Bio-GNL et méthanation à partir d’hydrogène décarboné et de CO2 capturé étaient au menu de la convention annuelle de l’Association française du gaz le 23 mars, qui avait pour thème inévitable « la contribution du GNL au climat ». Ces technologies peuvent faire du GNL un carburant totalement propre, ce qu’il n’est que partiellement aujourd’hui.
Hormis les énergies renouvelables dont l’utilisation a augmenté de 6 % en 2020 par rapport à 2019 au niveau mondial, le gaz naturel liquéfié (GNL) est la seule énergie dont la demande a continué à croître en cette année de pandémie. À un rythme moindre que les années précédentes (où la croissance était de 9 à 12 % par an) le GNL a tout de même progressé de 2 % en 2020 alors que les autres énergies perdaient du terrain : - 2 % pour les autres formes de gaz, - 4 % pour le charbon et - 9 % pour le pétrole, selon les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie.
« Hier seuls les pays riches et fortement industrialisés en disposaient mais aujourd’hui, 45 pays ont des capacités d’importation de GNL, dont la Croatie, le Myanmar, le Sénégal et le Ghana pour les plus récemment équipés », explique Jean-Baptiste Dubreuil. L’analyste pour le gaz naturel à l’Agence internationale de l’énergie intervenait dans le cadre de la convention annuelle de l’Association française du gaz (AFG). « Les tensions sur les prix, souligne-t-il, illustrent le rôle très important de l’Europe comme marché d’ajustement du GNL qui absorbe le surplus lorsque les autres marchés n’en ont pas besoin. L’Asie, dont les capacités de stockage sont faibles comparées à l’Europe, réalise cependant d’importants investissements pour les accroître. »
Environ 13 % des commandes en 2020
« le GNL est actuellement compétitif face au diesel, ce qui explique son développement très rapide, précise le président de l’association, Patrick Corbin. En quelques années, le GNL est passé d’un marché de niche, limité essentiellement aux méthaniers, à un développement de grande ampleur : 13 % de la flotte mondiale commandée en 2020 est à propulsion GNL avec des pénétrations plus fortes encore dans certains segments clés comme les paquebots. […] Investir aujourd’hui dans un navire au GNL, qui sera encore en service en 2050, nécessite d’anticiper les obligations de réduction de CO2 qui seront toujours plus ambitieuses. Les industriels ont besoin de savoir, dès à présent, que leurs actifs pourront progressivement basculer du GNL classique vers d’autres carburants alternatifs moins émetteurs, comme le bioGNL au cours de leur durée de vie. »
CMA-CGM fait partir de ces armateurs qui ont fait le choix du GNL : la compagnie réceptionne actuellement un nouveau navire au GNL chaque mois. À terme, sa flotte comptera 32 unités. « Tous seront en service d’ici septembre 2022, rappelle Jacques Gérault, conseiller institutionnel du groupe. Depuis trois ans, le GNL est notre priorité absolue. Il s’agit clairement de la meilleure solution de décarbonation. C’est une solution transitoire qui va durer des années car on est encore loin de l’utilisation de l’hydrogène et le GNL ouvre la voie au biogaz et à d’autres carburants alternatifs. » Le représentant de l’armateur, qui se dit prêt à payer davantage pour cela, regrette cependant que le bio-GNL ne soit pas produit en quantité suffisante.
Rôle central du méthane non fossile
« Sur les petits ferries ou le cabotage, l’hydrogène n’a pas le moindre avenir donc le biométhane a toute sa place », prédit Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie et climat de l’Institut français des relations internationales qui voit aussi le méthane jouer un rôle dans la production d’hydrogène décarboné à moindre coût.
Le rôle central du méthane non fossile, qu’il soit obtenu à partir de biomasse ou synthétisé à partir d’hydrogène et de CO2 capturé, a été largement souligné. Pour Sandra Roche-Vu Quang, directrice d’Elengy, il faut « sortir du mythe de la traçabilité physique de la molécule et adopter un système de certificat de garantie d’origine qui permette la production de biométhane au plus près des territoires, prenant en compte les externalités positives au niveau de l’agriculture ou de la méthanation avec du CO2 capté. » Sophie Mourlon, directrice de l’énergie au ministère de la Transition écologique, souligne que « la maturité atteinte par la filière de méthanisation impose une transparence sur la traçabilité de la biomasse utilisée et sur l’origine du gaz consommé. »
« Atteindre la neutralité carbone suppose de concentrer le GNL sur les secteurs difficiles à décarboner comme le transport de marchandises longue distance, souligne la représentante de l’administration. Le GNL est un vecteur de transition énergétique et même, une solution sur le long terme à condition d’aller vers une production entièrement décarbonée. »
Étienne Berrier
Les terminaux méthaniers, hub multimodaux ?
Sandra Roche-Vu Quang, directrice générale d’Elengy, qui possède et exploite trois des quatre terminaux français de réception des méthaniers, souligne les nouveaux services mis en place sur ces sites : transbordement, chargement de camions-citernes, chargement de petits méthaniers pour le soutage.
« Nous avons l’ambition de faire de nos terminaux méthaniers des sites multimodaux. La semaine dernière, nous avons chargé sur train un conteneur de GNL expédié depuis notre terminal de Fos, via le terminal ferroviaire de Miramas, à destination de l’Italie. Il y a quelques mois, nous avons lancé à Montoir-de-Bretagne un procédé de mico-liquéfaction. À Marseille, nous épurons du biogaz produit à partir de déchets, pour en faire du biométhane. À plus long terme, nous nous intéressons au bioGNL de troisième génération, fabriqué à partir d’algues, ou encore au stockage de CO2 à bord des des navires. »