Éolien: un marché taillé sur-mesure pour les colis lourds

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Les installations d’éoliennes en mer, en cours de déploiement sur la Manche, vont assurer à quelques pôles portuaires majeurs un flux croissant de colis lourds et hors normes à manutentionner. Des volumes alimentés tant par les importations d’éoliennes terrestres que par les exportations de pales ou turbines assemblées sur les terre-pleins.

Alors que la France a enclenché la dynamique bien après les pays riverains de la mer du Nord, les chantiers d’installation d’éoliennes au large des côtes françaises se succèdent désormais. Ce n’est qu’en fin d’année dernière que le premier parc, celui du banc de Guérande au large de Saint-Nazaire, est entré en service. Actuellement, trois parcs sont simultanément en chantier au large de Saint-Brieuc, Fécamp et Courseulles-sur-Mer, tandis que les travaux préparatoires sont en cours pour celui d’Yeu-Noirmoutier.

Pour le pionnier, c’est tout naturellement le port de Saint-Nazaire qui a été désigné pour la logistique arrière. Une plateforme pour le stockage et la manutention des colis lourds, renforcée pour supporter 15 tonnes au m2, avait été aménagée non loin de la forme Joubert par le port, qui s’est en outre équipé de deux nouvelles grues mobiles. C’est là que General Electric a entreposé les générateurs construits dans son usine de Saint-Nazaire; là aussi que les pales et mâts en provenance d’Espagne ont été entreposés. Les fondations mono-pieux, en revanche, ont été assemblées sur le port de La Rochelle, faute de place à Saint-Nazaire.

Le port de l’estuaire de la Loire a également été choisi pour être le hub d’installation des éoliennes du parc en mer posé des îles d’Yeu et de Noirmoutier.

Cherbourg en base arrière

Alors que les travaux ont été lancés à l’été 2023, la décision, annoncée le 9 octobre, fera de Saint-Nazaire le lieu d’assemblage des mâts en provenance de Brest et des pales construites au Havre. Au-delà du seul chantier d’Yeu et de Noirmoutier, les flux de colis lourds liés à l’éolien y seront permanents, en raison de l’usine de construction des générateurs de General Electric, mais aussi parce que les Chantiers de l’Atlantique y assemblent des sous-stations électriques.

C’est désormais vers Cherbourg que les regards se tournent, car les trois parcs en cours d’installation dans la Manche ont recours, d’une façon ou d’une autre, aux infrastructures spécialement prévues par le port pour traiter le fret de grand gabarit lié à la filière. Une plateforme de 40 ha, avec un quai renforcé acceptant des charges de 50 t au m2, a ainsi été aménagée.

Reflétant les atermoiements de l’État français sur le sujet, cet équipement était prêt dès 2015, mais n’a pas pu être exploité immédiatement en raison des retards pris dans le lancement des chantiers.

Les flux liés à l’éolien ont commencé à Cherbourg avec LM Wind Power. Ce fabricant danois d’éoliennes, racheté par General Electric en 2017, s’est implanté dans le port normand pour y fabriquer des pales géantes, d’une longueur de 107 m. Elles étaient les plus grandes du monde en 2019, lorsque la première est sortie de sa toute nouvelle usine. D’une trentaine de pales fabriquées en 2022, la production de LM Wind Power devrait atteindre les 150 unités d’ici la fin de l’année. De quoi équiper une cinquantaine d’éoliennes, bien plus grandes d’ailleurs que celles en cours d’installation au large des côtes de l’Hexagone. Cette production est exportée en majorité vers le marché nord-américain ainsi que vers le Dogger Bank, parc en chantier au large du Royaume-Uni.

Compte tenu de leur gabarit hors normes, les pales ne peuvent être convoyées que par la mer. Les chantiers d’installation étant concentrés sur les mois d’été, il faut une solution pour stocker les pales sur place, dont la fabrication n’est pas saisonnière. Pour cela, un espace de 20 ha sert de stock tampon. D’autant plus judicieux qu’un retard de production à l’usine General Electric de Saint-Nazaire oblige à stocker davantage de pales à Cherbourg.

Cherbourg a également été retenu pour servir de plateforme au parc de la baie de Saint-Brieuc. Brest avait d’abord été pressenti, mais la disponibilité et les surfaces utiles pour le stockage et l’assemblage des éléments du port transmanche ont emporté la décision du porteur du projet, l’espagnol Iberdrola. Les ancrages de fondations et les pieux soutenant les jackets ont commencé à affluer sur la base à colis lourds début 2021, soit au total, 80 escales. Ils y ont été stockés jusqu’à leur mise en place par jack-up. Au total, 62 éoliennes ont ainsi été installées pour une puissance cumulée de 496 MW. La mise en service est prévue à partir de la fin de cette année.

Le Havre, autre pôle majeur

L’autre pôle portuaire majeur de l’éolien sur les côtes de la Manche n’est autre que Le Havre. C’est en effet dans le port cauchois que Siemens Gamesa a installé son unité de production pour les pales et les générateurs. Le parc de Saint-Brieuc a été le premier à donner de l’emploi à l’usine, qui fournit aussi les champs de Fécamp, Courseulles-sur-Mer et bientôt l’île d’Yeu.

Pour les machines de Fécamp, les fondations gravitaires ont aussi été construites au Havre. Ces blocs de 5 000 t chacun ont ensuite été acheminés jusqu’à Cherbourg, où a lieu l’assemblage final. Le montage sur site est en cours. Plus de la moitié des 71 éoliennes programmées avaient été installées fin octobre. Toutes seront en service durant l’hiver 2023-2024, avec une puissance totale de 497 MW.

Le Havre servira par ailleurs de site de pré-assemblage pour le champ de Courseulles, pourvoyeur d’opérations de grande dimension. Les 64 turbines seront mises en service en 2025.

Viendront ensuite, pour la Manche, les deux champs offshore de Barfleur. Là aussi, Le Havre et Cherbourg seront mis à contribution avec une contrainte de taille: il s’agira d’éoliennes flottantes. Pas question de levage et manutention à la verticale pour les flotteurs, dont la largeur, d’une centaine de mètres, imposera de recourir à une construction à quai, comme pour les fondations gravitaires ou la fixation des éoliennes sur leurs mats.

Posé ou flottant, l’éolien offshore va continuer à générer du lourd pour les ports français. Il est en effet prévu d’attribuer 2 GW d’éolien en mer chaque année à partir de 2024, afin de parvenir en 2050 à un parc installé de 40 GW, soit une cinquantaine de parcs. Sachant que la France aligne à ce stade 2 GW, dont un quasiment installé et 1 autre en chantier.

Sur toutes les façades maritimes, la proportion d’éoliennes flottante sera croissante, ce qui va nécessiter des moyens de manutention et de remorquage conséquents. En Méditerranée, où l’éolien posé n’est pas envisagé, les ports de Marseille-Fos et de Port-la-Nouvelle sont en train d’aménager à cet effet les surfaces utiles.

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