Porté par le géant britannique de la chimie Ineos et l’énergéticien allemand Wintershall DEA, à la tête d’un consortium d’une vingtaine de sociétés, le projet Greensand est sans doute le plus abouti à cette échelle à se concrétiser dans l’Union européenne, responsable de plus ou moins 3 à 4 milliards de tonnes de gaz à effet de serre. « Il est la première chaîne de valeur complète, a fait valoir Ursula von der Leyen », la présidente de la Commission européenne. « C’est aussi une réussite européenne en matière de coopération transfrontalière ». La cheffe de l’exécutif européen fait référence à une des particularités du projet: le carbone sera capté en Belgique (bientôt en Allemagne également), transporté par la route au port d’Anvers où il sera chargé dans des conteneurs-citernes construits sur mesure pour le transport maritime puis acheminé par la mer jusqu’à la plateforme Nini, dans la partie danoise de la mer du Nord, qui loge déjà de nombreux gazoducs et réservoirs géologiques vides après des décennies d’exploitation pétrogazière. Le CO2 sera transféré sur un jack-up où il sera maintenu à une pression de 20 bars et à une température de 7 °C. Il pourra alors être injecté dans un réservoir à 1 800 m de profondeur.
Le site aura la possibilité de stocker à horizon 2025/2026 jusqu’à 1,5 Mt de CO2 par an puis 8 Mt de CO2/an en 2030. Le projet se trouve actuellement dans la phase de validation du concept. Si elle est concluante, le CO2 sera transporté sur des navires dédiés. Les partenaires de Greensand prévoient de prendre une décision finale d’investissement (FID) au premier semestre 2024.
À proximité, TotalEnergies a obtenu en février l’autorisation du gouvernement danois pour évaluer le potentiel de stockage de CO2 dans ses eaux territoriales. Ces droits portent sur une surface de 2 118 km2 et recouvrent les champs gaziers de Harald, actuellement opérés par le groupe français. Le projet Bifrost, dont TotalEnergies sera l’opérateur (80 %) aux côtés de l’entreprise publique Nordsøfonden (20 %), est dimensionné pour assurer le transport et le stockage de plus de 5 Mt de CO2/an.
Le groupe français est impliqué dans quatre projets de ce type, tous en mer du Nord: outre Bifrost, Northern Lights en Norvège, le NEP au Royaume-Uni et Aramis aux Pays-Bas (qui vise pour 2030 une capacité allant jusqu’à 8 Mt/an).
Le très médiatique Northern Lights, lancé en 2020, doit démarrer en 2024 avec un potentiel de stockage dans des couches géologiques à 2 600 m sous la mer jusqu’à 5 Mt à terme.
La coentreprise a commandé au constructeur chinois Dalian, en octobre 2021, ses deux premiers navires d’une capacité de 7 500 m3, soit près du double de celle des transporteurs existants. Immatriculés sous pavillon norvégien et propulsés au GNL, ils devraient être livrées durant le premier semestre 2024.
Ils transporteront le CO2 capté en Europe jusqu’au terminal de réception de Northern Lights à Øygarden, dans l’ouest de la Norvège. De là, le dioxyde de carbone sera transporté par un pipeline jusqu’à son stockage permanent. Le terminal aura la capacité de stocker jusqu’à 1,5 Mt par an dans un premier temps. Northern Lights a engrangé en mai son deuxième grand client après le fabricant d’engrais et d’ammoniac Yara (800 000 t à capter par an). Le groupe énergétique danois Ørsted lui a attribé le marché du transport et du stockage de 430 000 t par an. Les émissions de CO2 biogénique seront saisies Le CO2 sera capté sur les deux centrales électriques biomasse d’Asnæs et d’Avedøre au Danemark. Le contrat est prévu pour une durée de dix ans.