Les résultats d'Euronav ont crée la surprise

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Au cours d'un trimestre habituellement faible pour les grands transporteurs de brut, l'armateur belge a présenté ce 11 mai un chiffre d'affaires et un résultat net supérieurs aux attentes. Euronav a par ailleurs annoncé une entrée surprise à son conseil d'administration.

Les armateurs de pétroliers reviennent de loin. Après de longs mois à exploiter leurs navires à des seuils de rentabilité critiques, la guerre en Ukraine – et les sanctions qui en ont découlé –, les ont sortis de la nasse.

En engendrant un grand charivari dans le sourcing, les sanctions envers la Russie, deuxième exportateur mondial de pétrole brut et de diesel, ont amené les navires-citernes à emprunter des itinéraires plus longs, absorbant la capacité. Car, il faut mobiliser un plus grand nombre de pétroliers pour des voyages de plusieurs semaines.

Le brut russe, qui était avant expédié en « short sea » vers l'UE, s'est déployé sur du long-courrier pour atteindre la Chine et l'Inde, ses nouveaux clients, et le diesel russe a aligné les milles jusqu'à l’Afrique du Nord, l'Asie et l'Amérique du Sud. Les pays européens, eux, ont remplacé les barils russes par des approvisionnements long-range en provenance des golfes du Persique et Mexique ainsi que de l'Amérique latine.

Les tonne-milles, le prix au transport

La demande étant exprimée en tonnes-milles, qui se mesure en multipliant les volumes par la distance, les taux de fret se sont ragaillardis.

Depuis, les transporteurs engrangent les bénéfices et distribuent des dividendes élevés. Du moins, jusqu'en mars où les mauvaises nouvelles se sont abattues à nouveau sur le secteur.

En mars, le vent mauvais

Ainsi, après être partie en flèche au cours des deux premiers mois de l’année (+ 62 % pour Teekay Tankers ; + 60 % pour Frontline ; + 49 % pour Nordic American Tankers ; + 32 % pour Ardmiore ; + 27 % pour DHT ; + 16 % pour Euronav ou encore + 14 % pour Scorpio), les actions des entreprises cotées en bourse ont entrepris la trajectoire inverse en mars.

Les taux au comptant dans les segments VLCC et suezmax sont également repartis à la baisse ce mois-là après avoir été bien supérieurs à la moyenne des cinq dernières années.

La réduction surprise de la production (plus d'un million de barils par jour) par l'OPEP+ au début du mois d'avril a entraîné les prix du brut à la baisse.

« La force contre-saisonnière des taux de fret, enregistrée au premier trimestre, nous conforte dans l'idée que des moteurs solides sont en place pour poursuivre un cycle haussier pluriannuel sur les marchés des grands transporteurs de brut », soutient néanmoins Hugo De Stoop, CEO d'Euronav, à l’occasion de la présentation le 11 mai des résultats financiers du groupe.

Un exercice de très bonne tenue , après plusieurs exercices rouge carmin et pour un trimestre habituellement plus faible pour les VLCC et les suezmax. « C'est la troisième fois seulement que cela se produit depuis 1990 dans les secteurs VLCC et Suezmax », confirme le dirigeant.

Le dirigeant ne s’inquiète pas davantage des réductions de l’Opep. « Elles seront principalement axées sur les sources du Moyen-Orient. Les marchés d’Asie étant le principal moteur de la demande et de la croissance de la consommation, l'approvisionnement alternatif en brut devra provenir de l'Atlantique, ce qui nécessitera un transport sur une distance environ deux fois plus longue », assure-t-il.

Un bénéfice net de 175 M$

L’exploitant de VLCC et de suezmax (au nombre de 71) a présenté un bénéfice net de 175 M$ au premier trimestre contre une perte nette de 43,4 M$ l’an dernier. L'Ebitda ressort à 258,5 M$, six fois plus élevé qu’au premier trimestre 2022.

Les tarifs moyens journaliers spot des VLCC sont passés de 13 750 à 51 400 $ et les suezmax de 15 500 à 70 600 $. Pour le deuxième trimestre, 62 % de ses VLCC ont été fixés à 67 000 $/j et 51 % des suezmax à 66 000 $.

Le quatrième trimestre 2022 avait été aussi de belle facture : 235 M$ de bénéfice net et 907 M$ de liquidités.

La confiance de l’armateur belge se reflète le dividende versé aux actionnaires au deuxième trimestre : 1,80 $ par action .

Accélération de la demande de brut

Le transporteur de brut peut compter sur une forte accélération de la demande de brut en 2023 selon l'AIE. Elle devrait passer de 710 000 barils par jour au premier trimestre à 2,6 millions de barils par jour (Mb/j) au quatrième trimestre. La demande mondiale de pétrole devrait, elle, atteindre une consommation record de 102 Mb/j au cours de l'année, tirée par la reprise du trafic aérien et « la libération » de la demande chinoise refoulée.

Equilibre entre l'offre et la demande

Mais c’est l’équilibre entre l’offre et la demande qui reste le meilleur allié des pétroliers. Le carnet de commandes de pétroliers de brut ne représente que 2,6 % de la flotte en service.

Toutefois, les commandes se sont accélérées dernièrement dont le courtier Compass Maritime a dressé les comptes : Maran Tankers, propriété de la famille Angelicoussis, et Capital Maritime ont tous deux signé pour quatre suezmax avec quatre options chacun. Seatankers, propriété de John Fredriksen, Euronav et Evalend pour deux suezmax chacun. Tradewinds vient de révéler que la famille grecque Procopiou a contracté pour dix transporteurs de produits pétroliers LR2 avec deux options.

Au final, selon BRS, des commandes fermes pour 61 pétroliers totalisant 5,7 Mtpl ont été passées entre janvier et la mi-avril. Par comparaison, au cours des huit trimestres précédant la fin du premier trimestre 2023, seuls deux VLCC et 17 Suezmax avaient été contractés.

Crise de gouvernance

Sur le plan interne, Euronav n’est toujours pas sorti de sa crise de gouvernance. Depuis de longs mois, son capital fait l’objet d’une bataille d’influence entre la famille Saverys et John Fredriksen, ce dernier étant actionnaire de plusieurs entreprises dans le transport de brut dont Frontline avec laquelle Euronav devait fusionner, avant que le premier ne décide unilatéralement de résilier l'accord.

Pour respecter le poids pris par les deux principaux actionnaires, la direction de l'armateur belge avait été contrainte de procéder à la modification de la composition du conseil d'administration. John Fredriksen et la famille Saverys y avaient acquis des droits après avoir augmenté leurs participations dans Euronav ces derniers mois et fini par devenir actionnaires à parts égales (25 %).

Ainsi quatre nouveaux administrateurs (portant leur nombre à sept), ont fait leur entrée lors de l'assemblée générale des actionnaires le 23 mars : John Fredriksen et Cato H. Stonex, représentant Famatown, et Marc Saverys et Patrick De Brabandere, représentant la Compagnie maritime belge (CMB). À cette occasion, deux personnes n'avaient pas obtenu le vote de confiance des actionnaires.

Renforcer le conseil

Cette fois, elle vient d’annoncer trois nouvelles nominations pour renforcer son board. Mais plus étonnant encore, l’assemblée générale annuelle du 17 mai devrait valider la nomination de Julie De Nul en tant que membre indépendante du conseil de surveillance, ainsi qu’Ole Henrik Bjørainge. Julie De Nul, candidature proposée par la CMB, avait été rejetée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 23 mars.

Deux visions radicales

La composition de l’instance de gouvernance n’a rien de la pure question de forme. Car de l'identité du futur maître des lieux dépend la stratégie qui sera mise en œuvre. Or, deux visions radicales s’opposent.

La CMB porte en effet un autre projet pour Euronav, dont elle veut diversifier la flotte pour sortir du pétrole brut et pénétrer de nouveaux segments de marché dans les transports verts.

Tout en s'engageant à être « zéro nette émission » d'ici 2050 avec un objectif intermédiaire de réduction de 40 % des émissions de CO2 d'ici 2030, la direction actuelle estime qu’il y a encore un avenir dans le transport de pétrole.

Adeline Descamps

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