TotalEnergies rompt en 2024 avec les deux précédentes années hors-normes

Le groupe pétrolier et gazier français n'égalera pas en 2024 ses performances de 2022 et 2023 où ses bénéfices avoisinaient les quelque 20 Md$. TotalEnergies a présenté un résultat net en baisse de 26 %, à tout de même près de 16 Md$ dont près de 5 milliards pour le GNL. Coup de rabot sur les investissements dans les énergies renouvelables, a annoncé la major, qui n'échappera pas à la nouvelle taxe française sur les actions.  

Le contraste est saisissant avec les dernières années hors catégorie au cours desquelles les super majors pétrolières ont rempli les caisses. TotalEnergies, qui vient de présenter ses résultats financiers pour le quatrième trimestre et pour l’année 2024, a vu son bénéfice net en 2024 reculer de 26 %, tout de même à 15,8 Md$ « dans un environnement plus difficile, principalement affecté par une forte baisse des marges de raffinage, après deux années exceptionnelles », indique le communiqué du groupe pétrolier et gazier français. Il affiche néanmoins une rentabilité de 14,8 %, présentée comme l'une des meilleures de son secteur.

Les deux exercices 2022 et 2023 en question s’étaient soldés par un résultat net IFRS de 19,8 Md$ et de 19 Md$ respectivement, une parenthèse dorée ouverte avec la reprise post-covid et relayée par des imprévus, au premier rang desquels l’entrée en guerre de la Russie contre l'Ukraine. Avec à la clé, une perturbation des marchés pétroliers induite par la mise au ban du principal fournisseur européen de pétrole et de gaz. Les prix de l'énergie s’en sont trouvés ragaillardis et des marges de raffinage gonflées. Ce sont aujourd’hui des tarifs « moins favorables » et des marges « en fort repli » qui sont avancés pour justifier le recul des bénéfices du groupe de 4 Md$.

L’entreprise a terminé l’année avec un chiffre d’affaires (non audité) de 21,55 Md$ (contre 23,7 Md$) dans un contexte où le baril moyen du Brent s'est ancré autour des 80 $ (contre 82,6 % en 2023). La production d'hydrocarbures s'est élevée à 2 434 milliers de barils équivalent pétrole par jour en 2024, en hausse de 2 % par rapport à l'année précédente, portée notamment par le démarrage et/ou montée en puissance de ses actifs au Brésil (Mero-2 et Mero-3, ce dernier d’une capacité de 180 000 b/j, Mero-4 doit démarrer cette année), en Azerbaïdjan (Absheron), dans le sultanat d’Oman (Bloc 10), en Norvège (Tommeliten Alpha), au Nigeria (Akpo West), en Argentine (Fenix) et aux États-Unis (Anchor).

Le GNL, rattrapage de fin d'année

En dépit d’un contexte très déprimé pour les marchés du gaz, TotalEnergies a réalisé sur ce plan un quatrième trimestre de meilleure tenue que le précédent (résultat opérationnel net ajusté en hausse de 35 % par rapport au troisième trimestre, à 1,432 Md$) grâce à une croissance de la production de 6 %, à des prix moyens du gaz naturel liquéfie supérieurs à 10 $/Mbtu et à des ventes revenues au niveau du quatrième trimestre 2023. Bien qu'en baisse, les ventes ont augmenté de 14 % d'un trimestre à l'autre, portées par l'augmentation des volumes au comptant dans un contexte de reconstitution saisonnière des stocks.

Mais ce rattrapage de fin d’année n’a pas permis de compenser les exercices trimestriels précédents : sur l'ensemble de l'année 2024, le GNL a généré un résultat opérationnel net ajusté de 4,9 Md$, en baisse de 21 % par rapport à 2023. La baisse des prix de vente moyens et la faible volatilité du marché au cours des trois premiers trimestres ont affecté le négoce.

L’an dernier, le deuxième acteur mondial dans le GNL (sa capacité d'exportation devrait atteindre 15 Mt/an à l'horizon 2030) derrière Shell mais premier exportateur de GNL américain, a lancé plusieurs complexes (Marsa LNG en Oman, Ubeta au Nigeria), a renforcé son intégration amont gaz grâce à deux acquisitions d’actifs à faibles coûts outre-Atlantique et a finalisé l’achat de Sapura OMV en Malaisie.

Des contrats long-terme pour 6 Mb/j

L'énergéticien a parallèlement engrangé plusieurs nouveaux contrats de vente à moyen terme pour un total de 6 Mt/an en Asie, mais principalement indexés sur le Brent pour dérisquer l’exposition de son portefeuille aux prix spot. Un engagement de 2 Mt/an sur 15 ans (à livrer à partir de 2028) a notamment été pris par Sinopec.

TotalEnergies a par ailleurs commandé l'an dernier son quatrième souteur de GNL, de 18 600 m3, dont l'exploitation a été confiée à la compagnie maritime espagnole Ibaizabal. Il s'inscrit dans le design et les spécifications des Gas Vitality, basé à Marseille, et Gas Agility, qui opère depuis Rotterdam, également construits par le sud-coréen Hudong-Zhonghua mais affrétés à l'armateur japonais MOL

Investissements dans les énergies renouvelables revus à la baisse

Dans sa présentation aux investisseurs la semaine dernière, Patrick Pouyanné, qui ne craint jamais d'être à rebours des injonctions climatiques, a annoncé une fourchette d’investissement de l’ordre de 17 à 17,5 Md$ pour 2025, mais avec une réduction de 500 M$, soit 4,5 Md$, la part allouée aux « énergies bas carbone », essentiellement pour l'électricité.

En octobre, devant un parterre d'investisseurs américains à New York, qui représentent 47 % de son actionnariat, le PDG TotalEnergies avait indiqué qu’il allait accroître sa production globale d’énergies (pétrole, gaz, électricité, bioénergies) de 4 % par an jusqu’en 2030 tout en réduisant les émissions de ses opérations de 40 % sur le scope 1 et 2 en 2030 par rapport à 2015, et de 80 % sur le méthane en 2030 par rapport à 2020.

Alors que la compagnie venait de lancer au Suriname un projet pétrolier de grande envergure à plus de 10 Md$, le dirigeant faisait état d’une hausse de la production d'hydrocarbures d’environ 3 % par an jusqu'en 2030, en se basant sur les six projets pétrogaziers qui devaient être lancés cette année : deux au Brésil, au Suriname, en Angola, à Oman et au Nigeria.

Patrick Pouyanné ne s’en est jamais caché : débrancher radicalement des énergies fossiles n’est pas faisable. « Si je veux investir dans le système B [les énergies décarbonées, NDLR], il faut que je tire l'argent de quelque part (...) donc nous continuons à investir dans le système A [les hydrocarbures, NDLR] », avait-il expliqué le 29 avril aux sénateurs qui l’auditionnaient dans le cadre d'une commission sur la cohérence des activités du groupe avec les engagements climatiques de la France.

Dans la vision du patron français, le gaz, qui rejette moins de CO2 que le pétrole et le charbon, permettra de faire la transition vers les énergies renouvelables, quoi qu’en pense l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dont le scénario de neutralité carbone en 2050 met au ban tout nouveau projet d'origine fossile, y compris le GNL.

La major française mise au-delà sur l’intégration gaz-électricité en complément des renouvelables intermittents. En électricité, elle vise un objectif de plus de 100 TWh de production en 2030 à 70 % renouvelable et à 30 % à partir de centrales à gaz. À vrai dire, le sentiment est partagé par d'autres majors européennes (les Américains ont été plus prudentes dans leur déclaration) qui ne cessent de rogner sur leurs efforts en faveur de la transition énergétique. Après Shell et BP, Equinor vient de spécifier des coups de rabot dans les énergies renouvelables.

Quelles perspectives en 2025 ?

En ce début d’année, les prix du Brent restent volatils, entre 70 et 80 $/b, soutenus par la volonté des pays de l'Opep+ (14 pays de l'Opep + 10 autres pays producteurs dont la Russie, le Mexique et le Kazakhstan) d'équilibrer les marchés pétroliers confrontés à une forte croissance de l'offre des pays non-membres de l'Opep (États-Unis, Guyane, Brésil).

Selon l'AIE, la demande mondiale de pétrole devrait augmenter de 1,1 Mb/j en 2025, contre 0,8 Mb/j en 2024. Les prix du gaz en Europe étaient en hausse en fin d'année dernière et les marchés à terme s'attendent actuellement à ce que les prix dépassent 13 $/Mbtu au premier trimestre 2025, soutenus par une forte consommation hivernale et une baisse rapide des stocks en Europe dans le contexte de l'interruption des importations russes via l'Ukraine. « Les marchés du gaz devraient rester tendus en 2025 en raison des ajouts de capacité très limités prévus et des retards de certains projets », indique le rapport financier. TotalEnergies prévoit plus de 40 Mt de ventes de GNL en 2025 à un prix de vente moyen supérieur à 10 $/Mbtu au premier trimestre 2025.

Malgré des bénéfices en recul, le groupe reste généreux envers ses actionnaires, dont les dividendes par rapport à 2023 sont en hausse de 7,6 % au titre de l'année 2024 (3,22 €/action). Le conseil d'administration proposera à l'assemblée générale le 23 mai la distribution d'un dernier dividende 2024 de 0,85 €/action.

Contributeur à la nouvelle taxe française

TotalEnergies a parallèlement confirmé le rachat d'actions pour 8 Md$ en 2024 (2 Md$ par trimestre), ce qui en fera un contributeur à la nouvelle taxe française sur les rachats d'actions. La technique, qui conduit à réduire le nombre de titres en circulation sur le marché pour en augmenter la valeur, est décriée, car l’argent facile ainsi obtenu ne sert pas toujours pas le développement de l’entreprise (emploi, innovation…). « Cela doit représenter à peu près entre 100 et 150 M€ », a précisé Patrick Pouyanné, ajoutant que sa contribution totale aux finances publiques françaises devrait s'élever à plus de 2 Md€ en 2024, impôts et taxes comprises. Le groupe ne devrait revanche pas ou peu payer d’impôts sur les sociétés vu les pertes réalisés par ses activités en France.

L’entreprise a accompagné la présentation de ses résultats d’un autre communiqué détaillant ses principales contributions et engagements en France (devenu un rituel depuis les débats sur les superprofits des entreprises) « à la fois en tant qu’acteur économique de premier plan ancré dans l’Hexagone depuis un siècle et en tant qu’entreprise responsable ». Une expression qui fleure bon les EDL (éléments de langage) en langue corporate.

« En 2024, nous avons diversifié et sécurisé l’approvisionnement en carburants et en GNL de la France. Nos raffineries constituent un outil industriel qui contribue à la sécurité énergétique du pays. Nous y investissons pour assurer leur modernisation ou leur transformation vers la production de biocarburants comme à La Mède dans les Bouches-du-Rhône [HVO, biodiesel 100 % d’origine renouvelable, 600 clients revendiqués dans l’Hexagone, NDLR] et Grandpuits en Ile-de-France [dont la bioraffinerie démarre cette année, NDLR] », indique le texte très bavard. La Mède (avec le site d’Oudalle), la Plateforme Normandie, et Grandpuits sont fléchés pour la production de carburants aériens durables.

Quant à sa cotation à New York, qui avait soulevé une vague d’indignation dans la classe politique française au printemps dernier, il a confirmé son projet préférant évoquer une « cotation en continu » à Paris et New York qu'une « double cotation » car il n’y aura pas « un cours indépendant aux États-Unis d'un cours en Europe.

Adeline Descamps

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