L'Union européenne entame les discussions pour interdire les réexportations de GNL russe

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Terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne

Terminal méthanier d'Elengy à Montoir-de-Bretagne

Crédit photo ©Franck Badaire/Elengy
Les Vingt-Sept ont entamé le 8 mai les négociations sur la prochaine série de sanctions contre la Russie, qui viseraient pour la première fois le GNL, en interdisant son transbordement depuis l'Union européenne. Elles briseraient un tabou à Bruxelles, le gaz russe ayant été jusqu'à présent totalement épargné par les restrictions.

Le GNL russe reste libre de circulation envers et contre tout. L'Union européenne en est pourtant à son 14e paquet de sanctions contre la Russie depuis février 2022 mais jusqu'a présent le gaz a été épargné, contrairement au charbon et au pétrole.

La dernière salve de restrictions avait dans le collimateur les pratiques de camouflage sous toutes ses formes, qu’il s’agisse du masquage des mouvements des pétroliers via le brouillage de leur système de suivi (AIS), de la dissimulation de l'origine ou destination de la cargaison par de multiples transferts (STS) ou encore du contournement du mécanisme de plafonnement des prix du pétrole*, dont la pertinence et l'efficacité sont questionnées. Si le GNL y avait échappé, il n'en a pas été de même pour les importations de GPL.

Opérations de transbordement dans le viseur

Les sanctions visant le secteur de l'énergie sont très sensibles. Si le gaz russe a été à plusieurs fois évoqué, il n'a jamais sérieusement été envisagé de le pénaliser, étant beaucoup moins substituable que le pétrole, malgré les appels répétés de la Pologne, des États baltes et des pays nordiques.

Cette fois, une proposition de la Commission européenne ciblant le GNL a été débattue le 8 mai lors d'une réunion des ambassadeurs des États membres.

Il ne s'agit toujours pas d'interdire ou de restreindre ses importations mais de proscrire les opérations de transbordement de navire à navire du gaz russe effectuées dans des ports de l'UE en vue de son transfert vers des pays tiers.

À l'instar du pétrole, il ne serait en outre plus possible de fournir, directement ou indirectement, une assistance technique et d'autres services tels que l'avitaillement des méthaniers, la fourniture d'équipage, le remorquage. En 2023, l'industrie maritime des pays du G7 aurait traité 93 % des exportations russes de GNL, une activité dont la valeur est estimée à 15,5 Md€.

Belgique, France, Pays-Bas et Espagne, friands de gaz russe

Selon le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA), la Belgique, la France, les Pays-Bas et l'Espagne sont actuellement les principaux points de livraison de GNL en provenance de Yamal, au nord-ouest de la Sibérie, où le grand producteur privé de gaz Novatek exploite le champ South Tambey et le liquéfie dans trois trains de liquéfaction.

Outre Yamal LNG (capacité de 17,44 Mt par an), la Russie exploite trois autres complexes de GNL : Portovaya (1,5 Mt/an) et Vysotsk (0,66 Mt/an) côté Altantique et Sakhaline (10,8 Mt/an) dans le bassin pacifique.

Transit par Zeebrugge et Montoir-de-Bretagne

D'une analyse de l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), il était ressorti que les pays européens avaient importé, entre janvier et septembre 2023, 14,44 milliards de m3 depuis Yamal, 1,17 milliard de m3 de Portovaya et 0,67 milliard de m3 de Vysotsk. Soit des volumes comparables à la même période de 2022.

Un tiers du GNL en provenance de Yamal avait transité par le port côtier belge Zeebrugge tandis que Montoir-de-Bretagne (1,19 milliard de m3) et Bilbao en avaient aussi largement profité.

Ces ports jouent en outre le rôle de hub pour les réacheminements vers la Chine, Taiwan ou encore la Turquie.

Interdire les investissements européens

Bruxelles envisage par ailleurs de mettre à l'index tout nouvel investissement européen dans des projets de GNL en Russie. Il s'agirait d'Arctic LNG 2, déjà mis au ban par des sanctions américaines, d'Ust Luga et de Mourmansk.

S'inscrivant aussi dans les pas des États-Unis, le nouveau paquet de sanctions en discussion pourrait par ailleurs étendre la liste noire de l'UE à de nouvelles sociétés chinoises accusées de fournir des technologies militaires à la Russie. Le Trésor américain vient d'épingler plusieurs d'entre elles.

8,2 Md€ d'importations en 2023

Les importations de GNL russes dans l'UE ont représenté 8,2 Md€ l'an dernier pour 20 milliards de m3, ce qui représente 5 % de la consommation totale de gaz, selon le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA).

Les sanctions visant le secteur de l'énergie ont toujours donné lieu à d'intenses tractations et à des concessions de dernière minute. La Hongrie, État membre le plus réticent bien que Budapest finit toujours par se rallier en dernière course, a déjà exprimé de vives réserves. Pour rappel, l'unanimité des Vingt-Sept sera requise.

Adeline Descamps

*Mis en œuvre depuis octobre 2022, le dispositif fixe un prix à plusieurs produits pétroliers visés au-delà duquel les entreprises occidentales ne peuvent pas fournir des services maritimes (transport, certification/classification des navires, assurance, transactions internationales...)

 

Les volumes de GNL souté à Rotterdam ont augmenté de 150 % en un an

Le plus grand hub européen de soutage, qui abrite deux grands terminaux méthaniers (opérés par Gasunie et Vopak), a déclaré des volumes de GNL de 215 247 m3 au cours du premier trimestre de cette année, soit une augmentation de 150 % par rapport aux 86 088 m3 du premier trimestre de l'année dernière et une augmentation de 44,5 % par rapport aux 148 933 m3 du trimestre précédent.

Sur l'ensemble de l'année 2023, le soutage de GNL dans le port néerlandais avaient atteint 619 243 m3 en 2023, soit une augmentation de 53 % par rapport aux 406 599 m3 en 2022, année où les volumes avaient considérablement chuté en raison des prix élevés.

D'après les dernières données de DNV, il y a, à ce stade, 520 navires alimentés au GNL en opération et 514 en commande (les unités à double carburant étant exclues).

 

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