EEXI : un véritable casse-tête

Article réservé aux abonnés

À une centaine de jours de l’entrée en vigueur des nouvelles exigences en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur maritime, les trois-quarts de la flotte mondiale ne seront pas conformes, alertent les experts. Conflit entre une industrie orientée vers les investissements à long terme et un rythme de changement accéléré.

Dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4), protoxyde d’azote (N2O), hydrofluorocarbures (HFC), hydrocarbures perfluorés (PFC), hexafluorure de soufre (SF6), trifluorure d’azote (NF3)… donnent le haut-le-cœur aux palais délicats. Ils composent les fameux gaz à effet de serre (GES) que les dirigeants du monde entier feignent de traquer en signant des conventions internationales d’intention.

Après avoir réglementé la teneur en soufre des carburants (IMO2020), l’OMI a ajouté de nouveaux acronymes à sa liste de réglementations: l’EEXI (indice d’efficacité énergétique), le CII (indicateur d’intensité de carbone) et le SEEMP (plan de gestion de l’efficacité énergétique des navires). À une centaine de jours de l’entrée en vigueur des nouvelles exigences réglementaires adoptées en 2011 par l’OMI, les trois-quarts de la flotte mondiale seront hors-jeu, a tranché Joey Daly, analyste chez VesselsValue.

Que la nouvelle réglementation soit un problème dont on sait par avance qu’il n’y a pas de solution immédiate ou une affaire qui ne présente pas de solution apparente, elle est d’abord et avant tout un casse-tête. L’EEXI mesure les émissions de CO2 en tenant compte des paramètres de conception du navire. Il est le jumeau de l’indice de conception de l’efficacité énergétique (EEDI), promulgué en 2013, mais à la différence que ce dernier ne concerne que les nouvelles constructions quand le nouvel entrant s’applique rétrospectivement à toute la flotte, quel que soit leur âge, et donc à des navires qui n’ont pas potentiellement été construits dans une optique d’efficacité énergétique. Le CII concerne l’exploitation du navire, c’est-à-dire son intensité carbone, qui fera l’objet d’un classement de A à E selon son profil. Les armateurs devront calculer chaque année l’intensité carbone de chaque navire en tenant compte de la charge transportée et établir « des plans de réduction » propres à chacun.

Prolonger la durée de vie

« Il y a trois catégories de navires, classe VesselsValue. Il y a ceux qui peuvent être mis en conformité grâce à des dispositifs d’économie d’énergie, ceux pour lesquels une procédure de limitation de la puissance du moteur est l’option la plus probable. Et enfin, ceux qui auront du mal à rester conformes sans réduire radicalement leur vitesse et leur consommation de carburant et qui pourraient être les premiers candidats à un aller simple vers le chantier de démolition ».

Pour de nombreux analystes, le passage à des carburants alternatifs est la seule option durable à long terme pour être au rendez-vous de la décarbonation. Kafkaïen. Aucune option envisagée n’est suffisamment convaincante pour s’engager au vu d’une myriade de risques et de coûts.

Face à l’incertitude quant aux alternatives du futur, de nombreuses compagnies maritimes s’en tiennent à la prolongation de la durée de vie des navires, espérant sans doute gagner du temps en attendant que les nouvelles technologies gagnantes se généralisent.

Ralentir pour moins consommer

« Certains armateurs ont même préféré acheter des navires d’occasion en raison des incertitudes concernant les carburants futurs », soutient Stephen Gordon, le directeur général de Clarksons Research.

Le phénomène ne va faire qu’amplifier le vieillissement de la flotte mondiale alors que plus du quart (27 %) est aujourd’hui âgée de plus de 15 ans. Avec un double effet pervers: allonger la durée de vie des combustibles fossiles et rendre encore plus difficile la mise en conformité des navires anciens, qui ne sont pas tous éligibles aux technologies disponibles pour améliorer leur empreinte carbone.

« Les navires candidats à la mise au rancart peuvent ainsi rester plus longtemps dans la flotte retardant leur remplacement par des navires plus verts », craint Krispen Atkinson, directeur du conseil maritime d’IHS Markit.

« Il se peut que certains navires n’aient aucune chance de se conformer aux objectifs tout en restant commercialement intéressants et qu’ils soient démolis », alerte de son côté l’organisation maritime internationale Bimco.

La casse devrait être toutefois limitée. L’OMI a autorisé la limitation de la puissance des moteurs (EPL) comme méthode de mise en conformité.

En clair, ralentir pour moins consommer. En France, ce dogme a un fervent défenseur. Philippe Louis-Dreyfus, qui a officié à la tête des plus grandes représentations internationales du secteur, a plaidé pendant de nombreuses années en sa faveur sans trouver beaucoup d’échos. Nécessité pourrait faire loi. Ce que le président de Louis Dreyfus Armateurs avait aussi prédit.

Premier plan

Marchés

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15