Bruit et fracas sur le marché des services offshore en proie à la grande dépression du pétrole, avec un WTI et un Brent dont les cours sont plombés, les deux indices de référence ayant touché le plancher ces derniers jours. Après le dépôt de bilan, fin mars, de Whiting Petroleum Corp., qui fore des gisements de schiste dans le Dakota du Nord et dans le Colorado, c’est au tour d’une autre américaine, Diamond Offshore, de se placer sous la protection du chapter 11 qui, selon le droit américain, permet de se mettre à l’abri des créanciers le temps de la restructuration. Lesté de 2,6 Md$ de dettes, le groupe, qui revendique 5,8 Md$ d'actifs, se dit victime de la « guerre des prix » du pétrole et de la pandémie. Il a enregistré un chiffre d’affaires de 981 M$ en 2019 et accusé une perte nette de 357 M$. La compagnie texane, aux nombreuses filiales, indique qu'elle est actuellement en négociation avec ses créanciers et qu'elle dispose « de suffisamment de capitaux pour maintenir ses opérations mondiales ». La société américaine de services pétroliers Baker Hughes, qui vient de publier ses résultats du premier trimestre, a indiqué pour sa part que les plates-formes pétrolières et gazières du Canada et des États-Unis avaient enregistré leur activité la plus faible depuis 2000, le Bassin permien et le Nouveau-Mexique étant particulièrement impactés.
Dégradation accélérée
Les spécialistes des services offshore opèrent dans un environnement contraignant depuis quelques années, en lien avec les difficultés des compagnies pétrolières qui, face à l'effondrement des cours du brut, ont taillé dans leurs dépenses d’investissement. Le marché des services maritimes est en outre affecté par des tarifs d’affrètement qui tardent à remonter et une surcapacité persistante de navires de services sur le marché.
Cette situation s’est exacerbée et accélérée ces derniers mois en raison de l’épidémie qui a paralysé la demande alors que le pétrole continue de se déverser faute d’accord au sein du cartel des producteurs de pétrole. Les principaux pays producteurs ont finalement convenu début avril de réduire leurs extractions de près de 10 millions de barils par jour en mai et en juin. Mais les prix ne semblent pas disposés à se prêter à leurs désirs. Et les clients pétroliers annoncent tour à tour de nouveaux coups de sabre dans leurs investissements dont vont pâtir les services à l'offshore pétrolier et gazier.
Signaux faibles en Europe
En Europe, des signaux faibles s’allument également. Le 31 mars 2020, Solstad Offshore a annoncé avoir entamé une restructuration financière, en en imputant les causes au covid et à la persistance des mauvaises conditions du marché offshore. Le propriétaire norvégien possède une flotte que VesselsValue évalue à 1,48 Md$. Au titre de sa restructuration, Solstad doit désarmer 37 de ses navires. En faisant une recherche par les données de position des navires AIS, VesselsValue estime à 34 le nombre d’unités qui n'ont pas émis de signal depuis une semaine ou plus. En France, la société marseillaise Bourbon, qui vient d’être reprise par la Société phocéenne de participations, doit affronter ce contexte alors qu’elle sort de plusieurs années douloureuses.
Face au nombre d’appels d’offres et projets retardés ou annulés, Maersk Drilling (24 navires) a déjà réduit considérablement ses équipages en mer du Nord, où se situe le coeur de son activité, et entamé des consultations avec ses partenaires sociaux pour envisager des suppressions de postes et/ou des licenciements. « Il est de notre responsabilité de protéger notre entreprise et nous prenons maintenant des mesures pour maintenir notre compétitivité dans un environnement de marché difficile », a justifié Jørn Madsen, son PDG. L’entreprise prévoit 250 à 300 licenciements.
2019 n’avait pourtant pas été une si mauvaise année. Les investissements dans l'offshore ont même été en croissance pour la première fois depuis 2014 suite aux gains de productivité du forage et de la production. 2020 ne devrait pas avoir la même tonalité. À l’occasion des résultats du premier trimestre, publiés le 28 avril, la major pétrolière britannique BP a annoncé qu'elle réduirait de 25 % son programme de dépenses d'investissement, qui s'élèvera ainsi à 12 Md$ en 2020. Ceux d’Exxon Mobil et de Royal Dutch Shell sont attendus ces jours-ci et les deux compagnies devraient sans doute faire part de leur plan pour pallier l’effrondrement des cours du pétrole.
« On ne sait pas combien de temps durera la situation économique actuelle, mais assurément, les perspectives seront extrêmement éprouvantes pour l’ensemble de l'industrie offshore, des grandes compagnies pétrolières aux petits prestataires de services. Tout indique qu'il y aura une nouvelle période de restructuration avec son lot de fusions, consolidations et ventes contraintes de flotte », estime le spécialiste de l’estimation des actifs. Comme un message glissé.
Adeline Descamps