En 2022, le commerce mondial total de GNL a atteint 397 Mt. Selon les prévisions, la demande de GNL devrait atteindre 650 à plus de 700 Mt par an d'ici 2040, peut-on lire dans les Perspectives de Shell pour 2023, le premier acteur mondial dans la distribution du GNL, présent sur toute la chaîne de valeur.
Les pays européens, le Royaume-Uni compris, ont importé 121 Mt de GNL en 2022, soit une augmentation de 60 % par rapport à 2021. En revanche, une baisse de 15 Mt des importations chinoises, associée à une réduction des importations des acheteurs d'Asie du Sud, a aidé les pays européens à sécuriser leurs volumes.
Effets dominos
« La guerre en Ukraine a eu des répercussions considérables sur la sécurité énergétique dans le monde et a provoqué des changements structurels sur le marché qui sont susceptibles d'avoir un impact sur l'industrie mondiale du GNL à long terme, soutient Steve Hill, vice-président exécutif de Shell pour le marketing énergétique. Elle a également souligné la nécessité d'adopter une approche plus stratégique –- par le biais de contrats à plus long terme – pour garantir un approvisionnement fiable et éviter de s'exposer à des flambées de prix. »
Avec la réduction du gaz russe acheminé par gazoduc (- 58 % par rapport à la moyenne de la période 2019 à 2021), le GNL qui a pris le relais est devenu un pilier de la sécurité énergétique européenne, soutenu par le développement rapide de nouveaux terminaux de regazéification dans le nord-ouest de l'Europe. En revanche, la Chine, qui était un marché d'importation à croissance rapide, serait en train de jouer un rôle plus flexible, avec une capacité accrue à équilibrer le marché mondial du GNL, assure le groupe pétrolier et gazier.
En 2019, le GNL était consommé à près 75 % en Asie tandis que la Russie et les États-Unis se partagaient les investissements dans la production. Le marché mondial du GNL était alors sur-approvisionné, notamment inondé par le gaz de schiste américain qu’il a fallu écouler à n’importe quel prix. Grâce à ses terminaux méthaniers, l’Europe, marché organisé, a permis d’absorber cette production.
En 2022, la demande européenne de GNL a également eu d’autres conséquences, contraignant des acheteurs à réduire leurs importations et à se tourner vers d'autres combustibles. Ainsi, les prix mondiaux élevés du GNL ont entraîné une baisse des importations de GNL en Asie du Sud, le Pakistan et le Bangladesh ayant importé davantage de fuel pour ne pas risquer les pénuries d'électricité et l'Inde ayant eu davantage recours au charbon.
Première réduction de voilure en janvier
Les importations mondiales se sont contractées en janvier pour la première fois depuis février 2021 (-1,4 % sur un an à 36,7 Mt), sauf en Europe où les livraisons ont augmenté (+ 6 % à 12,2 Mt) pour compenser le tarissement des gazoducs russes, indique aussi le premier rapport publié par le Forum des pays exportateurs de gaz. Ce groupe de pays producteurs de gaz formé autour du Qatar* (GECF), qui apparaît comme un calque de l’Opep, revendique 72 % des réserves mondiales et 44 % de la production de gaz vendue dans le monde.
Selon ce premier baromètre mensuel, l'Union européenne aurait consommé 19 % de gaz de moins qu'en janvier comparé à janvier 2022, soit 40 milliards de m3, grâce notamment à des températures au-dessus des normales saisonnières. Les efforts d'économies d'énergie sollicités par les pouvoirs publics et les restrictions des industriels en raison des prix élevés sur le marché européen ont aussi contribué à freiner la consommation.
Gaz de schiste américain en hausse de 10 %
Au Royaume-Uni, où la consommation est en baisse de 16 % selon le GECF, à 7,4 milliards de m3, un hiver doux, des prix élevés ont produit les mêmes effets mais la hausse de la production d'électricité hydraulique (+ 32 % en janvier sur un an), éolienne (+ 30 %) et solaire (+ 3 %) ont aussi joué.
Pour autant, si le recours au gaz a été plus faible que prévu, les centrales électriques ont vu leur consommation de charbon augmenter de 24 % tandis que l’usage de l'hydraulique a progressé de 8 %. Il ressort également du rapport que le gaz norvégien a pallié en partie les absences russes par gazoducs, ayant fourni 47 % des livraisons en 2022, désormais premier fournisseur.
Quant à la production de gaz américaine, elle est en hausse de 5 % en janvier, à 86,3 milliards de m3, avec une production de gaz de schiste dopée de 10 %, notamment au Texas.
Adeline Descamps
*Outre sept pays observateurs dont la Norvège, le Forum des pays exportateurs de gaz compte douze Etats membres : le Qatar, les Émirats arabes unis, la Russie, l'Algérie, l'Égypte, l'Iran, le Nigeria, la Guinée équatoriale, le Vénézuela, la Bolivie, la Libye, et Trinité-et-Tobago.