GNL : y a-t-il trop de terminaux d'importation en Europe ?

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Les nouvelles capacités d'importation de GNL dépassent les prévisions de la demande, alerte l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis qui a relevé près de 256 milliards de m3 de capacités inutilisées. Entre juin et juillet 2023, les États membres de l'Union européenne ont dépensé 41 Md€ pour importer du GNL, dont 9,72 Md€ par la France.

Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'Europe a entrepris de s'affranchir du gaz russe, qui lui était fourni par gazoduc avec pour objectif de réduire son approvisionnement d'au moins 155 milliards de m3 d'ici à 2030. En lieu et place, elle a jeté son dévolu sur le gaz naturel liquéfié (GNL). Une aubaine de marché pour le transport maritime puisque le GNL embarque sur les méthaniers.

Alors que le vaste réseau européen d'infrastructures de GNL compte déjà 36 terminaux opérationnels, dont quatre ont des extensions programmées, et 17 en construction ou en planification, six nouveaux projets sont entrés en service cette année aux Pays-Bas, en Allemagne, en Finlande et en Italie.

Ce décompte exclut celui d'El Musel en Espagne, mis en sommeil immédiatement après sa construction et remis en service en août dernier mais dans une configuration de chargement, déchargement et stockage. Il n'intègre pas non plus le FRSU Cape Ann de TotalEnergies LNG au Havre, qui n'était pas opérationnel lors de la rédaction de l'étude. Quant à l’infrastructure de Shannon LNG, dont la construction devait démarrer fin 2023, elle a été suspendue pour des raisons climatiques.

36,5 milliards de m3 de capacités nouvelles

L’Europe s’est ainsi dotée de 36,5 milliards de m3 de capacités nouvelles d'importation par an de GNL depuis début 2022 tandis que 106 milliards supplémentaires sont en projet d'ici 2030, ce qui porterait l'offre européenne à 406 milliards de m3. Soit une hausse de 143 milliards de m3 par rapport au niveau de 2021, selon l'IEEFA.

Entre juin et juillet 2023, les États membres de l'Union européenne ont dépensé 41 Md€ pour importer du GNL (9,72 Md€ par la France, deuxième poste d’achat en Europe derrière les Pays-Bas), en grande partie auprès des États-Unis pour 17,2 Md€ et... la Russie (5,5 Md€).

Or, assurent les auteurs du rapport, les importations de GNL se sont stabilisées et la consommation de gaz est en baisse.

Taux d'utilisation des terminaux de 58 %

Selon les données de l’IEEFA, rien que sur cette année, 19,5 milliards de m3 de nouvelles capacités ont été mises en service alors que la consommation européenne de GNL n'a augmenté que de 4,8 milliards de m3. Le taux d'utilisation moyens des terminaux européens de GNL n'a ainsi atteint que 58 % entre janvier et septembre 2023.

Une baisse significative a été de surcroît observée en septembre 2023, les volumes importés s'avérant en retrait de 18 % par rapport à septembre 2022.

Un écart de 256 milliards de m3

Sur la base de ses données, il y a donc un écart de 256 milliards de m3 (potentiellement inutilisées) entre la demande prévue à 150 milliards de m3 en 2030 et les nouvelles capacités de regazéification en chantier et en programmation (406 milliards donc).

« La baisse de la demande de gaz remet en cause le discours selon lequel l’Europe a besoin de davantage d'infrastructures de GNL pour atteindre ses objectifs en matière de sécurité énergétique. Les données montrent que ce n’est pas le cas », assène Ana Maria Jaller-Makarewicz, analyste au sein de l'IEEFA.

Quatre terminaux méthaniers en Russie

L’étude éclaire un autre phénomène que nul n'est plus censé ignoré mais elle apporte du concret. La Russie, qui exploite quatre complexes de GNL – Yamal (capacité de 17,44 Mt par an), Portovaya (1,5 Mt/an) et Vysotsk (0,66 Mt/an) côté Altantique et Sakhaline (10,8 Mt/an) dans le bassin pacifique –, n’a pas été pénalisée du tout.

À fin septembre, les pays européens avaient importé des volumes similaires à ceux de janvier-septembre de l'année dernière. Soit 14,44 milliards de m3 depuis Yamal (qui a transité à hauteur de 37 % par Zeebrugge, ce que reflètent les données de trafic du 2e trimestre mais pas le troisième), 1,17 milliard de m3 de Portovaya et 0,67 milliard de m3 de Vysotsk.

Outre le port côtier belge, Montoir-de-Bretagne (1,19 milliard de m3) et Bilbao ont largement profité du gaz de Yamal entre janvier et septembre 2023.

Un cinquième terminal en France

Pour rappel, la France s'alimente aujourd'hui via quatre terminaux méthaniers :  deux à Fos-sur-Mer, un à Montoir-de-Bretagne, tous opérés par Elengy et un à Dunkerque par Dunkerque LNG, consolidant une capacité d'environ 26,8 Mt par an.

Le Cape Ann, premier terminal d'importation de GNL non terrestre, est arrivé au Havre mi-septembre, où le méthanier de 145 130 m3 a été amarré au quai de Bougainville Sud, en continuité de l’actuel terminal roulier.

Le navire, affrété à la coentreprise détenue par Hoegh LNG Partners et l’armateur japonais MOL, est opéré par TotalEnergies LNG Services France (TELSF). Il doit permettre à l’Hexagone d'augmenter sa capacité de regazéification d'environ 5 milliards de m3 par an, tandis que TotalEnergies prévoit de réserver environ 50 % de cette capacité.

Le gaz sera en grande partie d'origine américaine. Avec ce projet, qui pourrait représenter un trafic de 5 Mt de GNL par an, le port du Havre retrouve une activité dont il a été un pionnier avec l’accueil, dès 1965, du tout premier terminal méthanier construit en Europe continentale. Il a réceptionné du GNL pendant près de 25 ans, jusqu’en 1989.

Adeline Descamps

 

 

 

 

 

 

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