GTT : un carnet de commandes de 1,8 Md€ et trois années de chiffre d'affaires sécurisé

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Le spécialiste mondial des membranes cryogéniques, constant dans les surperformances, a encore engrangé les records l'an dernier, profitant d'une année record dans la production de GNL et dans les commandes de méthaniers. Son carnet de commandes lui offre une visibilité de plusieurs années. 

Pour ses dix ans en bourse, GTT, dont les technologies permettent notamment de maintenir le gaz naturel liquéfié (GNL) à une température de - 163°C afin qu'il reste liquide, s'est offert de bons résultats. À vrai dire, depuis 2014, date de sa première cotation, l’entreprise française, dont Engie est actionnaire à un peu plus de 28 %, engrange les performances sur le marché. En témoignent l’évolution de son cours de bourse (+ 185,4 % en dix ans), son rendement (+ 383,3 %) et sa valorisation boursière de 4,9 Md€.

Ses activités margent, avec constance, à des niveaux proches de 60 %, son chiffre d’affaires étant composé aux 9/10e de redevances. Entre 80 et 90 % des méthaniers en circulation dans le monde sont équipés de ses cuves en alliage spécifique qui permettent de s’affranchir des réservoirs sphériques lestant le navire.

Une année à double record

L’an dernier, GTT a profité d’une année record à deux niveaux : une grande année pour la production de GNL et pour les commandes pour les méthaniers.

« C’est la deuxième meilleure année dans l’histoire de la production de GNL avec de nouvelles installations de liquéfaction d'une capacité totale de 56 Mt par an », introduit Philippe Berterottière, PDG de l'entreprise.

Et l'année a bien démarré. Le Qatar annoncé le 25 février une augmentation de près de 85 % de sa production par rapport aux niveaux actuels, ce qui portera sa capacité à 142 Mt par an d'ici 2030, soit 16 Mt de plus que ce qui était déjà prévu. Cette intention placera la petite monarchie du Golfe loin devant tous les autres grands producteurs de mondiaux de GNL (États-Unis, Australie, Russie). Et la plus grande compagnie gazière de la monarchie du Golfe QatarEnergy a déjà 137 méthaniers à son carnet de commande.

L'année 2023 a également été pour l’entreprise parisienne une année record avec 73 commandes de méthaniers, et de façon bien plus modeste, comptabilise aussi deux éthaniers de grande capacité et une unité flottante de liquéfaction de GNL (FLNG).

Un carnet de commande de 1,8 Md€

Ces contrats portent son carnet de commandes à 1,8 Md€ avec 311 navires au 31 décembre 2023 (contre 274 enregistrés en 2022). Ces résultats placent sous un signe favorable son chiffre d’affaires pour les trois prochaines années en sécurisant 517 M€ en 2024, 628 M€ en 2025 et 464 M€ en 2026.

L’an dernier, l’entreprise a enregistré des revenus en hausse de 39 %, à 428 M€ pour un bénéfice d’exploitation (avec charges et impôts) de 235 M€ (+ 46 %) et un résultat net de 201 M€ (+ 57 %), ce qui permettra d’offrir à ses actionnaires un dividende correspondant à 80 % du résultat net.

Trois moteurs

« Il y a trois bascules importantes qui servent de moteurs à la demande, explique le CEO de GTT, celle du charbon vers le gaz, du gazoduc au GNL et d’un renouvellement de la flotte [vieillissante] de méthaniers sous l’impulsion des réglementations environnementales de plus en plus strictes. »

« Passer du charbon au gaz car est un moyen extrêmement efficace de réduire les émissions de CO2 en les divisant par deux. Le charbon représente toujours 30 % du mix énergétique mondial ». Philippe Berterottière se félicite à cet égard que la COP28 ait reconnu le gaz comme une partie de la solution de la transition énergétique. Un bon signal car le GNL prête à controverse. Dans le secteur maritime, les fuites de méthane, également appelées « émissions fugitives » fondent les principales critiques formulées à son endroit, portées par les organisations environnementales mais aussi par des grandes institutions internationales, telle que la Banque mondiale, qui détient un statut d’observateur à l’OMI. 

Le second moteur de la demande, poursuit le dirigeant, porte sur le passage des gazoducs, dont l’acheminement est terrestre, au GNL, qui lui se transporte par la mer. Un effet ricochet de la guerre en Ukraine et des engagements de l’UE à s’affranchir de son gaz.

Dynamique de marché favorable

« On sait que les gazoducs rendent le client prisonnier de son fournisseur et inversement, qui ainsi ne peuvent pas profiter de la dynamique du marché [baisse des prix spot du GNL, NDLR]. On a vu par ailleurs que ces infrastructures étaient très vulnérables [cf. Nord Stream, NDLR] ».

S’appuyant sur la croissance estimée par les acteurs de l’industrie, tels que BP ou Shell, le spécialiste estime que la demande de GNL, qui va connaître une croissance de 4,9 à 5,7 % par an d’ici 2030, va soutenir la production et donc la croissance de navires à construire, son cœur de marché, faut-il le rappeler.

GNL en tant que carburant marin

Ralenti par les envolées du prix du gaz dans la foulée de la guerre en Ukraine, le GNL en tant que carburant maritime progresse plus lentement. « Ce marché dépend du prix du gaz, des alternatives de carburants [méthanol, ammoniac, NDLR] et des commandes. Nous avons enegistré ces dernières années une percée dans les porte-conteneurs dont les commandes sont à l'arrêt après deux ans d'intense activité », justifie le dirigeant.

GTT a enregistré 15 commandes pour concevoir les réservoirs cryogéniques (dix porte-conteneurs pour Yangzijiang et cinq de Hyundai Heavy Industrie) au cours de l’exercice 2023, bénéficiant d’un retour à la normale des prix spot du GNL.

Illustrant la montée en gamme des chantiers navals chinois dans la construction des méthaniers, dont les sud-coréens sont les maîtres absolus, 30 % de ses commandes proviennent désormais des constructeurs chinois, soit 90 sur les 311 commandes.

GNL/méthanol, une bataille ?

« Le GNL est la seule solution disponible pour un coût abordable avec une réduction déjà conséquente des émissions de CO2 », maintient Philippe Berterottière.

Pourtant, le GNL est de plus en plus challengé par le méthanol dans les commandes, surtout dans le conteneur. L’an dernier, sur les 539 navires commandés avec une motorisation intégrant des carburants alternatifs, la plus grande part des commandes a concerné une double motorisation avec le GNL (220) et le méthanol (125) contre quatre unités pour l'ammoniac.

« Le méthanol vert, qui sera quatre à cinq fois plus cher et génère aussi du CO2, ne sera probablement pas disponible en quantités suffisantes avant la prochaine décennie et pour l’ammoniac vert, l’échéance est encore plus lointaine » affirme le PDG, pragmatique sur le sujet. « Il faut utiliser les solutions telles qu’elles existent quand elles existent ».

Diversification dans l'hydrogène

Parallèlement, l'entreprise technologique exploite son expertise pour diversifier sa gamme de solutions, comme pour le transport de l’hydrogène liquide. « Nous travaillons avec Shell sur un petit hydrogénier de 10 000 m3 avec TotalEnergies et LMG Marin et Bureau Veritas sur un navire de 150 000 m 3, pour lesquels nous avons obtenu un certain nombre de validation des sociétés de classification », précise le PDG, qui pilote par ailleurs le comité de filière des industries de la mer.

L’entreprise croit au potentiel de l’hydrogène vert en tant qu’élément critique pour la transition énergétique, explique Jean-Baptiste Choimet, directeur général de GTT. Raison pour laquelle le groupe a racheté en 2020 Elogen spécialisée dans les électrolyseurs PEM destinés à la production d’hydrogène vert (cf.plus bas).

Nouvelle acquisition

Enfin, témoignant de son intérêt pour les services numériques, ramassés au sein de sa filiale Ascenz Marorka, l’entreprise technologique vient d’acquérir Vessel Performance Solutions (VPS), une petite entreprise de 12 personnes mais « des profils à haut valeur ajoutée », précise le CEO.

La société danoise développe des logiciels qui améliorent la performance énergétique des navires grâce à l’analyse de leurs données opérationnelles, « sans avoir à ajouter des systèmes d'acquisition de données ou des capteurs à bord ». Plus de 1 200 navires exploitent cette offre.

Adeline Descamps

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Elogen : trois contrats en forme de grandes premières

« L’écosystème autour de l'hydrogène vert continue de se structurer, avec la mise en place de plans de financements publics de grande ampleur dont témoigne le lancement récent des PIIEC, projet important d'Intérêt européen commun (12 approuvés en France en 2023 parmi lesquels Elogen qui a obtenu des financements notamment pour sa gigafactory, NDLR) », explique Jean-Baptiste Choimet, directeur général de GTT. Raison pour laquelle le groupe a racheté il y a quelques années Elogen, spécialisée dans les électrolyseurs PEM destinés à la production d’hydrogène vert.

« Par ailleurs, nos équipes commerciales sont en contact avec les grands comptes de l’énergie et on observe chez plusieurs d’entre eux un recentrage vers des projets d’électrolyseurs de plus petite taille, plus faciles à réaliser ».

Selon le scénario de l’Agence internationale de l'énergie (AIE), pas moins de 55 GW de capacités seront nécessaires d’ici 2030 contre 1 à 2 GW de capacités d’électrolyses installées dans le monde, rappelle le DG, alors que 90 Mt d’hydrogène sont consommées actuellement et pour l’essentiel d’origine fossile. « Donc, l’enjeu et le potentiel sont considérables pour nous ».

Gigactory en construction

En 2023, la filiale a emporté trois contrats, dont deux grandes premières. Pour Enertrag, elle construit un électrolyseur de 10 MW destiné à l’Allemagne, le premier de l’entreprise de cette taille.

Le second concerne un projet offshore au large des Pays-Bas de 2,5 MW pour CrossWind (joint-venture entre Eneco et Shell) et connecté à une ferme éolienne. « Il nous offre un terrain de jeu privilégié pour la technologie à membranes échangeuse de protons (PEM) que nous proposons ».

Enfin, deux contrats en Corée 2,5 MW lui permettent d’ouvrir ce marché (que GTT connaît bien pour ses autres activités, étant très introduit dans les chantiers navals sud-coréens, grands faiseurs des méthaniers).

Mais le grand projet reste surtout sa gigafactory en construction à Vendôme dont la mise en service est envisagée fin 2025 avec pour vocation, la production à grande échelle de stacks (réacteurs de ses électrolyseurs).

Sur le plan commercial, Elogen a réalisé un chiffre d’affaires de 10,1 M€ l’an dernier, en croissance de 117 % mais un Ebitda en perte de 19,7 M€ (-14,7 M€ sur l’exercice 2022).

A.D.

 

 

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