À la différence de leurs homologues français, les ports espagnols ne disposent pas de grandes réserves foncières et leurs responsables sont toujours en quêtes de surfaces disponibles. C’est en réponse à ce problème foncier que se sont déployés les ports secs. Cette stratégie a eu un avantage non négligeable: concentrer et déconcentrer les flux dans l’hinterland du port et asseoir son assise sur ce territoire.
Sa zone d’activités logistiques (ZAL) saturée, le port de Barcelone fait figure de pionnier dans cette entreprise. Son hinterland est relativement important. Outre la Catalogne, qui représente la grande majorité de son trafic, sa zone d’influence inclut également l’Aragon, la Navarre, La Rioja, la région de Madrid, une partie de la Castille et le sud de la France.
L’Autorité portuaire de Barcelone (APB) détient actuellement des participations dans les ports secs de la région de Madrid (Coslada et Azuqueca de Henares), de Saragosse, de Vilamalla (près de Figueras) et dans Perpignan Saint Charles Conteneur Terminal. À cela s’ajoute le terminal de Noáin, situé près de Pampelune (Navarre) et géré par BEST, le principal opérateur de conteneurs du port de Barcelone.
Outils de décongestionnement
Plus au sud, Valence, premier port espagnol pour les conteneurs, a la singularité de ne pas disposer de ZAL. Il en est pourtant question depuis la fin des années 1990, mais le projet a fait l’objet de plusieurs recours juridiques. La dernière péripétie en date remonte à avril 2022 lorsque le Tribunal supérieur de justice de la Communauté de Valence a annulé l’aménagement de la zone. L’incertitude plane à nouveau sur son démarrage effectif même si les travaux sont terminés. Quatre opérateurs logistiques, dont deux appartiennent au groupe MSC, sont dans l’attente…
Cette situation a poussé l’Autorité portuaire de Valence (APV) à investir dans les ports secs. Elle détient une participation de 10,2 % dans le port sec de Madrid situé à Coslada et de 10 % dans un des deux terminaux intermodaux du groupe Cosco à Saragosse, CSP Iberian Zaragoza Rail Terminal. Ces investissements ont joué un rôle d’autant plus important que le port bénéficie d’une excellente situation géographique: 51 % du PIB espagnol et la moitié de la population active sont situés dans un rayon de 350 km. Son hinterland comprend la région de Valence, Madrid, ainsi qu’une partie de l’Andalousie, de l’Aragon, de la Castille et de la Catalogne. La moitié du trafic import-export de conteneurs de la région de Madrid, par exemple, transite par Valence.
Le président l’APV, Aurelio Martinez, a manifesté récemment son intérêt pour le développement d’un nouveau centre logistique à Vicálvaro, dans la région de Madrid. Il souhaite implanter de nouveaux ports secs en Aragon et dans la région de Castilla-La Mancha. Le dirigeant les considère comme de formidables outils de décongestionnement des terminaux portuaires qui peuvent servir de soupapes en cas de perturbations des chaînes d’approvisionnement, un phénomène qui, selon lui, pourrait se reproduire.
Un moteur de l’intermodalité
D’autres projets sont en cours. L’autorité portuaire de Carthagène (quatrième port espagnol en termes de trafic) vient de valider l’implantation d’une ZAL dans un parc d’entreprises de 612 ha situé à une dizaine de kilomètres de ses murs. Santander, dans le nord de l’Espagne, également en manque d’espace, va installer un port sec à La Pasiega, à 15 km au sud-ouest. Le port de Tarragone construit actuellement une ZAL et un port sec à Marchámalo, près de Guadalajara.
La stratégie de développement des ports secs a pour effet de pousser les grands ports à s’impliquer dans le financement de projets ferroviaires, notamment pour réaliser des embranchements et permettre la circulation de trains de 750 m. C’est le cas, par exemple, de Valence sur la ligne Valence-Saragosse ou de Barcelone sur Barcelone-Madrid.
Alors que les grands investissements dans les terminaux sont pratiquement achevés, la logistique portuaire focalise désormais les attentions. La compétitivité des ports repose désormais autant sur leur présence dans ces véritables corridors logistiques que dans le coût et la qualité de leurs infrastructures et services. Une vraie révolution.