QatarEnergy, l'un des grands producteurs mondiaux de GNL, a officialisé l’accord d'affrètement à temps et d'exploitation qu’il a contracté avec l’opérateur qatari Nakilat pour détenir et exploiter neuf méthaniers QC-Max d'une capacité de 271 000 m3 (344 m de long, 53,6 m de large avec un tirant d'eau de 12 m).
En avril, le géant du gaz qatari avait annoncé la fin de son programme de construction portant sur des méthaniers de taille conventionnelle (173 000 m3) et le lancement de la série XXL. L’ensemble s’inscrit dans un programme de construction sans précédent de plus 120 méthaniers pour répondre à ses développements en cours (le dernier en date étant l’annonce de l’extension de Northfield) dans l’extraction et la production de gaz, avec l'ambition de porter sa capacité de liquéfaction à 142 Mt par an d'ici à 2030.
Dans la classe des méthaniers conventionnels, QatarEnergy aura passé commande de 104 navires, dont 92 auprès des trois grands constructeurs sud-coréens (34 à Hyundai Heavy Industries, 33 à Samsung Heavy Industries et 25 à Hanwha Ocean) ainsi que 12 au chinois Hudong-Zhonghua.
Série construite par des constructeurs chinois
Les neuf méthaniers de grande taille, qui font l’objet d’un contrat avec Nakilat, s’intègrent dans le cadre de la commande des 18 premières unités QC-Max, série construite sur le chantier naval chinois Hudong-Zhonghua (groupe CSSC), annoncé par le constructeur naval chinois en avril.
La moitié devra être livrée en 2028 et 2029 et les autres en 2030 et 2031. Outre Nakilat, China Merchants Energy Shipping (CMES) en possédera quatre, Shandong Marine, trois, et China LNG Shipping (coentreprise de Cosco Shipping et China Merchants), deux.
Nakilat, qui exploite une flotte de 105 navires (avec les contrats en cours), avait été au préalable retenu pour la propriété et l'exploitation de 25 méthaniers standards. Avec son nouveau contrat, il aura donc 34 navires en affrètement avec des filiales de la grande compagnie publique de son pays
Des contrats de fourniture en masse
En 2023, QatarEnergy a signé des contrats de fourniture portant sur 25 Mt de GNL (notamment avec le groupe français TotalEnergies, le britannique Shell, l'indien Petronet, le chinois Sinopec et l'italien Eni).
D’autres vont l’être sous peu, a assuré le 14 mai à l’occasion du Forum économique Qatar Saad al-Kaabi, le ministre de l'Énergie de l'émirat, qui dirige également le géant public des hydrocarbures
« Il s'agit de se mettre d'accord sur les termes, les conditions et les prix (...) mais il y a une énorme demande, que ce soit en Asie ou en Europe. Je pense que même l'Europe a réalisé qu'elle devait faire autrement pour garantir le long terme », a-t-il ajouté en référence à la pratique d'achat sur le marché comptant des pays européens. Ces derniers ont revu leur approche depuis qu’ils se sont détournés du gaz russe, en réaction à la guerre en Ukraine.
Actuellement, les principaux marchés du GNL qatari sont majoritairement en Chine, au Japon et en Corée du Sud. En 2023, la plus petite des monarchies du Golfe a exporté environ 81 Mt de GNL, dont 70 % des volumes à destination de l'Asie.
Pas d'inquiètude chez TotalEnergies
« Je ne suis pas inquiet, je pense qu'il y a une place, une place claire, pour le gaz dans la transition », a indiqué pour sa part le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, qui intervenait aux côtés du ministre et du patron d'ExxonMobil, Darren Woods, au cours de la même conférence.
Le dirigeant français répètera une énième fois à propos du sujet sensible de la sortie des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz) que « les choses ne vont pas se passer en une nuit comme certains en rêvent, parce qu'encore une fois, la population augmente et la demande d'énergie aussi ».
Ces propos font écho à d’autres plus décomplexés, tenus il y a quelques jours par le PDG de Saudi Aramco, un des premiers producteurs de pétrole, lors du CERAWeek, grande conférence mondiale sur l’énergie : « nous devrions abandonner le fantasme de l’élimination progressive du pétrole et du gaz ».
Quant au surplus de production de GNL – que de plus en plus d’analystes questionnent –, « nous aurons d'ici 2027-2030 une offre assez importante », a répondu Patrick Pouyanné, investi dans de nombreux projets de GNL dans le monde.
Elle sera, a-t-il ajouté, un levier pour faire « baisser les prix » et attirer de « nouveaux clients », comme l'Inde, qui utilise actuellement le charbon pour faire tourner ses centrales. Ce pays dont l’UE voudrait faire un contrepoids à la puissante Chine, en train de se rapprocher sans le dissimuler de la Russie sur un axe visant à contrebalancer la puissance occidentale.
Adeline Descamps