacités. Demain se profile une crise de la demande car les principaux marchés de destination, dont dépendent les usines chinoises, sont aujourd’hui en quarantaine. Les acteurs économiques attendent d'y voir plus clair.
La production industrielle a certes repris, mais les clients européens, par exemple, commencent à reporter à l’été la livraison des commandes en cours de production ou les annulent purement et simplement. Des commandes continuent d'être passées, même si les expéditions effectives dans quelques mois restent à confirmer, d'autres sont revues à la baisse. Tout est confus.
À quand estimez-vous un retour à la normale ?
C.C. : Un redémarrage se confirme dans les services et la production manufacturière. Mais ces secteurs ne sont pas à l’abri d’un regain du Covid-19 et devra faire face à une crise de la demande dont on ne connaît pas encore l’ampleur. Les commandes qui ne seront pas passées en avril à cause du ralentissement des économies européennes auront des répercussions dont les effets se feront sentir dans les statistiques du commerce extérieur en mai ou juin prochains.
Des signes sont d’ores et déjà tangibles. Ainsi, la foire de printemps de Canton a été décalée malgré le souhait du gouvernement de la maintenir et sans qu'une nouvelle date ait été annoncée. Cette foire, qui se déroule deux fois par an, est un des principaux baromètres de l'état de santé de l’économie chinoise parce qu'elle permet de comparer, année après année, les volumes de commandes. Sans ces données, et d’autres indicateurs comme les indices fournis par les directeurs d’achat (PMI) pour les prochains mois, il est difficile d’avoir une visibilité au delà de quelques semaines. Tous les acteurs économiques naviguent complètement à vue pour le moment tant que la troisième crise, celle de la demande aujourd'hui après les crises sanitaire et de production qui ont précédé, soit sous contrôle.
Y-aura t-il un avant et un après Covid 19 en Chine ?
C.C. : Chacun sait que la période qui s’annonce ne ressemblera pas à ce que nous connaissons, à nos habitudes en matière d’échanges commerciaux et à notre appréhension même de la mondialisation telle qu’elle s’est pratiquée ces 40 dernières années. Nul ne sait à quoi ressemblera la mondialisation 2.0 après le Covid-19.
Propos recueillis par Jacques Laurent