« La demande exprimée durant le test de marché a largement dépassé la capacité disponible. Plusieurs acteurs ont fait part d’un vif intérêt se traduisant par une demande agrégée proche de 12 milliards de m3 par an sur la période de cinq ans », a fait savoir via les réseaux sociaux TotalEnergies Green Gases and LNG, qui avait lancé un appel à manifestation d'intérêt non contraignant du 16 au 30 janvier pour une capacité maximale de 2,5 milliards de m3 par an pendant une période de cinq ans. « Ce succès illustre l’appétit du marché pour des capacités additionnelles de regazéification de GNL en France », ajoute la filiale de TotalEnergies. L’appel d’offres devrait être lancé en mars.
L’installation du premier FSRU en France, le Cape Ann, d’une capacité de regazéification de 45 TWh par an, est en cours au Havre, pilotée par TotalEnergies LNG Services France (TELSF). Il sera le cinquième terminal d’importation de GNL en complément des quatre terminaux méthaniers terrestres à Marseille Fos (Tonkin et Cavaou), Montoire de Bretagne et Dunkerque.
Apport de capacité en regazéification de 5 Gm3 par an
Le méthanier de 145 130 m3, naviguant sous pavillon norvégien et actuellement en opération en Chine, sera amarré en juin au quai de Bougainville Sud, en continuité de l’actuel terminal roulier, pour une mise en service en septembre.
Avec ce projet, le port du Havre retrouve une activité dont il a été un pionnier avec l’accueil, dès 1965, du tout premier terminal méthanier construit en Europe continentale. Ce dernier aura réceptionné du GNL pendant près de 25 ans, jusqu’en 1989. Le nouveau projet pourrait représenter pour le port normand un trafic de 5 Mt par an. Il devrait permettre à la France d'augmenter sa capacité de regazéification d'environ 5 Gm3 par an, tandis que TotalEnergies prévoit de réserver environ 50 % de cette capacité.
Il permettrait alors d’injecter l’équivalent d’environ 60 % du gaz russe importé par la France en 2021, soit 10 % de la consommation annuelle française dans le réseau de GRTgaz. Le GNL sera fourni par les États-Unis, la Norvège, l’Algérie, le Qatar, le Nigéria…
Caractère d’urgence en débat
TotalEnergies affrète le Cape Ann auprès de Hoegh LNG, comme le Neptune qui dessert le nouveau terminal FSRU de Deutsche ReGas à Lubmin. Le navire est détenu à 50 % par Hoegh LNG Partners et à 48,5 % par MOL, déjà très investi dans les souteurs de GNL tandis que Tokyo LNG Tanker intervient à hauteur de 1,5 %.
Dans un arrêt en date du 19 janvier, le tribunal administratif de Rouen – institué par le décret ministériel du 29 septembre 2022 comme unique instance pour statuer sur les recours –, a rejeté les deux référés déposés le 13 janvier par Europe écologie-Les Verts (EELV) Le Havre et Normandie. Le groupe politique faisait valoir que la « mesure d’urgence », défendue lors de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat en août 2022, n’a plus lieu d’être en raison de la baisse des prix du gaz et des stocks de réserve en France, signalés à leur niveau maximal.
Les prix du gaz naturel européen ont en effet chuté après une forte fièvre et ont encore baissé la semaine dernière, la demande s'étant affaiblie avec l'arrivée attendue d'un temps plus doux sur le continent. Les contrats à un mois ont enregistré une perte hebdomadaire de 6,8 % et se sont établis à 53,95 € par mégawattheure le 10 février.
Niveau des stocks historiquement élevé
Selon les perspectives de GRTgaz pour le reste de l’hiver, le risque d’un déficit de gaz en volume sur le reste de l’hiver « apparait très improbable ». Le niveau des stocks de gaz est historiquement élevé (au 15 janvier 2023, il représente 106 TWh soit 80 %), à comparer à une moyenne de 55 % sur les six dernières années à la même date.
La baisse de la consommation en France du 1er août au 15 janvier résulte d’une moindre consommation des clients raccordés aux réseaux de distribution (- 13 %) et de celle des industriels connectés au réseau de transport (- 24 %). Elle est compensée partiellement par une hausse des consommations des centrales électriques au gaz très sollicitées pour pallier les indisponibilités du parc nucléaire (+ 23,3 %).
Les terminaux méthaniers ont largement contribué à l’approvisionnement en gaz cet hiver : 87,7 TWh ont été déchargés dans les terminaux méthaniers français entre le 1er novembre et le 15 janvier 2023, soit 41 % de plus que le précédent niveau à la même date. Pendant cette période, les entrées de GNL ont représenté environ 75 % de la consommation française.
Entre le 1er novembre et le 31 décembre 2022, le pays a accru son rôle de point d’entrée et de transit pour alimenter l’Europe en gaz. L’Hexagone est devenu importateur depuis l’Espagne. L’interconnexion avec l’Allemagne permet depuis le mois octobre 2022 d’exporter du gaz. Le flux avec la Belgique s’est inversé. Les exportations vers la Suisse ont fortement augmenté. Les importations de Norvège restent à un niveau élevé, malgré une baisse pendant la première quinzaine de décembre.
Adeline Descamps