Trop de stocks, pas assez de raffinage. Les cours du pétrole ont cédé du terrain ces dernières heures, déprimés par un rapport hebdomadaire qui a mis en évidence une accumulation des stocks de brut et de produits dérivés aux États-Unis, en partie du fait d'une activité modéré des raffineries. Le prix du baril de Brent de la mer du Nord, avec échéance en avril, dont c'était le premier jour d'utilisation comme contrat de référence le 1er février, a abandonné 3,06 %, pour clôturer à 82,84 $. La référence américaine, le West Texas Intermediate (WTI), avec livraison en mars, a lui cédé 3,11%, à 76,41 $.
Les marchés ont été pris de cours par la hausse surprise de 4,1 millions de barils des réserves stratégiques, alors que les analystes tablaient sur une baisse d'un million. L'accroissement marqué des réserves de brut s'explique en bonne partie par le bond des importations (+ 23 %) et la chute des exportations (- 26 %). La hausse des stocks est intervenue alors que les capacités des raffineries ont été limitées, tout au long du mois de janvier, par les conséquences du passage de la tempête hivernale Elliott, fin décembre, puis par le début des opérations de maintenance, habituelles à cette période de l'année. La semaine dernière, le taux d'utilisation des raffineries a reculé, à 85,7 %, contre 86,1 % sur la période précédente.
La décision de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de ses alliés de l'accord Opep+, qui ont décidé mercredi de maintenir inchangés leurs quotas de production, n'a fait que plomber un peu plus l’ambiance.
Shell accusé de tromper par omission
Dans ce contexte, les compagnies pétrolières commencent à faire connaître leurs résultats. Et c’est devenu un grand classique : l’exercice s’accompagne désormais d’un retour des tensions et des débats sur les superprofits. Shell a annoncé le 2 février avoir réalisé un bénéfice annuel record en 2022, totalisant 42,3 Md$, plus que doublé sur un an, dopé par les cours élevés des hydrocarbures, le rebond de la demande postpandémie et le tarissement de l'offre russe dans la foulée de la guerre en Ukraine.
La Britannique a présenté ses résultats alors que l'ONG britannique Global Witness a demandé le 1er février à l'autorité américaine des marchés boursiers (SEC) d'enquêter à son encontre, a révélé l’AFP.
L’association estime que l'entreprise induit en erreur les autorités et aux investisseurs quand elle affirme avoir consacré 12 % de ses dépenses d'investissement en 2021 aux « énergies renouvelables et solutions énergétiques », soit 2,4 Md$ mais en réalité seulement 288 M$ ont été alloués à la production d'énergie éolienne et solaire, assure l'ONG. Cela ne représenterait donc que 1,5 % des dépenses totales d'investissement.
Selon l’association, l’entreprise a intégré tout ou partie de ses dépenses dans l'hydrogène ou la capture et le stockage de carbone, soit des activités liées aux énergies fossiles.
Profits jugés à nouveau scandaleux
ExxonMobil ne navigue pas non plus sur un fleuve tranquille. Le profit record de 55,7 Md$ dégagé en 2022 est dans le viseur de la Maison Blanche tandis que le continent nord-américain est en pleine crise énergétique.
La major américaine a présenté un bénéfice supérieur de presque 33 Md$ à celui de 2021, et de 10 milliards au précédent record qui remontait à 2008. Son chiffre d'affaires s'est, lui, établi à 413,7 Md$, en hausse de 45 % par rapport à 2021 et au-dessus des prévisions du marché.
« La seule chose qui empêche les grandes compagnies pétrolières d'augmenter leur production, a tweeté Joe Biden, est leur décision de verser des milliards aux actionnaires au lieu de réinvestir les bénéfices ». Avant d’ajouter : « je fais ma part pour faire baisser les prix, il est temps que Big Oil fasse la sienne ».
Une taxe illégale ?
Malgré son excellent bilan financier annuel, Exxon a indiqué que ses résultats du quatrième trimestre avaient été impactés à hauteur de 1,3 Md$ par la taxation européenne sur les superprofits des géants de l'énergie et par des dépréciations d'actifs. Le groupe texan a saisi fin décembre la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) afin de bloquer cette taxe due par les producteurs et distributeurs de pétrole, de gaz et de charbon ayant réalisé des bénéfices « considérables » en 2022.
Lors d’une conférence téléphonique avec les analystes, Darren Woods, le PDG d'Exxon, a affirmé que cette charge « n'est pas légale et est à l'opposé de ce qui est nécessaire. Ce dont on a besoin en ce moment, c'est de plus d'offre. Au lieu de cela, ce qui a été mis en place est une pénalité sur le secteur énergétique dans son ensemble ».
Adeline Descamps