Depuis ce dimanche 5 février, l'embargo de l'Union européenne sur les produits pétroliers en provenance de Russie est entré en vigueur. Il est désormais interdit à ses États membres d'importer de Russie des produits raffinés par voie maritime. En parallèle, l’UE et le G7 ont adopté, le 4 février, un plafonnement pour les produits pétroliers russes transportés par voie maritime comme l'essence, le diesel, le gazole, le kérosène.... L’accord comprend un prix plafond de 100 $ le baril pour des produits plus chers, comme le diesel, et un autre de 45 $ le baril pour des produits moins raffinés, comme le naphta. L'Europe doit remplacer quelque 2 Mt par mois de diesel et de kérosène, et l'Inde et le Moyen-Orient peuvent en fournir plus de la moitié, spéculent les négociants.
Pic hebdomadaire
Les exportations de diesel du Moyen-Orient vers l'Europe ont atteint un pic hebdomadaire d'un peu moins de 500 000 barils par jour en janvier, selon les données de S&P Global Commodity Insights.
Les flux de diesel en provenance du Moyen-Orient vers la région européenne avaient déjà atteint en décembre leur troisième niveau le plus élevé jamais enregistré, à 420 000 b/j, dont 60 % exportés par l'Arabie saoudite, selon le système de suivi des pétroliers S&P Global Commodities at Sea. Ses analystes s’atendent à ce qu’ils atteignent une moyenne de 890 000 b/j sur la période mars-décembre, contre 238 000 b/j au premier semestre 2022 et 343 000 b/j au second semestre 2022.
De nouvelles capacités en exploitation
Le Moyen-Orient peut y répondre. Il a mis en service dernièrement de nouvelles capacités de raffinage. Le Koweït devrait démarrer très prochainement la deuxième des trois unités de distillation de brut de sa nouvelle raffinerie Al-Zour du pays, d'une capacité de 615 000 b/j.
La raffinerie irakienne de Kerbala, d'une capacité de 140 000 b/j, devrait atteindre sa pleine capacité en juillet, et la raffinerie d'Oman de Duqm, d'une capacité de 230 000 b/j, une coentreprise entre la société publique d'investissement pétrolier OQ et Kuwait Petroleum International, pourrait commencer à effectuer des tests dans les prochains mois, selon des responsables de l'État.
L'Arabie saoudite dispose d'une nouvelle raffinerie à Jazan mis en service en 2021 qui doit encore atteindre sa pleine capacité et dont on ne sait toujours pas si elle sera en mesure de produire du diesel de spécification européenne. Selon les données de suivi des navires, aucune cargaison n'a été dans ce sens opérée jusqu’à présent.
Les données de suivi des navires, muettes
Pour l’instant, selon l’analyse des flux opérés par S&P Global, l’Europe a commencé à anticipé la fin du diesel russe (les flux d’importation ont diminué) mais s’est fournie principalement auprès des États-Unis, de l'Inde et de l’Arabie Saoudite. Mais pas encore de manière significative, les produits russes continuant d'être acheminés vers l'Europe à des niveaux importants. Les données de suivi des navires ne parlent pas plus que les entreprises ne communiquent leurs plans B mais les analystes déploient les cartes.
Pour exemple, TotalEnergies assure avoir mis fin à tous les contrats d'achat de gasoil russe en 2022. Le site de raffinage et de pétrochimie de Satorp à Jubail, dans l'Est de l'Arabie saoudite, sur le golfe Persique, dont TotalEnergies détient 37,5 % aux côtés d’Aramco (62,5 %), a été mis à contribution à hauteur de 440 000 b/j. Début 2018, la capacité de production de la plateforme a été portée à 440 000 barils de pétrole brut par jour, pour produire environ 22 Mt par an de produits pétroliers raffinés tandis qu’un investissement de 5,5 Md$ a été consenti pour construire un complexe pétrochimique adossée à la raffinerie.
L'autrichien OMV et l'italien Eni ont également des participations dans la société émiratie Adnoc Refining, qui exploite trois raffineries d'une capacité de raffinage totale de 922 000 b/j.
Détournement des règles
L’investissement récent de Saudi Aramco en Europe du Nord est également scruté. Le géant saoudien a acquis début 2022 une participation de 30 % auprès du plus grand raffineur polonais, PKN Orlen, dans l'usine de Grupa Lotos à Gdansk d'une capacité de 210 000 b/j.
Reste à savoir si les raffineries des pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient ne sont pas susceptibles d'importer du brut russe (décoté) pour le traiter.
Adeline Descamps