Le président mexicain a trop tardé à confiner son pays. L'arrêt subit de l'économie se traduit par un trop plein de pétrole alors que le Mexique l'utilise en flux tendu en temps normal. Les réserves sont pleines, les pétroliers attendent au large des côtes sans pouvoir décharger leur cargaison. Une scène qui risque de se banaliser ici et là.
Pas moins de 56 navires sont ancrés au large des côtes mexicaines en attendant que les citernes se vident pour être à nouveau remplies, ou qu'un acheteur, ailleurs sur terre, daigne accepter ce que contiennent leurs cales : de l'or noir dont plus grand monde n'a besoin. Une vingtaine d'entre eux attendent ainsi depuis plus d'une semaine déjà.
Jusqu'à hier, le pétrole continuait de sortir des plateformes en mer de la Pemex, l'entreprise d'État des Petróleos Mexicanos. Mais le pays a des capacités de stockage réduites, de l'ordre de trois à cinq jours de sa consommation nationale, ce qui l'oblige à fonctionner habituellement en flux quasi tendu. Mais le process s'est considérablement ramolli, les ventes à la pompe ont enregistré des baisses de 40 % dans les campagnes et jusqu'à 70 % dans les villes. Les citernes de stockage débordent. Là comme ailleurs en ce moment, les cales des pétroliers pallient le manque de stockage.
Fermeture de puits
Mais la mer atteint également son seuil de saturation. Les pétroliers s'égrènent au long de la côte caraïbe, au large des ports de Pajaritos, Tuxpán, Altamira et Dos Bocas. Le record d'immobilisation est détenu par le British Seafarer, ancré au large de Coatzacoalcos depuis un mois. Au total, les estimations font part de 3 millions de barils de pétrole ainsi portés par les flots. Le risque est maintenant de voir s’envoler les coûts de ce stockage en mer, qui s'établiraient à 25 000 $ par jour et par navire.
Hier, le 21 avril, en fin de journée, face à l'effondrement des prix du brut, le président du pays, Andrés Manuel López Obrador, a mis le holà à cet engorgement en décidant de la fermeture de plusieurs puits. Ceci alors que le pays avait investi l'an dernier dans de nouveaux forages. « Maintenant que le pétrole n'a plus de valeur, nous pouvons fermer les vannes », a-t-il indiqué lors de sa conférence de presse quotidienne mardi soir. Il a aussi précisé que le Mexique peut produire plus de pétrole pour ses propres raffineries au lieu de l'exporter et traitera en mai un million de barils de brut.
Quinze ans de baisse
Il n'empêche, l'effondrement des cours du pétrole porte un coup dur à la politique du président mexicain qui avait lancé un plan pour réactiver la production de Pemex. La crainte de la compagnie est maintenant de voir se dégrader au plus bas niveau la note que lui attribue Moody's. Et ce, après quinze ans de baisse de production du pétrole mexicain et des pertes qui ont quasiment doublé l'an dernier. Le poids de la dette de la société d'État est la plus haute de toutes les compagnies pétrolières du monde, avec plus de 100 Md$. Alors qu'elle est dotée de six raffineries, celles-ci ne fonctionnent qu'à 30 % de leur capacité et Pemex est obligé d'importer 65 % des besoins en pétrole du Mexique, principalement depuis les États-Unis.
Myriam Guillemaud Silenko