La longue odyssée des pétroliers pour éviter le Canal de Panama

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Cururo

Pour gagner le Chili depuis Houston, tout en évitant le Canal de Panama, le pétrolier Cururo doit naviguer le long de la côte atlantique de l'Amérique du Sud, traverser le détroit de Magellan et remonte la côte pacifique.

Crédit photo ©shipspotting
L'odyssée d'un pétrolier qui parcourt 10 000 km de plus pour se rendre de Houston au Chili est une nouvelle réalité en mer depuis qu'il doit éviter le canal de Panama. Une reconfiguration des flux de produits raffinés est déjà visible. L'Amérique du Sud se tourne vers l'Asie pour s'approvisionner et les États-Unis vers l'Europe pour écouler leur diesel.
 

L'itinéraire actuel d'un navire-citerne, suivi à la trace par ses données AIS, éclaire sur le parcours qu'il est amené à effectuer pour éviter le canal de Panama, qui n'a jamais autant mérité son statut de choke point.

Pour gagner le Chili depuis Houston, tout en évitant le Canal de Panama, le pétrolier Cururo doit naviguer le long de la côte atlantique de l'Amérique du Sud, traverser le détroit de Magellan et remonte la côte pacifique. Le voyage dure 32 jours pour parcourir 18 520 km au lieu des 23 jours et quelque 8 000 km s'il transitait, comme il en a l'habitude, par le canal de Panama.

Deux autres navires de produits pétroliers raffinés, Green Sky et High Loyalty, ont emprunté ces itinéraires plus longs à destination ou en provenance du Chili, de façon à éviter l'isthme centraméricain.

Face à son problème criant d’eau en raison d’une sécheresse extrême, le gestionnaire du canal de Panama, qui arrive pourtant aux termes de la saison des pluies (de mai à décembre), a renforcé en novembre ses restrictions de passage et de tirant d'eau pour la énième fois depuis avril.

L’administration du canal prévoit de réduire les transits de 43 % d'ici au 1er février 2024. Seuls 22 navires par jour (au lieu de 34-36) sont autorisés depuis le 1er décembre à franchir les écluses néo-panamax. Cette jauge sera ramenée à 20 créneaux en janvier et à 18 à partir du 1er février.

Les limites de tirant d’eau, à 13,3 m pour les écluses récentes et 12,06 m pour les anciennes, qui avaient été annoncées préalablement, seront la règle durant une bonne partie de l'année 2024.

Au 14 décembre, selon le système de notification du canal, 69 navires attendaient de pouvoir transiter, dont 27 sans réservations, pour un temps d'attente moyen de huit jours, quel que soit le sens.

L'Autorité a récemment modifié son système de vente aux enchères en introduisant un système de « fast pass » que les navires qui attendent depuis au moins 10 jours peuvent obtenir en payant une prime lors de ventes aux enchères spéciales et qui concerne le dernier créneau de transit disponible par jour.

Déraison

Les créneaux se raréfiant, ils s'emportent pour des sommes déraisonnables à 7 chiffres. Début novembre, selon les courtiers, un opérateur de pétrolier a payé, pour un transport de GPL, près de 4 M$ pour obtenir un créneau destiné à un navire néo-panamax qui se vend en principe entre 1 et 1,5 M$.

Selon Poten & Partners, ce sont bien les transporteurs de gaz de pétrole liquéfié de grande capacité, les méthaniers et les grands transporteurs de gaz (VLPG), qui sont le plus impactés car opérant en tramping, ils n'ont pas la possibilité de réserver des créneaux longtemps à l'avance.

Des impacts visibles

Cité par Reuters, un analyste de la société spécialisée dans l'analyse des matières premières Kpler anticipe un reconfiguration des flux de produits pétroliers induite par une diminution des volumes d'origine américains acheminés vers la côte ouest de l'Amérique du Sud, en particulier vers le Chili.

À la place, le pays d'Amérique du Sud se tournera vers l'Asie, estime l'analyste, tandis que les flux de diesel américains se dirigent de plus en plus vers l'Europe.

Environ 45 % des exportations américaines de diesel ont en effet eu l'Europe pour destination jusqu'à présent en décembre, contre environ 21 % le mois dernier.

La réorientation des flux de produits raffinés, qui allongent les tonnes-milles, devrait gonfler les taux de fret.

Adeline Descamps

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