Quitte à être cédé à un grand acteur dans le GNL, le groupe français TotalEnergies aurait été plus attendu que la Britannique Shell pour acquérir la filiale du fonds singapourien Temasek spécialisée dans le négoce de gaz naturel liquéfié (GNL).
Les deux compagnies énergétiques sont, parmi les majors, les plus engagées dans la chaîne de valeur du GNL, de la production de gaz à la distribution au client final, en passant par la liquéfaction. Mais à ceci près que TotalEnergies et Pavilion Energy sont déjà engagés dans plusieurs accords, dont le dernier en date signé en janvier en vertu duquel Pavilion Gas fournira du GNL à Total Marine Fuels Global Solutions, la filiale de Total en charge de la commercialisation de carburant marin, afin que celle-ci puisse approvisionner en GNL ses clients maritimes dans le port de Singapour, premier hub de soutage mondial.
Pour deux de ses souteurs, le Gaz Agility, qui opère depuis le port de Rotterdam et le Brassavolav, basé à Singapour, un contrat d'affrètement à long terme lie également la major française à Pavilion Energy, le propriétaire du navire étant l’armateur japonais Mitsui O.S.K. Lines (MOL), via sa filiale Indah Singa Maritime.
Un portefeuille de capacités
Shell et Pavilion n'ont pas été prolixes sur les détails financiers. Le portefeuille comprend les contrats de vente et d'approvisionnement en GNL à long terme, soit un volume contractuel d'environ 6,5 Mtpa, issu des installations de liquéfaction américaines Corpus Christi, Freeport LNG et Cameron LNG.
Shell devrait aussi mettre la main sur la capacité de regazéification à long terme d'environ 2 Mt/an au terminal GNL de l'île de Grain (Royaume-Uni), sur un accès de regazéification à Singapour et en Espagne, une activité de soutage maritime et les contrats d'affrètement à temps de trois souteurs et de deux navires diesel/électriques à trois carburants (TFDE) notamment.
Le fonds souverain conservera en revanche Gas Supply, qui importe du gaz naturel par gazoduc du sud de Sumatra, en Indonésie, ne vendra pas non plus les contrats conclus par sa filiale avec des clients du secteur de l'électricité et gardera la participation de 20 % de Pavilion Energy dans les blocs 1 et 4 en Tanzanie.
Souplesse et volumes
Shell, qui prévoit de développer son activité GNL de 20 à 30 % d'ici 2030 par rapport à 2022, estime que ce portefeuille lui apportera « des volumes importants et une flexibilité supplémentaire », a indiqué Zoë Yujnovich, directrice des activités gazières intégrées et de l'amont.
La transaction devrait être finalisée d'ici le premier trimestre 2025, sous réserve de l'obtention des autorisations réglementaires.
Selon les estimations contenues dans le LNG Outlook 2024 de Shell., la demande mondiale de GNL devrait augmenter de plus de 50 % d'ici à 2040, aidée par le passage du charbon au gaz dans la production d'électricité en Chine et dans les pays d'Asie du Sud et du Sud-Est. Les volumes de GNL achetés devraient ainsi augmenter de 15 à 25 % par rapport à 2022.
Shell, via l'acquisition de BG, détient par ailleurs la première licence d'importation de GNL à Singapour, fournissant près d'un quart des besoins en gaz naturel du pays.
En 2023, les volumes de liquéfaction ont chuté de 5 % pour atteindre 28,29 Mt. Au cours du premier trimestre, 16,87 Mt ont été vendus par la compagnie, soit une légère baisse par rapport aux 16,97 Mt l'an dernier, tandis que les volumes de liquéfaction ont augmenté de 5,4 % en glissement annuel pour atteindre 7,58 Mt.
Adeline Descamps
