Selon le Fonds monétaire international (FMI), le PIB de la Chine augmentera de 5,2 % en 2023, ce qui serait légèrement supérieur à l'objectif de 5 % fixé par Pékin et bien au-delà de la croissance de 3 % enregistrée en 2022. Mais la convalescence est lente et fragile après une année bridée par la radicalité d’une politique sanitaire.
Alors que le PIB de la seconde puissance économique mondiale a augmenté de 4,5 % au premier trimestre 2023, un léger affaiblissement de la demande intérieure a été observé ces deux derniers mois.
Passé en territoire de récession
La reprise économique de la Chine n'aura vraiment pas été linéaire ni prévisible depuis la fin de son confinement. La contraction de l'indice manufacturier chinois avait déjà surpris en avril après un trimestre où les indicateurs s'étaient resaissis alors qu'ils étaient attendus en berne.
À 49,2 contre 51,9, l'indice officiel des directeurs d'achat (PMI), qui traduit l'état du secteur manufacturier, est passé en avril sous le seuil (50), qui sépare la croissance de la récession pour la première fois depuis décembre. Le recul des commandes à l’export expliquait en grande partie la dégradation puisque le sous-indice qui les reflète était lui aussi passé de l'autre côté de la frontière fatidique (47,6 contre 50,4 en mars).
Des signaux faibles contraires
La semaine dernière, deux séries de données traduisant l’humeur du secteur industriel chinois pointaient dans des directions opposées. Le PMI suggérait une nouvelle contraction tandis que l'indicateur alternatif Caixin, plus optimiste, indiquait une croissance modeste.
« La semaine à venir doit livrer des données sur le commerce et l'inflation en Chine, ce dernier indicateur donnant aux dirigeants chinois plus ou moins de marge de manœuvre pour stimuler l'économie dans un contexte de reprise de plus en plus inégale », indique Ulf Bergman, économiste chez Shipfix, plateforme de données sur le transport maritime et les matières premières.
PMI à son point le plus bas
En mai, le PMI s’est en effet encore détérioré, à 48,8 points, son plus bas niveau depuis cinq mois selon le Bureau national des statistiques (NBS).
Le passage à vide touche aussi d’autres piliers de la deuxième économie mondiale, à savoir la construction et les infrastructures. L'investissement immobilier a chuté de 16,2 % en avril tandis que les ventes de biens immobiliers se sont dégradées de 11,8 % après s'être repliées de 3,5 % en mars.
Ventes au détail en forme
En revanche, la vente au détail a bondi de 18,4 % en avril par rapport au même mois de l'année précédente. Mais les dépenses de détail n'exercent pas la même influence sur la demande de matières premières, bien qu'elles contribuent à stimuler la demande de carburants raffinés tels que l'essence et le kérosène.
C’est la construction et l'industrie manufacturière, secteurs à forte consommation de cuivre et de minerai de fer, principal ingrédient principal de l’acier, qui stimulent les importations de produits de base. La construction et les infrastructures représentent environ 55 % de la consommation d'acier en Chine, et l'industrie manufacturière, 30 %. La faiblesse de ces secteurs devrait se matérialiser par une nouvelle chute des importations dans les mois à venir.
Des perspectives qui restent positives
Selon les projections de Refinitiv Oil Research, les importations de minerai de fer par voie maritime vont s'élever à 93,29 Mt en mai (90,44 Mt en avril). L’association la plus représentative du secteur, la World Steel Association, prévoit pour sa part une augmentation de la demande d’acier de 2,3 % et de 1,7 % en 2023 et 2024, respectivement.
Selon ses projections, la demande chinoise d'acier devrait s'améliorer grâce aux projets d'infrastructure et à la forte production automobile. La demande du secteur immobilier pourrait également se rétablir au second semestre de cette année, grâce aux mesures de soutien du gouvernement.
Rebond économique moins fort que prévu
D’après Kpler, spécialiste des données sur les matières premières, la Chine a importé par la mer 34,33 Mt de charbon, thermique et sidérurgique, en mai, en hausse par rapport aux 33,61 Mt en avril, mais en baisse par rapport aux 34,42 Mt de mars.
Selon l’analyste, la performance de mai traduit les anticipations des raffineurs et des aciéries chinoises dans la perspective d'un rebond économique plus fort qu'il ne l'a été en réalité.
Si tel est le cas, il est probable qu'ils envisagent de réduire leus entrées, en particulier si la série de données économiques médiocres a des prolongements.
Toutefois, si les prix du pétrole brut, du minerai de fer, du charbon et du cuivre continuent de baisser, les acheteurs chinois pourraient aussi être tentés de constituer des stocks.
Les contrats à terme sur le minerai de fer négociés à Singapour ont soldé la semaine dernière à 105,07 $ la tonne, en baisse de 10 cents par rapport à la clôture précédente et environ 20 % en dessous du pic de cette année de 131,19 $, observé le 15 mars.
Le BDI en baisse de 21,6 %
L'indice Baltic dry épouse ces mouvements, ayant accusé une baissé de 21,6 % au cours des quatre dernières séances, les capesize tirant le segment vers le bas. Au premier trimestre, le revenus de ces grands vraquiers sollicités pour le transport du minerai de fer s’étaient pourtant bien redressés alors que les taux de fret moyens étaient faibles depuis le second semestre 2022.
Le segment est confronté à une offre excédentaire. En milieu de semaine dernière, le sentiment s'est considérablement dégradé et l'indice global de l'affrètement à temps a perdu 33 % pour clôturer à 9 254 $. Les voyages vers l’Atlantique Nord ont été négociés à des taux considérablement réduits tandis que conditions ont continué à se dégrader dans le Pacifique.
Résolution de la crise immobilière
Les taux spot pourraient toutefois augmenter au cours des prochains mois pour certaines catégories de navires en raison de facteurs saisonniers, tels que la demande accrue de charbon pendant les mois d'été et les récoltes de céréales dans l'hémisphère nord à partir de juillet.
« La demande chinoise pourrait également s'intensifier à mesure que l'économie se renforce et que le gouvernement continue de travailler à la résolution de la crise immobilière en Chine », fait valoir le Bimco qui vient de publier ses projections.
Selon l’une des plus grandes associations internationales du transport maritime avec plus de 2 000 membres et 60 % du tonnage mondial, la demande mondiale de vrac sec devrait augmenter de 1,5 à 2,5 % en 2023, et de 1 % à 2 % en 2024. « Toutefois, il ne faudra pas grand-chose pour perturber cette amélioration ». Encore et toujours, tout dépendra de l'état de santé économique de la Chine. Jusqu'à présent, la « reprise » est vélléitaire.
Adeline Descamps