« Plus d’énergies, moins d’émissions, plus de free cash-flow », a rassuré le groupe pétrolier et gazier français TotalEnergies, comité d’exécutif en force, devant un parterre d'investisseurs à New York le 2 octobre. Le groupe français y est coté (mais selon une réglementation boursière spécifique aux entreprises étrangères) en plus de Paris, et les investisseurs américains représentent bel et bien 47 % de son actionnariat.
TotalEnergies a annoncé qu’il allait accroître sa production globale d’énergies (pétrole, gaz, électricité, bioénergies) de 4 % par an jusqu’en 2030 tout en réduisant les émissions de ses opérations de 40 % sur le scope 1 et 2 en 2030 par rapport à 2015, et de 80 % sur le méthane en 2030 par rapport à 2020.
Alors qu'elle vient de lancer au Suriname un projet pétrolier de grande envergure à plus de 10 Md$, la major française a relevé sa prévision de croissance de la production d'hydrocarbures à environ 3 % par an jusqu'en 2030, jusqu'à présent fixé entre 2 et 3 %. Et plus encore « sur les deux prochaines années 2025 et 2026 », peut-on lire par ailleurs dans le communiqué. Mais la croissance sera « principalement » du GNL, est-il précisé. Elle s'appuie sur six projets pétrogaziers qui devraient être lancés cette année : deux au Brésil, au Suriname, en Angola, à Oman et au Nigeria.
La demande de pétrole en hausse
Le PDG Patrick Pouyanné ne s’en est jamais caché : débrancher des énergies fossiles n’est pas tenable. « Si je veux investir dans le système B [les énergies décarbonnées, NDLR], il faut que je tire l'argent de quelque part (...) donc nous continuons à investir dans le système A [les hydrocarbures, NDLR] », avait-il expliqué le 29 avril aux sénateurs qui l’auditionnaient dans le cadre d'une commission sur la cohérence des activités du groupe avec les engagements climatiques de la France.
Devant les investisseurs, il a mis en avant le déclin naturel des champs pétroliers et la hausse de la demande mondiale de pétrole [d'un peu moins de 1 million de barils par jour, NDLR]. « Pour l'instant, nous ne voyons pas d'impact réel de la pénétration des technologies bas carbone ». L'Organisation des pays exportateurs de pétrole voit aussi la demande de pétrole significativement augmenter de 17 % de 2023 à 2050.
Le GNL non négociable
Dans la vision du patron français, partagée par d'autres groupes énergétiques, le gaz, qui rejette moins de CO2 que le pétrole et le charbon, permettra de faire la transition vers les énergies renouvelables, quoi qu’en pense l'Agence internationale de l'énergie dont le scénario de neutralité carbone en 2050 met au ban tout nouveau projet d'origine fossile, y compris le GNL.
La société mise au-delà sur l’intégration gaz-électricité en complément des renouvelables intermittents. En électricité, elle vise un objectif de plus de 100 TWh de production en 2030 à 70 % renouvelable et à 30 % à partir de centrales à gaz.
« Grâce à cette stratégie de transition, le contenu carbone moyen des ventes d’énergies baissera de 25 % en 2030 par rapport à 2015 », assure le groupe.
« En 2024, le groupe a dérisqué l’exposition de son portefeuille de ventes GNL aux prix spot en signant des contrats long-terme, principalement indexés Brent, et a renforcé son intégration amont gaz aux États-Unis grâce à deux acquisitions d’actifs à faibles coûts », indique le dirigeant. TotalEnergies a signé des accords de fourniture de GNL de longue durée pour 4 Mt cette année.
Parallèlement, il poursuit ses investissements dans les capacités. Il a annoncé ces derniers jours un accord avec Lewis Energy Group portant sur l'acquisition d'une participation de 45 % dans les actifs de gaz en production que le groupe américain détient et opère dans le bassin d'Eagle Ford, au Texas.
Avec plus de 10 Mt exportées en 2023, la Française se considère comme le premier exportateur de GNL américain, grâce à sa participation de 16,6 % dans l'usine de liquéfaction de Cameron LNG (Louisiane) ainsi qu'à ses contrats d'achat de long terme. Sa capacité d'exportation devrait atteindre 15 Mt/an à l'horizon 2030.
Des investissements entre 16 et 18 Md$ par an
Le groupe a confirmé des investissements nets entre 16 et 18 Md$ par an sur la période 2025-30, dont environ 5 milliards dédiés aux énergies bas-carbone. Mais en se réservant une poche de souplesse de 2 Md$ pour se prémunir des baisses de prix.
Le cours du Brent est passé sous la barre des 70 $ le mois dernier mais il est remonté ces derniers jours avec le regain de tensions au Moyen-Orient. Jusqu'alors, le prix du baril était plombé par la perspective d’une hausse de la production de l'Arabie Saoudite et de sept autres membres de l'accord Opep+ (Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs alliés) ainsi que par la faiblesse persistante de la demande chinoise, moteur de la consommation de pétrole.
Adeline Descamps
TotalEnergies gagné par la pratique très tendance de rachat de ses actions
Le groupe français a aussi annoncé ce mercredi 2 octobre des rachats de titres pour 8 Md$ en 2024 et autant en 2025, cette pratique que le gouvernement Barnier pourrait taxer dans sa course aux renflouement des comptes publics. La technique, qui conduit à réduire le nombre de titres en circulation sur le marché pour en augmenter la valeur, est décriée, car l’argent facile ainsi obtenu ne sert pas toujours pas le développement de l’entreprise (emploi, innovation…).
A.D.