À vol d’oiseau, le site de Cadarache, où est en cours d’implantation le réacteur expérimental de fusion nucléaire Iter, n’est distant que d’une vingtaine de kilomètres du port de Marseille. La taille gigantesque des éléments qui le composent, provenant par voie maritime depuis plusieurs pays partenaires, a rendu nécessaire une logistique complexe, coordonnée par Daher, pour les acheminer jusqu’au lieu de construction.
Saint-Paul-lez-Durance, au pied du massif du Luberon, se trouve au confluent du Verdon et de la Durance. Ces rivières n’étant pas navigables, le transport fluvio-maritime depuis Fos-sur-Mer, où débarquent les navires chargés des éléments du réacteur, a pour destination le port de la Pointe, à Berre-l’Étang. Les derniers kilomètres se font par la route en convois exceptionnels.
C’est à la Compagnie fluviale de transport (CFT, groupe Sogestran) que Daher a confié la partie nautique du transport, qui comprend la traversée de la rade de Fos, puis celle de l’étang de Berre. Les premiers essais de transport ont été effectués en 2013, avant un début effectif des opérations un an plus tard, avec l’arrivée du ponton Libeccio et de la barge Sirocco. Ces deux unités ont été spécifiquement conçues pour les transports rouliers de colis lourds et sont mobilisées sur Iter, mais aussi sur bien d’autres missions.
Longue de 79 m pour une largeur de 11,4 m, le Sirocco est une barge ro-ro ballastable et peut ainsi s’échouer sur une rampe à marches. Elle peut être utilisée aussi bien poussée en fluvial ou remorquée en zone maritime. Après ballastage peut y être introduit le Libeccio, un ponton roulier à flaps qui comble la cale pour que l’ensemble soit à niveau d’un quai haut.
À Fos, Sogestran exploite aussi depuis 2017 le Beluga 2, navire fluvio-maritime de 80 m de long et d’une capacité de 1 800 t. Sa largeur de 16 m ne l’autorise pas à franchir les écluses du Rhône, mais sa rampe ro-ro et ses ballasts en font un outil portuaire et côtier polyvalent. Pour Jérôme Dumas, chargé d’affaires colis lourds pour le groupe havrais, il s’agit du « chaînon manquant pour certains trafics, où il est utilisé en complément d’un gros navire bigué et peut aussi charger en ro-ro sur un quai ».
Iter représente une grosse partie de l’activité du Beluga 2. La plupart des colis XXL du gigantesque puzzle industriel ont d’ailleurs été chargés sur les barges de Sogestran en ro-ro à Fos, certains à la grue, soit avec le matériel de Sosersid, soit directement par les navires qui les ont débarqués à Fos, mais tous les déchargements à Berre-l’Étang se font en roulier puisqu’il est impossible d’installer une grue dimensionnée au port de la Pointe.
« De Berre à Cadarache, un itinéraire routier exceptionnel est possible, mais ce n’est pas le cas depuis Fos, souligne Jérôme Dumas. En raison de la topographie, nos barges spécialisées assurent le liant entre le maritime et le routier. Le multimodal prend ici toute sa place. »
Les colis peuvent peser de 90 à 600 t pour le plus lourd, avec des dimensions jusqu’à 11 m de large et 20 m de long. Parfois, le recours à la barge se fait pour des raisons purement économiques: ainsi, plusieurs transformateurs peuvent être embarqués en un seul voyage alors que plusieurs convois routiers exceptionnels auraient été nécessaires.
À certains pics d’activité, Sogestran a pu assurer jusqu’à cinq à six voyages par mois. En tout, près d’une centaine a déjà été effectuée à travers le golfe de Fos et l’étang de Berre. S’agissant d’un réacteur expérimental, l’assemblage peut être modifié ou amélioré à chaque pas en avant vers la fusion de l’atome. Du retard a par ailleurs été pris parce que des défauts de fabrication ont été décelés sur certaines pièces. Alors que la construction devait être achevée en 2019, la date ne cesse d’être repoussée.