Quelles sont les forces qui régissent l’offre de l’immobilier logistique alors que les contraintes qui pèsent sur la construction vont s’alourdir? « Au cours des dix prochaines années, le nombre de chantiers achevés devrait être inférieur à la demande dans la plupart des régions d’Europe », indique Prologis (92 millions de m2 dans 19 pays)qui, dans un rapport paru cet été, se propose de répondre à la question.
Dans sa précédente étude, sortie en mars, le département de recherche du promoteur s’était intéressé aux « forces structurelles » régissant la demande d’espaces logistiques. Il mettait notamment en exergue la montée en puissance des utilisations orientées vers la consommation au détriment de celles affectées à la production et au commerce. Cette évolution contraint les points de vente physique à se réapprovisionner beaucoup plus rapidement. L’emplacement est donc plus important que jamais et les chaînes d’approvisionnement deviennent une source essentielle d’avantage concurrentiel, indiquait notamment Prologis Research.
Rareté du foncier
Cette fois, les chercheurs se sont attaqués à l’offre. « La rareté des terrains constituera un défi de taille, notamment dans les plus grands centres de consommation tels que Londres et Paris, tandis que la tendance à la hausse des coûts de remplacement [valeur qui permet à une banque ou à une compagnie d’assurances d’estimer le prix théorique d’un bien à une période précise, NDLR] se poursuit. Au premier trimestre 2021, on estime que les coûts de remplacement en Europe ont augmenté de 8 à 10 % par rapport à l’année précédente. Le prix des terrains s’est renchéri d’environ 10 à 15 %, tandis que dans les principaux marchés d’Europe occidentale, il a augmenté de 50 à 100 % au cours des 12 à 18 derniers mois. »
Les contraintes sont aussi politiques: « Les processus de délivrance des permis et des autorisations se sont complexifiés, plus coûteux et plus lents que jamais ». Rien qu’en Europe, Prologis Research a calculé que les délais d’exécution des projets nécessitant une modification du zonage sont environ deux fois plus longs que ceux des projets implantés sur des terrains déjà situés dans des zones industrielles.
Conflit d’usages
La hausse des exigences pour la construction et les nouvelles restrictions et réglementations renchérissent les coûts et l’obsolescence de certains bâtiments accentue en outre la différenciation entre les biens. Il en résulte une hausse des loyers.
Dans son rapport semestriel, Cushman & Wakefield insistait aussi sur la pression administrative et réglementaire croissante. « Le manque de terrains disponibles pour des développements logistiques – et bien localisés – suscite, une hausse des prix du foncier, et quelques cas de surenchère. Ces facteurs convergent pour tirer vers le haut les valeurs locatives, en particulier pour les plateformes conjuguant une localisation stratégique, un bâti de qualité et un potentiel d’extension ». En France, les loyers « prime » s’échelonnent par exemple de 44 à 49 €/m2/an hors de la dorsale (Centre-Val de Loire, Normandie et Occitanie) et de 45 à 58 €/ m2 sur le corridor logistique hexagonal (Lille, Paris, Lyon, Marseille).
L’évolution de la demande – en lien avec de nouveaux besoins du traitement des commandes en ligne et du réapprovisionnement rapide – accroit la pression sur un foncier rare à proximité des centres urbains. Or les rares espaces disponibles entrent en concurrence avec d’autres usages plus intéressants comme les logements.
Livraisons rapides
La tendance est par ailleurs à l’augmentation des mètres carrés bâtis car il ne s’agit plus seulement de destockage des produits, ce qui contraint à… l’exil. « C’est un défi pour les utilisateurs aux exigences de livraison rapide alors que le transport représente environ 50 % des coûts de la chaîne d’approvisionnement, contre seulement 5 % pour l’immobilier logistique », rapporte Prologis.
Sur le front des réaffectations, le promoteur s’attend à peu de conversions. « Les restrictions liées au zonage et à l’attribution de permis, l’opposition des collectivités inquiètes de la perte des taxes foncières, la difficulté à reconfigurer les structures existantes, les servitudes réciproques, les contraintes de copropriété et négociations multipartites… empêchent ou retardent le processus de conversion en installations logistiques ».
Enfin, le manque de main-d’œuvre logistique peut freiner le développement dans certaines zones pourtant riches en terrains.
L’étude se termine par un plaidoyer en faveur de la conception des bâtiments intégrant les technologies de pointe, créant de la valeur entre les quatre murs du bâtiment.